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Palestine : le credo du Hamas

Palestine : le credo du Hamas

Politique Internationale avait publié à l'automne 2018 un entretien avec le chef du bureau politique du Hamas. Un entretien éclairant dans le contexte actuel…

Depuis mai 2017, il est à la tête du Hamas, le Mouvement de résistance islamique qui a pris le contrôle de la bande de Gaza par la force en 2007, après de violents affrontements contre l’appareil de sécurité de l ’Autorité palestinienne. La direction de celle-ci refusait de reconnaître la victoire des islamistes aux élections législatives tenues l ’année précédente. Un premier cessez-le-feu est signé à La Mecque, le 8 février 2007, sous l’égide de l ’Arabie saoudite, qui prévoit la mise sur pied d’un gouvernement d’union nationale entre le Fatah nationaliste du président Mahmoud Abbas et le Hamas. Ismaïl Haniyeh, dirigeant de l ’organisation islamiste dans la bande de Gaza et chef de file de son courant pragmatique, devient le premier ministre de ce gouvernement le 15 mars 2007. Mais les combats reprennent et, le 14 juin 2007, Mahmoud Abbas déclare l’état d’urgence et dissout le gouvernement d’union nationale. Les diverses entremises, égyptiennes ou qataries, permettent la signature de nouvelles trêves entre les deux factions palestiniennes, au Caire le 4 mai 2011 ou à Doha le 6 février 2012, mais qui ne durent jamais bien longtemps.

Aujourd’hui âgé de 55 ans, Ismaïl Haniyeh s’est donné pour objectif de sortir son organisation de l ’isolement sur la scène mondiale. La tâche ne sera pas aisée : la majeure partie de la communauté internationale, à commencer par les États-Unis, voit dans le Hamas un groupe « terroriste ».

Décrit comme un pragmatique, M. Haniyeh cherche, depuis son entrée en fonctions, à s’imposer à l ’étranger et, surtout, en Europe, comme un interlocuteur crédible au détriment du président Mahmoud Abbas. Pour y parvenir, il n’a pas hésité à assouplir les positions de son mouvement. C’est ainsi qu’il a amendé la charte du Hamas, dont la version précédente était marquée par un violent antisémitisme ; affirmé que son combat contre Israël était strictement « politique » et non « religieux » ; et brisé le lien organique qui rattachait son mouvement aux Frères musulmans en supprimant de sa charte l ’article 2 qui faisait du Hamas l’« aile des Frères musulmans en Palestine ». Au nom de la nécessaire réconciliation entre factions palestiniennes, il s’est également dit prêt à accepter le principe d’un État palestinien en Cisjordanie et à Gaza — alors que la version précédente de la charte de son mouvement installait cet État sur l ’ensemble de la Palestine historique, qui comprend Israël. Autre changement : contrairement à son prédécesseur Khaled Mechaal qui vivait en exil au Qatar, Ismaïl Haniyeh a fait, lui, le choix de rester à Gaza, ce qui le rend plus sensible aux besoins des Palestiniens de l’intérieur qu’aux revendications des réfugiés de l ’extérieur.

Le Hamas, affaibli par le « Dôme de fer » israélien — un système de défense antimissile qui protège l ’État hébreu contre les attaques de roquettes —, par la destruction des tunnels secrets utilisés pour mener des raids sur le sol israélien et par les changements géopolitiques survenus dans la région, particulière- ment le renversement du gouvernement des Frères musulmans en Égypte, avait de toute évidence besoin d’une nouvelle stratégie. Son approche moins ostensiblement belliqueuse n’a pour l’instant payé ni dans ses relations avec Israël qui dispose d’une supériorité militaire écrasante et d’un levier économico-politique extrêmement puissant avec le blocus de la bande de Gaza, ni avec le Fatah rival de Mahmoud Abbas, qui règne toujours sur la Cisjordanie et bénéficie de la reconnaissance exclusive de la communauté internationale. La réconciliation inter-palestinienne demeure une perspective lointaine. Et l ’arrivée à la Maison- Blanche de Donald Trump, soutien affirmé d’Israël, a encore compliqué la tâche d’Ismaïl Haniyeh…

I. L.

Isabelle Lasserre — Monsieur Haniyeh, le Hamas se trouvait déjà depuis 1997 sur la liste américaine des organisations terroristes. En janvier dernier, les États-Unis vous ont personnellement inscrit sur la liste des « terroristes mondiaux spécialement désignés ». Selon l’ex-secrétaire d’État Rex Tillerson, vous êtes une « menace pour la stabilité du Moyen-Orient » et vous « sapez le processus de paix » avec Israël. Comment répondez-vous à ces accusations ?

Ismaïl Haniyeh — Je veux d’abord souligner la constante hypocrisie des États-Unis : ils ont toujours essayé de se présenter comme un médiateur impartial déterminé à faire progresser le prétendu processus de paix mais, en réalité, ils ont de tout temps systématiquement soutenu l’occupation israélienne. La seule différence entre l’administration actuelle et celle qui l’a précédée, c’est que Barack Obama avait cherché à dissimuler son parti pris en prenant quelques décisions cosmétiques. Donald Trump, lui, a renoncé à tout effort diplomatique, à tout projet de négociation avec les Palestiniens. Désormais, Washington appuie l’occupation israélienne au grand jour. Dois-je rappeler que M. Trump a transféré l’ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem et dénié aux Palestiniens le droit de revenir sur leurs terres ?

Pour ce qui me concerne, sachez qu’aucune punition, aucune sanction américaine n’affectera jamais le cours de ma vie. Être placé sur la liste que vous évoquez équivaut plutôt, pour moi, à recevoir une médaille d’honneur ! c’est la preuve que je vais dans la bonne direction. L’administration américaine veut nous imposer ses diktats. Elle n’y parviendra jamais aussi longtemps que je serai en poste. Je ne suis pas de ceux qui marchandent les droits de mon peuple pour complaire aux États-Unis.

J’ajoute qu’en me prenant pour cible en ma qualité de chef du Hamas les Américains visent un responsable qui a été élu démocratiquement au sein du mouvement et qui a, aussi, gagné les élections en 2006 à Gaza. Il s’agit donc d’une sanction directe vis-à-vis du peuple palestinien et de son choix politique. Cette décision irrationnelle de l’administration américaine est totale- ment contre-productive : elle ne fait que renforcer la popularité du Hamas auprès des Palestiniens.

Enfin, n’est-il pas ironique d’entendre l’ex-secrétaire d’État américain affirmer que le Hamas et moi-même constituons une menace pour la stabilité de la région… alors que la principale cause de déstabilisation régionale est l’occupation israélienne ? Seule la fin de l’occupation peut ramener la stabilité et la sécurité dans la région.

I. L. — Vous venez de le dire : les dernières décisions de la Maison-Blanche dans le dossier israélo-palestinien — le transfert de l ’ambassade des États-Unis à Jérusalem, mais aussi le gel de la contribution américaine à l ’agence de l ’ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) — traduisent une attitude bien plus favorable à l ’égard du premier ministre israélien Benyamin Netanyahou que celle qui prévalait du temps de Barack Obama. Concrètement, quel impact ce changement de ligne diplomatique a-t-il sur le Hamas ?

I. H. — ces décisions ont prouvé la justesse de nos analyses. Tous ceux qui croyaient encore que les États-Unis désiraient réellement contribuer à la paix ont vu leurs illusions voler en éclats. Nous n’attendons pas de changements particuliers de la part de cette administration. Ses dernières mesures n’ont fait que conforter notre volonté de poursuivre nos actions politiques, diplomatiques et médiatiques visant à montrer aux Palestiniens et à la communauté internationale à quel point l’attitude américaine au Moyen- Orient est biaisée.

I. L. — Quel regard portez-vous aujourd’hui sur le processus de paix israélo-palestinien ?

I. H. — Quel processus de paix ? Au moment où nous parlons, il n’y a pas de processus de paix. Même ceux, du côté palestinien, qui ont signé les accords d’Oslo reconnaissent à présent qu’il n’y a aucune possibilité, dans l’état actuel des choses, d’aboutir à la paix. Pourquoi ? Parce que la puissance d’occupation n’a respecté aucune de ses promesses. Dès lors, les choses sont claires : puisqu’il n’y a aucune volonté de la part des dirigeants israéliens de s’engager dans le processus de paix, celui-ci n’existe pas. Washington m’accuse d’être celui qui bloque ce processus, mais ce ne sont que des mensonges destinés à blanchir l’occupation et à soustraire Israël à ses responsabilités ! Une fois de plus, l’actuelle administration tente, pour justifier l’occupation israélienne, de rejeter la faute sur d’autres. Cela étant dit, je voudrais préciser que si nous nous opposons à l’administration Trump, nous n’avons rien contre le peuple de ce pays, que nous respectons et avec lequel nous essayons de bâtir des ponts.

I. L. — Depuis 2006, la bande de Gaza et la Cisjordanie sont pratiquement isolées l ’une de l ’autre et suivent des trajectoires totalement divergentes, la première sous le contrôle du Hamas et la seconde sous la direction de l ’Autorité palestinienne et du Fatah. Cette division n’est-elle pas la principale raison de l ’extrême faiblesse des Palestiniens face à Israël ?

I. H. — La faiblesse des Palestiniens réside avant tout dans le fait qu’un petit groupe a décidé de prendre seul toutes les décisions concernant l’avenir de notre peuple, sans rechercher de consensus national. Ce petit groupe, qui est à la direction de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), veut tout régir au mépris des principes de la démocratie, sans consulter les autres mouvements, sans reprendre leurs projets. C’est l’origine du schisme qui marque la scène palestinienne. En 2006, ce groupe s’est élevé contre la victoire du Hamas aux élections. Bien que nous représentions la majorité de la population, il a refusé de respecter les règles démocratiques et a saboté nos décisions concernant le pro- jet national palestinien. Il n’a jamais voulu reconnaître que notre victoire traduisait la volonté de la majorité des Palestiniens, que nous avions gagné la confiance du peuple. Il a rejeté notre appel à former un gouvernement d’unité, foulant aux pieds les principes démocratiques sur lesquels nous nous étions pourtant accordés. Ce groupe est directement responsable du retard pris par le projet de réconciliation nationale. Aujourd’hui encore, il continue de saboter le projet national.

Ce différend fondamental entre nous n’a pas seulement affaibli la position des Palestiniens dans leur ensemble. Il a permis aux occupants de remplir un vide et de parler de manière indépendante aux différentes parties palestiniennes tout en travaillant à renforcer leurs divisions. De notre côté, nous avons toujours affirmé que la réconciliation nationale était, à nos yeux, un objectif stratégique et pas une simple option tactique. Nous continuons à œuvrer au rétablissement de cette unité. Ce que nous voulons, c’est un partenariat sérieux qui permettra au peuple palestinien de retrouver ses droits légitimes. J’ai d’ailleurs proposé ma démission en 2014 (1) pour que personne ne puisse m’accuser de vouloir rester seul au pouvoir à Gaza. Analysez ce qui se passe aujourd’hui au Caire (2), et vous comprendrez que celui qui refuse le processus de réconciliation, c’est le président Mahmoud Abbas, le leader du Fatah et de l’OLP. Je lui lance un appel pour qu’il renoue avec un objectif d’unité car, une fois de plus, la désunion du peuple palestinien joue en faveur de l’ennemi, de l’occupation. Elle affaiblit notre cause jour après jour.

I. L. — Justement, vous avez signé en octobre 2017 un accord avec le Fatah visant à reconstituer un gouvernement palestinien d’union nationale. Un an plus tard, rien n’a avancé. Pourquoi ?

I. H. — ce n’est pas le premier accord signé entre le Hamas et le Fatah. Il y a eu des dizaines de dialogues noués et d’accords passés entre nous. Mais, malheureusement, ils étaient toujours incomplets ou n’ont jamais été appliqués. Les négociations d’octobre 2017 étaient sérieuses. Elles reprenaient le cadre de l’accord majeur initié par Le Caire en 2011 (3), qui avait été signé par toutes les parties palestiniennes et qui nous offrait une véritable occasion de reconstituer notre unité nationale. Malheureusement, l’accord d’octobre 2017 a connu le même destin — et cela, j’y reviens, à cause de la mentalité et de l’attitude d’une minorité qui veut toujours imposer ses décisions seule, sans aucune concertation. Pour notre part, nous avons toujours fait preuve d’une grande flexibilité et multiplié les concessions — alors même que nous sommes majoritaires au Parlement. Nous avons accepté de participer à un véritable marathon de négociations à travers plusieurs capitales dans la région — comme Sanaa au Yémen, Le Caire en Égypte, Doha au Qatar et, aussi, Gaza. Aujourd’hui, nous ne désespérons pas. Nous voulons faire en sorte que ces accords deviennent réalité, qu’ils soient enfin appliqués et qu’ils mettent un terme au schisme entre Palestiniens.

I. L. — Mahmoud Abbas avait remporté l ’élection présidentielle du 9 janvier 2005 pour un mandat de quatre ans. Aucun nouveau scrutin n’a été organisé depuis. Considérez-vous toujours Mahmoud Abbas comme le président légitime de l ’Autorité palestinienne ?

I. H. — ce que vous évoquez montre à quel point la démocratie s’est effritée en Palestine. Les règles et les lois de l’Autorité palestinienne sont parfaitement claires : le mandat du président est de quatre ans. Une fois cette période terminée, il doit normalement y avoir de nouvelles élections qui débouchent sur l’arrivée d’une nouvelle équipe au pouvoir. En 2009, après la fin du mandat du président Abou Mazen (Mahmoud Abbas), nous avons lancé un processus de négociations à l’issue duquel tous les participants ont accepté le principe que le prochain leader de la Palestine devait faire l’objet d’un consensus. S’il veut continuer à assumer ses fonctions de président, Abou Mazen a besoin d’une nouvelle légitimité. Aujourd’hui, il est absolument nécessaire d’organiser des élections à tous les niveaux en Palestine : la présidence, le Parlement, l’OLP, le conseil national palestinien... C’est la seule façon de rassembler le peuple.

I. L. — Le président égyptien Abdel Fatah al-Sissi semble jouer un rôle de médiateur très important dans les discussions inter- palestiniennes. Or le maréchal al-Sissi est l’homme qui a renversé le gouvernement des Frères musulmans, qui étaient plus que vos alliés... Quel est l’état de vos rapports avec Le Caire ?

I. H. — Notre relation avec l’Égypte a connu des fluctuations, en fonction des époques et de la nature des régimes politiques au Caire. Mais nous avons toujours conservé vis-à-vis de ce pays les mêmes principes fondamentaux. Notre relation, tout d’abord, est stratégique. Elle est basée sur la politique, la géographie, l’histoire et la culture arabe. Deuxièmement, nous respectons le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures de tous les pays et donc de l’Égypte, qui est la seule habilitée à choisir son régime politique. Troisièmement, la sécurité de l’Égypte est une question essentielle pour l’ensemble du monde arabe, y compris pour les Palestiniens. Quand l’Égypte est forte, l’oumma est forte, ce qui ne peut que bénéficier à la cause palestinienne. Quand des différends apparaissent entre le pouvoir égyptien et nous, nous faisons tout pour les résoudre par le dialogue et pour revenir, le plus vite possible, à une relation forte et saine. L’Égypte a joué et continue de jouer un rôle central dans différents dossiers, notamment dans les négociations portant sur la réconciliation palestinienne et sur les cessez-le feu avec Israël.

I. L. — Précisément, en août dernier, le cabinet de sécurité israélien (4) a étudié le principe d’un accord de cessez-le-feu entre Israël et le Hamas. On parle d’une trêve qui pourrait durer jusqu’à cinq ans et qui déboucherait, dans l ’idéal, sur un véritable accord de paix. Votre mouvement est-il prêt à signer une telle trêve et à quelles conditions ?

I. H. — Il ne faut pas surestimer la portée de ces discussions. Certains annoncent déjà un nouveau processus de paix, mais la réalité est bien différente. N’oubliez pas ce qui s’est passé juste après l’offensive israélienne contre Gaza en 2014. Nous avons alors conclu un cessez-le-feu avec Israël, grâce à une médiation égyptienne, mais la puissance d’occupation n’a pas respecté ses engagements. Bien au contraire, elle a étranglé Gaza et pris des sanctions contre Mahmoud Abbas…

Au début de l’été, la situation s’était tellement détériorée que nous nous étions retrouvés au bord de la guerre. C’est alors que, une fois de plus, une médiation égyptienne soutenue par le Qatar et par une partie de la communauté internationale a abouti à un nouvel accord de cessez-le-feu (5). Mais les dispositions de cet accord sont seulement techniques, elles n’ont pas de dimension politique. Toute annonce relative à la relance d’un processus de paix serait erronée. À l’heure actuelle, nous ne cherchons pas à signer un accord politique. Pour une raison simple : nous savons que, quand il est question de processus de paix, les dirigeants israéliens ne respectent pas leurs promesses ; dès lors, pourquoi devrions-nous perdre notre temps ?

I. L. — À vos yeux, quel est le premier pas qu’Israël devrait accomplir pour donner une chance à la paix ? Et vous, de votre côté, quelles concessions êtes-vous prêt à faire pour aller dans cette direction ?

I. H. — J’aimerais beaucoup que votre question ait un quelconque rapport avec la réalité. Mais ce n’est pas le cas. Pourquoi ? Parce que les Israéliens glissent chaque jour plus à droite et deviennent de plus en plus extrémistes. Le leadership israélien se radicalise pour satisfaire les demandes de la population. Malheureusement, celui qui gagne les élections en Israël est toujours celui qui promet de tuer davantage de Palestiniens. Souvenez-vous de la manière dont les Israéliens ont agi pendant les marches du retour (6). Entre le 30 mars et la fin juillet, 171 Palestiniens ont été tués. 20 % d’entre eux étaient des enfants de moins de 18 ans. 10 300 Palestiniens ont également été blessés. Des ambulances ont été visées par des snipers… chaque jour, les responsables israéliens nourrissent leur population avec des discours de haine. Leur dernière provocation est la loi passée à la Knesset faisant d’Israël l’« État-nation du peuple juif ». Elle reflète la mentalité des dirigeants actuels, fondée sur le racisme et la discrimination. Aujourd’hui, le pouvoir israélien est un pouvoir d’extrême droite. Votre question n’a donc aucune base réelle. Même quand les dirigeants israéliens proposent de négocier, leurs paroles ne sont jamais suivies d’effets. Certains dirigeants de l’OLP ont accepté de négocier avec la partie israélienne. Qu’ont-ils obtenu ? Israël, je l’ai déjà dit, a trahi toutes ses promesses et renié tous les accords signés pendant le processus de paix. Il n’empêche que nous restons ouverts à toute option rationnelle qui pourrait restituer au peuple palestinien ses droits légitimes. Mais il vous faut aussi comprendre que nous sommes la partie occupée, celle qui souffre, et que c’est donc l’autre partie qui doit trouver des solutions.

I. L. — Le Hamas est un mouvement à la fois islamiste et nationaliste. Votre conflit avec Israël est-il religieux ou politique ?

I. H. — Nous l’avons toujours affirmé : nous n’avons pas de problème avec les Juifs en tant que tels, ni avec le judaïsme en tant que religion. Nous sommes en conflit avec un ennemi qui a occupé notre terre sans respecter notre identité et notre religion.

Nous luttons pour libérer cette terre et pour obtenir le retour de notre peuple qui en a été chassé. Mais l’ennemi israélien cherche à transformer ce conflit en guerre religieuse. J’en reviens à la résolution raciste consacrant l’« État-nation juif » que la Knesset vient d’adopter. Les Israéliens veulent chasser tous les non-Juifs et permettre au gouvernement de prendre des mesures répressives contre les chrétiens, contre les musulmans, contre quiconque a une religion différente de la leur ! Après avoir pris le contrôle du tom- beau d’Ibrahim à Hébron (7), Israël essaie aujourd’hui de changer les rapports de force sur le terrain pour pouvoir s’emparer de la mosquée Al-Aqsa (8) et des tombeaux chrétiens à Jérusalem (9). Aujourd’hui, le gouvernement israélien est hostile non seulement aux Palestiniens mais aussi aux 1,5 milliard de musulmans qui considèrent la mosquée Al-Aqsa comme un lieu saint.

I. L. — La charte du Hamas, rédigée en 1988, affirme que la lutte armée est le seul moyen d’obtenir la libération nationale. Cette position est-elle toujours d’actualité ? Votre mouvement pourrait-il adopter une nouvelle stratégie de résistance pacifique ?

I. H. — Notre terre nous a été prise de force au prix de nombreux morts. Aujourd’hui encore, la puissance d’occupation se livre contre notre nation à tous types de crimes de guerre et de violation des droits de l’homme. La force appelle toujours la force. C’est une loi de la physique. La résistance de notre peuple est une réaction à l’occupation et aux atrocités israéliennes. Pour autant, nous n’avons pas envie d’envoyer nos enfants à la mort et nous ne voulons pas tuer les enfants des autres. Mais tous les moyens sont bons pour obtenir la liberté. Nous pratiquons déjà la résistance pacifique — les manifestations le long de la clôture de Gaza en sont un exemple. Nous avons organisé l’Intifada des pierres et avons aussi eu recours à la résistance militaire. Nous avons utilisé nos relais au sein de la communauté internationale pour manœuvrer au niveau diplomatique, et nous sommes engagés dans diverses activités politiques et médiatiques. C’est ce que nous appelons l’approche holistique de la résistance : nous empruntons toutes les voies qui nous semblent opportunes pour atteindre notre objectif.

I. L. — Il y a eu trois guerres depuis 2008 (10) ; quel bilan en tirez-vous ? Quelle sorte d’évolution pouvez-vous attendre de votre relation avec Israël ?

I. H. — Il ne fait aucun doute que la force militaire est du côté israélien. Mais notre volonté inébranlable joue en faveur de notre peuple. Au cours de ces trois guerres, les Palestiniens se sont défendus de manière héroïque. Et, chaque fois, ils en sont sortis en croyant davantage encore au succès de leur cause. J’ajoute que, chaque fois, notre capacité à résister augmente, de même que notre expérience. À chaque nouveau conflit, nous parvenons à sur- prendre Israël par les formes nouvelles que nous donnons à notre résistance. Quant à l’évolution de notre relation avec Israël, les choses sont très claires. C’est une relation entre deux ennemis. Il y a, d’un côté, une puissance d’occupation illégale et, de l’autre, un peuple qui souffre de cette occupation et qui lutte pour ses droits.

I. L. — Un amendement à la charte du Hamas incorporé en 2017 — à votre initiative — prévoit la création d’un « État palestinien entièrement souverain et indépendant avec Jérusalem pour capitale, dans les frontières du 4 juin 1967 ». Cette formulation peut être interprétée comme une acceptation des résolutions 181 et 242 des Nations unies (11). Mais cet été, lors d’un meeting public à Gaza, vous avez déclaré : « La Palestine s’étend de la mer jusqu’au fleuve ! Et nous ne reconnaîtrons jamais, jamais, jamais Israël ! » Pouvez-vous éclaircir votre position ? Êtes-vous prêt ou non à reconnaître l ’État d’Israël en échange d’une reconnaissance par Israël d’un État palestinien dans les frontières de 1967 ?

I. H. — Oui. Nous l’avons annoncé l’année dernière. Nous voulons favoriser l’unité nationale et permettre l’émergence d’un consensus autour de l’objectif politique d’un État palestinien souverain et indépendant sur la terre occupée en 1967, en accord avec les décisions de la communauté internationale. Mais la question centrale est la suivante : de quelle manière la communauté internationale contribue-t-elle à faire appliquer les résolutions de l’ONU et à mettre fin à l’occupation ? Je le répète une fois de plus : les Palestiniens sont les victimes, leurs droits ont été usurpés et leurs terres confisquées. Israël ne reconnaît pas nos droits et défie la volonté et les résolutions de la communauté internationale. L’expérience montre que plus les Palestiniens font des compromis, plus les Israéliens deviennent paranoïaques. Rien ne pourra changer si nous faisons des compromis. L’OLP a offert très claire- ment de reconnaître Israël, et quel a été le résultat ? Nul. Un retour à la case départ. De nouvelles souffrances pour notre peuple. Nous ne répéterons pas les mêmes erreurs.

I. L. — Israël et les États-Unis ont clairement énoncé leurs conditions pour traiter avec un gouvernement palestinien d’union nationale : reconnaissance d’Israël, renonciation à la violence et désarmement du Hamas…

I. H. — Les États-Unis sont des habitués de la politique des deux poids, deux mesures. D’un côté, ils fournissent à Israël toutes sortes d’armes sophistiquées, y compris des armes interdites comme des munitions au phosphore qui tuent les enfants, les femmes et les civils palestiniens. Et, de l’autre, ils nous demandent de mettre fin aux violences ! Mais de quelles violences parlent-ils venant de la part d’un peuple dépouillé qui ne trouve même pas d’abri pour se protéger contre les raids aériens israéliens ? Nous sommes occupés et nous avons le droit de nous défendre ! Toutes les législations internationales nous reconnaissent ce droit. Les injonctions des Américains visant à nous faire renoncer à la violence seront sans fondement aussi longtemps que les États-Unis continueront de soutenir aveuglément l’occupation israélienne. Je répète que nous sommes les victimes et que c’est sur l’oppresseur qu’il faut exercer des pressions. La position américaine est d’une partialité absolue.

I. L. — Quelles sont les conséquences de la guerre en Syrie pour le Hamas ?

I. H. — ce conflit a affecté l’ensemble de la scène politique palestinienne, pas seulement le Hamas. La Syrie était, auparavant, un refuge sûr pour tous nos mouvements de résistance (12) car elle soutenait la cause palestinienne. Mais après le début de la guerre civile, le Hamas a dû quitter Damas (13). La crise syrienne et, au- delà, la déstabilisation et la confusion générale dans la région ont eu un impact négatif sur la Palestine. En règle générale, tout ce qui divise l’oumma est néfaste pour nous.

I. L. — Cette guerre en Syrie a-t-elle affecté votre relation avec le Hezbollah (14) ? Comment et pourquoi ? Pensez-vous que cette relation peut se normaliser ?

I. H. — Le principal fil conducteur de nos relations avec l’Iran et le Hezbollah, c’est la Palestine, pas la Syrie. Si les événements syriens ont pu avoir, un temps, un impact négatif sur notre relation avec le Hezbollah, ce n’est plus le cas. Par le passé, nous avons toujours trouvé les moyens d’aplanir nos différends avec cette organisation. Nous cherchons aujourd’hui à fonder avec elle une relation stratégique concentrée sur un seul ennemi, Israël, et sur une seule cause, celle de la Palestine.

I. L. — Qu’en est-il de vos rapports avec le régime syrien ? Pensez-vous qu’une réconciliation soit possible avec Bachar el-Assad ?

I. H. — Notre position est toujours la même, je l’ai évoquée plus tôt à propos de l’Égypte : nous n’interférons pas dans les affaires internes des autres pays. Ce principe vaut évidemment pour la Syrie. Nous avons déclaré à de nombreuses reprises que, pour nous, ni le peuple ni le régime syrien ne sont un ennemi. Nous considérons que le choix d’un régime dépend exclusivement de la population qui vit dans cet État. Nous ne sommes pas de ceux qui veulent exercer une influence sur ce choix. Nous respectons la volonté des peuples et nous respecterons le choix du peuple syrien. Et, au bout du compte, nous passerons des accords avec le président et avec le régime qui auront été choisis par le peuple syrien.

I. L. — Comment jugez-vous l ’intervention russe en Syrie et, au- delà, le rôle de la Russie dans la région ?

I. H. — Rappelons d’abord que la Russie n’est pas le seul pays à avoir joué un rôle direct ou indirect en Syrie. La Syrie est devenue un terrain de jeu où de nombreux acteurs s’affrontent. Et, bien sûr, chacun d’entre eux possède ses propres objectifs. On ne peut pas analyser le rôle d’un acteur particulier sans contempler la scène dans son intégralité. Le décryptage que vous ferez de la situation en Syrie dépend de l’angle selon lequel vous vous placez, du pays auquel vous appartenez, de la partie que vous représentez… c’est pourquoi, depuis le début des incidents en Syrie, nous avons évité de nous en mêler. Nous avons notre propre cause et, pour la promouvoir, nous sollicitions la solidarité et le soutien des différentes puissances nationales et internationales. Nous ne voulons pas nous aligner sur telle ou telle partie dans l’affaire syrienne, ne serait-ce que parce que nous avons besoin de tout le monde.

I. L. — Le numéro 2 du Hamas a été reçu à Moscou en avril (15). Quelle est la nature de votre relation avec la Russie ? Sur quels intérêts communs repose-t-elle ?

I. H. — La Russie a toujours joué un rôle positif en faveur du peuple palestinien. Elle s’est opposée aux conditions qui nous étaient imposées par le Quartet international (16). Moscou était pourtant membre de ce Quartet, mais elle a refusé la classification américaine qui plaçait le Hamas sur la liste des organisations terroristes. Par surcroît, les Russes ont défendu nos droits au conseil de sécurité. Quand nous avons remporté les élections en 2006, la Russie a été l’un des premiers pays à recevoir officiellement notre délégation. Les Russes ont également rejeté la position de l’administration Trump sur la question des réfugiés et de Jérusalem. La cause palestinienne a besoin du soutien de telles puissances internationales pour faire contrepoids à la position biaisée de l’administration américaine.

I. L. — Quels pourraient être vos soutiens en Europe ?

I. H. — Pour le moment, nous n’avons aucune relation de quelque type que ce soit avec l’Europe. Nous aimerions évidemment que les pays de l’UE se montrent mieux disposés à notre égard. Mais, pour cela, il faudrait qu’ils acceptent d’échanger directement avec nous, au lieu de se contenter d’acquiescer à ce que nos ennemis leur disent sur notre compte ! Tout le monde a le droit d’être d’accord avec nous ou non, mais il est injuste de ne pas nous donner une chance de discuter avec les Européens. Et cela, d’autant plus que la position des peuples européens nous est souvent favorable. Nous aimerions que les gouvernements écoutent davantage leurs peuples !

I. L. — Pour terminer, j’aimerais vous poser quelques questions qui dépassent l’actualité du moment. Quelle fut, pour vous, la pire décision — concernant le Proche-Orient — que les divers acteurs internationaux ont prise depuis 1948 ?

I. H. — L’Histoire jugera sévèrement le comportement de tous ceux qui n’ont cessé de rejeter les droits légitimes des Palestiniens. La pire décision de la communauté internationale a été, sans aucun doute, la partition de la Palestine en 1947, suite à la résolution 181 des Nations unies. Cette résolution faisait écho à la « déclaration Balfour » dans laquelle le ministre britannique des Affaires étrangères, en 1917, s’était déclaré favorable à l’établissement d’un foyer national juif en Palestine. Quelles en ont été les conséquences ? Un oubli des droits du peuple légitime à qui appartient la terre palestinienne et qui en demeure le propriétaire originel. Cette décision a été prise en faveur d’immigrés qui se sont enrichis sur notre terre avec le soutien des puissances coloniales, à commencer par le Royaume-Uni. Les conséquences de la résolution actant la partition ont été terribles pour nous. Les gangsters israéliens ont chassé des centaines de milliers de Palestiniens de leurs maisons, vidé entièrement 400 villages de leurs populations. Quant à la résolution 3379 des Nations unies adoptée en 1972, qui faisait du sionisme une « forme de racisme et de discrimination raciale », elle a été ignorée par les grandes puissances qui n’en ont jamais tenu compte. Voilà qui prouve la faiblesse des instances internationales quand elles prétendent imposer la paix et la sécurité dans le monde !

Pour ce qui concerne les décisions prises sans le moindre consensus, je citerai une mesure dont nous avons déjà parlé : la reconnaissance par Donald Trump, en 2017, de Jérusalem en tant que capitale d’Israël. C’est la pire décision prise depuis des années ! Elle va à l’encontre des résolutions internationales, des normes diplomatiques, des droits des Palestiniens et des nations musulmanes. Par ailleurs, Jérusalem est un symbole spirituel pour plus de 50 % des croyants sur la planète. Elle est une ville sacrée pour les musulmans et les chrétiens, mais l’administration américaine se moque du sentiment de ces croyants qui réclament pour Jérusalem un statut spécial.

I. L. — Quels sont vos « héros » ou, à tout le moins, vos « références » dans l ’Histoire ? De quel grand personnage vous sentez-vous le plus proche ?

I. H. — Nos héros historiques sont nombreux. Le premier d’entre eux, pour nous comme pour tous les musulmans, est notre prophète Mahomet. Il est notre idéal, nous essayons tous de suivre la voie qu’il a tracée. Il a su faire preuve à la fois de clémence et de fermeté sans jamais se résoudre au compromis. Il incarne évidemment le modèle absolu pour l’ensemble de l’oumma.

Je veux également citer trois autres grands personnages. Le premier est Saladin qui a réussi, au XIIe siècle, à rassembler l’oumma pour libérer Jérusalem et qui a gagné le respect non seulement de ses partisans mais, aussi, de ses ennemis. C’était un vrai héros, un grand conquérant, un politicien avisé et, en même temps, un homme doté d’immenses qualités humaines. Le second modèle ou idéal est le prince Qutur, qui a vécu au XIIIe siècle. L’oumma était assiégée à l’est et à l’ouest et ses armées ne pouvaient pas résister. Il est le héros qui a refusé de se rendre. Il a réussi à neutraliser tous les dangers qui menaçaient l’oumma, à éliminer ses ennemis et à transmettre le drapeau de la victoire à ses successeurs. Nous suivrons son exemple : nous ne nous rendrons jamais et, comme lui, nous brandirons toujours le drapeau de la victoire. Ma troisième référence, plus récente, est l’incarnation d’un modèle de coexistence pacifique. Il s’agit du Sud-Africain Nelson Mandela. Il est parvenu, après des années de lutte, à libérer son peuple et à éliminer le racisme et l’apartheid — et cela, dans un environnement aussi critique et aussi hostile que celui dans lequel Gaza se trouve aujourd’hui. Il mérite d’être un héros en Palestine aussi.

I. L. — Le premier des 42 articles de la charte du Hamas explique que l ’objectif du mouvement consiste à « libérer la Palestine » et à « s’opposer au projet sioniste ». Dans cette optique, que deviendraient les Israéliens ?

I. H. — Encore une question hypothétique ! L’une des principales leçons que nous avons apprises de notre prophète Mahomet est relative à la façon de négocier avec nos ennemis et nos rivaux. Quand l’armée musulmane qu’il commandait a conquis La Mecque et s’est emparée de ses ennemis — qui l’avaient torturé, lui et ses fidèles, qui avaient lancé contre lui une brutale agression et l’avaient affronté dans les batailles de Bader (624) et d’Uhud (625) au début de l’ère islamique, qui l’avaient assiégé dans la bataille des tranchées (627) —, qu’a-t-il fait ? Il leur a dit : « Vous pouvez partir, vous êtes libres. ce jour est un jour de clémence. Aucune vengeance ne sera lancée, aucun sang ne coulera le jour de la victoire historique à La Mecque. » La même ligne de conduite fut adoptée par le conquérant Saladin quand il est entré dans Jérusalem : il a protégé les habitants et même les soldats qui avaient combattu contre lui et contre son armée. Il leur a laissé le choix : ils pouvaient rester dans la ville, partir et même, s’ils le désiraient, rejoindre sa propre armée. Enfin, Nelson Mandela a lui aussi adopté un modèle de coexistence pacifique quand il est devenu le président de l’Afrique du Sud.

Nous ne sommes pas un peuple de tueurs. La religion guide notre comportement. C’est une religion empreinte de miséricorde. Je le répète, nous sommes inspirés par les leçons du passé. Nous nous montrerons justes et cléments à l’égard de nos ennemis.

I. L. — Si l ’on vous demandait de dessiner ce que sera la carte du Proche-Orient dans dix ans, à quoi votre esquisse ressemblerait-elle ?

I. H. — Je tracerais la carte qui reflète nos ambitions et nos souhaits, dont nous croyons fermement qu’ils deviendront un jour réalité. Certains pensent que nous rêvons. Mais ce sont les rêveurs qui gagnent. Je vous le dis avec beaucoup de confiance : au cours des dix prochaines années, l’occupation de la Palestine prendra fin et les rapports de force dans la région évolueront. Des changements radicaux se produiront. L’expérience a prouvé que nous sommes une nation forte et vivante. Un jour, cette nation vivra en paix tout en réalisant ses vœux et ses ambitions, sans jamais renoncer à ses droits légitimes. Nous voyons que notre ennemi affronte une crise de légitimité, si bien qu’il est possible que son armée finisse par refuser d’accomplir le sale boulot qui lui est imparti. L’occupation ne pourra jamais nous empêcher d’exister.

I. L. — Depuis que vous êtes au pouvoir, pensez-vous avoir commis des erreurs ? Lesquelles ? Inversement, de quelles décisions êtes-vous le plus fier ?

I. H. — chaque gouvernement réalise de bonnes choses et com- met, aussi, des erreurs. Nous avons pris le pouvoir à une période très difficile pour notre société. Dès le premier jour, de nombreux acteurs régionaux et internationaux ont promis de nous assiéger et ont multiplié les efforts visant à nous faire échouer. Ils n’aimaient tout simplement pas le résultat produit par la démocratie ! Ils ont semé le chaos pour susciter la désobéissance civile et pour remettre en cause le choix de la nation. Mais ils ont échoué, grâce à Dieu et grâce à la ténacité de notre peuple.

Dans ce contexte délétère, nous avons réussi à forger un nouveau modèle de bonne gouvernance basé sur la transparence et la lutte contre la corruption. Certains nous jugent très superficiellement en nous reprochant la faiblesse de nos infrastructures, la crise de l’électricité ou la fermeture des ponts et des frontières qui en découle — mais il faut bien comprendre à quel point notre situation est rendue compliquée par l’occupation israélienne et par les rivalités au sein de la société palestinienne ! En dépit de toutes ces immenses difficultés, nous avons créé un système administratif qui fonctionne et nous en sommes fiers. Le gouvernement a amélioré le secteur de la santé et a aussi obtenu de bons résultats en matière d’investissement et de développement des ressources humaines. Je voudrais terminer en soulignant que les gens qui vivent à Gaza sont formidables. Malgré le manque d’équipements et de ressources, ils sont à la fois éduqués et résilients. Et, un jour, ils vivront en liberté et bénéficieront de tous leurs droits. Ils le méritent.

 

(1) En juillet 2013 le secrétaire d’État américain John Kerry avait tenté de relancer les négociations de paix entre Israël et la Palestine. Il s’était donné neuf mois pour parvenir à un « accord-cadre » susceptible de favoriser la création d’un État palestinien et d’apporter une solution aux questions relatives au « statut final » de sa relation de coexistence avec Israël. Dans ce processus, l’Autorité palestinienne a repris langue avec le Hamas et proposé un accord inter-palestinien prévoyant la formation d’un cabinet de « consensus national » dirigé par Mahmoud Abbas et la tenue d’élections fin 2014. C’est dans ce cadre que le Hamas avait accepté, pour favoriser la dynamique, une démission formelle d’Ismaïl Haniyeh de son poste de premier ministre de l’Autorité palestinienne.

(2) Les intenses tractations menées par l’Égypte et l’ONU sur un cessez-le-feu à long terme avec Israël dans la bande de Gaza et sur la réconciliation inter-palestinienne ont d’abord semblé porter leurs fruits. Mais le président palestinien Mahmoud Abbas menace de torpiller tout accord qui ne rétablirait pas son autorité à Gaza.

(3) En mai 2011, après un an et demi de tractations, treize factions palestiniennes, dont le Hamas et le Fatah, ont scellé leur réconciliation au Caire.

(4) Le cabinet de sécurité israélien, également appelé Shabak ou Shin Bet, est l’agence de contre-espionnage israélienne, le service de sécurité intérieur du pays chargé de prévenir les attaques terroristes visant le territoire israélien.

(5) Après quatre mois de tension, le cabinet de sécurité israélien a approuvé, le 15 août, un accord de cessez-le-feu entre Israël et le Hamas. Cette décision a été permise par les négociations indirectes menées par l’Égypte et les Nations unies depuis mars pour aboutir à un cessez-le feu de longue durée entre les deux parties.

(6) Marches du retour : chaque année le 15 mai, lendemain de la date anniversaire de la proclamation de l’État d’Israël, les Palestiniens commémorent la Nakba, l’exode de 1948 après la première guerre israélo-arabe. En 2018, des marches ont été organisées du 30 mars au 15 mai.

(7) La mosquée d’Abraham (ou tombeau des Patriarches) est l’un des principaux lieux saints des juifs et des musulmans et tient également une place théologique importante dans le christianisme. Depuis la fin des années 1990, la ville est divisée en deux territoires, administrés par l’Autorité palestinienne et par l’armée israélienne. Cette dernière contrôle de facto la ville historique.

(8) C’est la plus grande mosquée de Jérusalem, construite au VIIe siècle sur l’esplanade des Mosquées, le troisième lieu saint de l’islam.

(9) Notamment le tombeau du christ, dans l’église du Saint-Sépulcre.

(10) Le Hamas a affronté militairement Israël à trois reprises en dix ans, en 2008, 2012 et 2014.

(11) La résolution 181, adoptée le 29 novembre 1947, concerne le plan de partage du mandat britannique en deux États, un juif et un arabe. La résolution 242 a été adoptée en 1967 après la guerre des Six-Jours et l’écrasante victoire d’Israël, qui a occupé 70 000 km2 de territoires arabes, notamment à Gaza et en Cisjordanie. Un texte à la formulation ambiguë, qui n’est toujours pas mis en œuvre.

(12) Avant le déclenchement de la guerre en 2011, la population palestinienne de Syrie était évaluée à 500 000 personnes, exilées au gré des conflits israélo-arabes. Le régime baasiste a instrumentalisé à son profit la cause palestinienne.

(13) En 2012, la direction du Hamas a quitté Damas, où certains de ses cadres résidaient, coupant ainsi les ponts avec Bachar el-Assad.

(14) Le Hezbollah est un groupe islamiste chiite et un parti politique basé au Liban et financé par l’Iran. Inscrit par la plupart des pays occidentaux sur la liste des organisations terroristes, le Hezbollah est allié au régime syrien dans sa lutte contre l’opposition.

(15) Moussa Abou Marzouk, le vice-président du mouvement, était à Moscou le 4 avril.

(16) Le Quartet international est un groupe formé de quatre États et organisations inter- nationales — États-Unis, Russie, Union européenne et Nations unies — engagés pour essayer de faire aboutir le processus de paix israélo-palestinien.