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La construction durable, axe majeur de la transition écologique

Entretien avec François de Rugy, Ministre de la transition écologique et solidaire par Frédéric de Monicault, journaliste au Figaro

Dossiers spéciaux : n°164 : Villes et bâtiments durables

François de Rugy

Frédéric de Monicault La construction durable : pour une personnalité publique comme vous, que recouvre exactement ce thème ? À quels enjeux correspond-il ?

François de Rugy — La construction durable est un axe majeur de la transition écologique et solidaire, d’abord parce que le secteur du bâtiment constitue la deuxième source d’émissions de gaz à effet de serre après les transports. C’est donc là qu’il faut agir pour atténuer le dérèglement climatique. Ensuite, parce que la construction impacte nécessairement l’artificialisation des sols et représente donc un enjeu de biodiversité de première importance. La construction, c’est aussi une chance pour notre économie : le parc de logements à rénover est énorme, de l’ordre de plusieurs millions — ce qui implique un potentiel de chantiers considérable pour nos entreprises et la création de nombreux emplois non délocalisables s’adressant à une main-d’œuvre qualifiée. des formations dédiées, largement financées par nos programmes, permettent de valoriser les compétences de ces professionnels. C’est enfin un enjeu financier de taille pour les ménages. Un logement durable, c’est en effet la promesse d’un budget chauffage allégé pour les Français. J'en ai fait mon leitmotiv : il faut faire avancer main dans la main écologie et économie, car ce qui est bon pour la planète l’est aussi souvent pour le porte-monnaie.

F. de M. Ces sujets se situent au carrefour de plusieurs expertises : le logement, l’énergie, le climat, le transport, la grande industrie... Comment réussir à concilier cette avalanche de compétences sans que chacun travaille dans son coin ?

F. de R. — La chaîne de la construction durable, notamment celle de la rénovation, est en effet très longue. Les acteurs concernés sont nombreux et viennent d’horizons divers : les fédérations et les syndicats professionnels ; les organismes de qualification et de certification ; les acteurs associatifs et institutionnels ; les fournisseurs d’énergie, d’équipements et de matériaux ; les banques ; les agences immobilières... À partir de cette avalanche de compétences, comme vous dites, nous devons favoriser un effet boule de neige en regroupant les acteurs de tous les secteurs concernés autour d’une ambition commune pour la construction durable. C’est le sens de notre Plan bâtiment durable. Depuis sa création il y a dix ans, il a beaucoup apporté à l’animation de l’ensemble de la démarche en jouant un rôle de facilitateur dans la mise en relation des partenaires. Jeudi 4 avril, j’ai d’ailleurs réuni à mon ministère le ministre de la Ville et du Logement, Julien Denormandie, le président de l’Agence pour la défense de l’environnement et la maîtrise de l’énergie (Ademe), Arnaud Leroy, ainsi que l’ensemble des représentants des professionnels pour signer avec eux la charte « engagés pour faire » — une charte qui vise à mettre ces acteurs autour de la table et à les convaincre de tirer tous dans le même sens pour la rénovation thermique.

F. de M. Diriez-vous que ces problématiques sont suffisamment présentes dans le débat politique ? Que faudrait-il faire pour que les Français aient une meilleure connaissance de ces dossiers ?

F. de R. — Ces problématiques sont effectivement bien peu présentes dans le débat politique, peut-être précisément parce qu’elles sont peu « clivantes ». Or c’est non seulement un formidable levier pour la transition écologique, mais aussi une formidable source d’économies pour les Français. C’est pourquoi nous voulons mieux les informer. L’Ademe et les collectivités territoriales ont ainsi soutenu des campagnes de sensibilisation auprès des particuliers, notamment via des « espaces info énergie ». Mais nos dispositifs, vous avez raison, ne sont pas encore suffisamment connus du grand public. L’enquête réalisée en 2017 sur les travaux de rénovation énergétique des maisons individuelles montrait que seuls 15 % des ménages réalisant ces travaux avaient consulté nos conseillers avant d’engager leur projet. Les informer pour les accompagner, c’est toute l’ambition du réseau de professionnels que nous mettons en place. NNous allons donc mieux partager la communication et la sensibilisation des ménages à la rénovation énergétique pour décupler les travaux au sein des territoires. Ce réseau s’appuiera sur des structures publiques, financées par les collectivités locales, l’Ademe et l’État, pour l’accueil, l’information, le conseil et l’accompagnement des ménages : les délégations locales de l’agence nationale de l’habitat (ANAH), les Agences départementales pour l’information sur le logement (ADIL), les espaces info énergie, les plateformes territoriales de la rénovation énergétique. Mais pas seulement. Car le rôle de l’État est aussi d’impulser une dynamique collective.

F. de M. Précisément, quelles sont en ce domaine les missions de l’État ? Doit-il uniquement réguler les secteurs liés à la construction durable ou doit-il se montrer incitatif à travers un certain nombre de dispositifs ? Quelles sont les mesures à prendre en priorité ?

F. de R. — Nous devons évidemment agir sur les différents plans en encourageant le secteur privé, en accompagnant les particuliers et en montrant l’exemple. Nous mobilisons d’abord le secteur privé avec le réseau Faire, en veillant bien sûr à actionner les leviers de l’incitation. Nous faisons ainsi évoluer la réglementation pour les nouvelles constructions afin de prévenir les besoins futurs de rénovation. La réglementation thermique de 2012 (RT2012) nous avait permis de connaître un gain de performance énergétique sans précédent. Nous allons l’étoffer et la compléter afin de parvenir à une économie entièrement décarbonée d’ici à 2050. Pour cela, il faut prendre en compte l’empreinte carbone des bâtiments sur l’ensemble de leur cycle de vie, tant au niveau de la phase d’utilisation qu’au niveau des matériaux de construction et des équipements mis en œuvre. C’est l’objectif de la future réglementation environnementale dont l’entrée en vigueur est prévue en 2020 par la loi Elan. J’ai bon espoir que ces nouvelles normes pousseront les constructeurs à utiliser des matériaux plus vertueux sur le plan écologique, notamment ceux qui permettent de stocker le carbone. Il s’agira également pour ces professionnels de se tourner vers des filières locales afin de dynamiser l’emploi sur nos territoires. Deuxièmement, nous devons accompagner les particuliers en leur proposant toute une palette de dispositifs, que …