Olivier Guez - Vous lancez votre troisième révolution industrielle dans la région Nord-Pas de Calais. Quels en sont les grands principes ?
Jeremy Rifkin - Une révolution industrielle commence quand se conjuguent deux éléments : l'émergence de nouvelles technologies de l'information et l'apparition d'une nouvelle donne énergétique. Aujourd'hui, une ère postcarbone s'ouvre à nous et, avec elle, un nouveau paradigme. Il repose sur la jonction des nouvelles technologies de l'information et de la communication véhiculées par Internet et des énergies renouvelables. Au XXIe siècle, au terme d'une période de transition d'environ 25 ans qui a déjà démarré, des centaines de millions d'individus vont produire leur propre énergie verte dans leurs maisons, leurs bureaux et leurs usines et la partager entre eux sur des réseaux intelligents de distribution d'électricité, exactement comme les milliards d'individus qui créent aujourd'hui leur propre information et la partagent sur Internet.
O. G. - Concrètement, comment cette troisième révolution industrielle s'articulera-t-elle ?
J. R. - Elle s'appuie sur cinq piliers. En premier lieu, il va falloir accélérer le passage aux énergies renouvelables. L'Union européenne s'est engagée à faire passer leur part dans sa consommation finale d'énergie à 20 % en 2020. Ensuite, il faut reconfigurer le parc immobilier mondial en transformant chaque foyer en minicentrale électrique. La troisième étape, c'est le stockage de l'énergie verte. Chaque bâtiment sera équipé de technologies (à base d'hydrogène pour la plupart) capables de stocker l'énergie renouvelable - une énergie par nature intermittente : il n'y a pas de soleil ou de vent tous les jours. De cette manière, on assurera une offre fiable et continue d'électricité verte, faute de quoi une bonne partie de cette électricité sera perdue. Le quatrième pilier consiste à convertir le réseau électrique en réseau intelligent auquel des millions de personnes pourront renvoyer leur énergie verte afin de la partager avec d'autres dans des « communaux de source ouverte », un peu comme on produit et on partage l'information sur Internet. En gros, il s'agit de constituer un « Internet de l'énergie ». Enfin, le cinquième pilier repose sur le rééquipement de la flotte mondiale des moyens de transport avec des véhicules à piles combustibles et des véhicules électriques à batteries. Il faudra créer des stations de recharge partout.
O. G. - En quoi le Nord-Pas de Calais se prête-t-il particulièrement au lancement de la troisième révolution industrielle ?
J. R. - Pour nous, ce territoire est un cas d'école. C'est la plus vieille région industrielle de France. Elle a longtemps prospéré à l'époque de la deuxième révolution industrielle avant de connaître de sérieuses difficultés : le charbon, le textile, la sidérurgie ont décliné. Aujourd'hui, elle se bat pour renaître et mise gros sur les technologies du futur. En se lançant dans la troisième révolution industrielle, elle produit une espérance et se dessine un nouvel horizon : réduire de 60 % sa consommation énergétique et diviser par quatre ses émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2050.
O. G. - Quels sont ses atouts ? …
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