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L’Europe centrale à l’heure de Trump

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Natalia RoutkevitchComment les pays d’Europe centrale et orientale, traditionnellement alignés sur Washington, ont-ils vécu les premiers mois de la seconde présidence Trump ?

Jacques Rupnik — Il n’existe pas de réaction uniforme en Europe de l’Est. Les positions sont diverses mais, si l’on devait simplifier, on distinguerait deux pôles principaux incarnés par deux figures majeures : Viktor Orban et Donald Tusk, respectivement à la tête de la Hongrie et de la Pologne. Cette fracture, déjà présente, s’est creusée avec la guerre en Ukraine et s’est encore amplifiée avec le retour de Donald Trump au pouvoir en 2025. Elle se double de divergences sur les questions de démocratie illibérale.

En Europe centrale et orientale, le président américain compte des opposants à sa politique étrangère, mais aussi des soutiens et des partisans convaincus. Dès 2016, au lendemain de la première élection de Trump, Viktor Orban déclarait dans une interview au Daily Telegraph : « Avec le Brexit, nous avons ouvert la porte. Avec l’élection de Trump, nous avons franchi le seuil. La non-démocratie libérale, c’est fini. » Avant de conclure dans un élan d’exaltation : « What a day, what a day, what a day ! »

Au fil des ans, Orban a tissé des liens solides avec les cercles conservateurs trumpistes aux États-Unis. Pendant toute la présidence de Joe Biden, il a continué à participer aux rassemblements conservateurs américains tel que le CPAC (Conservative Political Action Committee) qui, en 2022, a organisé sa conférence annuelle à Budapest sous ses auspices, à se faire interviewer par Tucker Carlson (1) et à rencontrer Trump. Lorsqu’il a pris la présidence de l’Union européenne pour le second semestre 2024, il s’est rendu à Kiev, à Moscou, à Pékin, à Washington pour le sommet de l’OTAN, puis à Mar-a-Lago, chez Trump. Il a cherché à se positionner comme l’intermédiaire européen entre la Russie et les États-Unis et comme le chef de file potentiel des trumpistes en Europe. Il fut le premier, il y a un an, à adopter le slogan MEGA — Make Europe Great Again — en écho au MAGA de Trump.

Face à lui, l’autre pôle est constitué des pays d’Europe de l’Est qui considèrent les mesures prises et promises par Trump comme une trahison et une menace pour la sécurité du continent. Jusqu’en 2025, ces pays suivaient globalement Washington, quel que soit le dirigeant au pouvoir. Contrairement à l’Europe de l’Ouest, où Trump inquiétait depuis longtemps, ses excès étaient ici relativisés, perçus comme de simples outrances de campagne ou comme une réaction compréhensible aux excès du progressisme libéral et du wokisme.

Mais avec Trump-2, la donne a changé. Son virage radical a provoqué une onde de choc en Europe de l’Est. De nombreux dirigeants n’avaient pas mesuré l’ampleur de l’affaiblissement du lien transatlantique, qui leur est apparu comme une menace existentielle. Le « pivot vers la Russie » dans l’approche du conflit ukrainien et le changement d’attitude envers l’Europe désormais traitée en adversaire ont conduit les pays les plus pro-américains de l’UE à revoir leur perception de la politique américaine.

N. …