Les Grands de ce monde s'expriment dans

Pologne : la fin du populisme ?

Les élections législatives qui se sont tenues le 15 octobre 2023 sur les bords de la Vistule étaient qualifiées assez unanimement durant la campagne de scrutin « le plus important depuis la chute du communisme ». À juste titre : si le parti nationaliste conservateur Droit et Justice (PiS), au pouvoir depuis 2015, avait été en mesure de remporter un troisième mandat, la conséquence aurait été un enracinement aussi profond que durable du populisme autoritaire dans le pays. Les répercussions pour l’Union européenne et l’équilibre des forces sur le continent auraient été notables : l’UE aurait-elle pu s’affranchir d’une « seconde Hongrie » — bien plus importante en poids et en influence — qui conteste ostensiblement son mode de gouvernance et sa légitimité ? Les Alliés européens et américains auraient-ils eu la patience de subir une diplomatie capricieuse et imprévisible, subordonnée aux plus bas intérêts de politique intérieure ? Le projet européen aurait-il dû acter qu’il n’est plus, dans ses fondements mêmes, une communauté de valeurs propre à la démocratie libérale, mais qu’il existe un modèle de « démocratie alternative » dont il doit s’accommoder ?

Heureusement pour les démocrates, ces questions resteront pour l’heure rhétoriques. Contre toute attente, la Pologne a déjoué le sort qui lui promettait un « scénario turc » en repoussant nettement le parti de Jaroslaw Kaczynski. Les Polonais, dans une mobilisation électorale sans précédent (74,4 % de participation, le plus haut taux depuis 1989) ont renvoyé le PiS dans l’opposition. Arrivé en tête du scrutin avec 35,4 % des voix, le parti s’est retrouvé isolé et dans l’incapacité de former une coalition. L’extrême droite, qui se voyait déjà en faiseuse de roi avec un score à deux chiffres, a subi un revers cuisant avec 7,1 % des voix. À l’autre bout du spectre, le camp démocrate, parti en ordre dispersé mais uni par un pacte de non- agression, a obtenu des scores plus élevés que ne le prédisaient les sondages. La Coalition civique, alliance libérale menée par l’ancien premier ministre et ex-président du Conseil européen Donald Tusk a raflé 30,7 % des voix tandis que la Troisième Voie, alliance du Parti paysan polonais et du mouvement démocrate-chrétien de l’ancien journaliste Szymon Holownia, en récoltait 14,4 %, et la Nouvelle gauche, 8,6 %.

Ces trois mouvements politiques, qui constituent désormais la « Coalition démocrate » (appelée aussi « Coalition du 15 octobre ») bénéficient d’une très confortable majorité de 248 sièges sur 460 à la Diète, la chambre basse du Parlement, ainsi qu’au Sénat. Leurs leaders se sont empressés de signer un accord de coalition en bonne et due forme et de présenter la candidature de Donald Tusk au poste de premier ministre. Dans la foulée du 15 octobre, un vent de « Solidarnosc » a soufflé sur le pays, du nom du célèbre syndicat qui avait défait le communisme dans les années 1980. Le taux de participation, qui octroie aux démocrates un mandat fort, en témoigne : une vaste majorité de Polonais avaient conscience que …