Les Grands de ce monde s'expriment dans

Le temps de la marque corporate est venu

Les marques peuvent-elles être des leviers de changement ? La question se pose ainsi, l'air de rien, mais elle est en fait tronquée : changement de quoi ? Du monde, des sociétés ? C'est bien de cela qu'il est question aujourd'hui. Hier, il y a ne serait-ce qu'une vingtaine d'années, on n'y aurait même pas pensé : les marques avaient une vocation commerciale claire, une utilité dans notre quotidien par le service qu'elles nous rendaient, une place dans le business et à la limite dans nos coeurs pour celles qui savaient bien s'y prendre en publicité, nous faire rire ou nous faire pleurer. Mais un rôle social, une capacité à changer le monde en mieux ? L'idée ne nous aurait pas effleurés.


Les marques en première ligne


Pour qu'on en soit là, il a bien fallu que ceux dont on attendait un changement social aient perdu de leur emprise, se soient effacés, aient démissionné ou échoué à mener à bien cette tâche colossale. J'ai nommé les politiques. En quelques décennies, dans la perception si ce n'est dans la réalité, les politiques ont perdu une bonne part de leur capacité à changer le monde. Sur une base mondiale, seuls 40 % des gens font confiance aux gouvernements pour initier le changement (1). En 2008, juste avant la crise, le grand public considérait déjà que la responsabilité du changement social incombait davantage aux entreprises qu'aux gouvernements. Et plus les entreprises sont puissantes, plus les espoirs qu'on place en elles sont importants : 77 % des consommateurs les plus avancés estiment que les grandes entreprises ont l'obligation de rendre le monde meilleur. La reconnaissance du pouvoir économique et de son poids sur l'évolution de nos sociétés ne fait que s'accentuer. Or l'économie, ce sont les entreprises, et les entreprises, ce sont les marques, tout le monde le sait. Pas étonnant, donc, qu'on se tourne désormais vers elles pour évoquer des problématiques de changement sociétal.
Elles sont d'autant plus questionnées qu'on leur attribue une part de responsabilité dans la crise actuelle. Ne sont-elles pas à l'origine des excès de la consommation de ces trente dernières années ? N'ont-elles pas fourvoyé les consommateurs en les entraînant dans une hystérie d'achats, une course au renouvellement, une frénésie de matérialité dont ils ne veulent plus ? Aujourd'hui, une majorité de sondés, sur une base mondiale, déclarent qu'ils verraient disparaître 73 % des marques qui les entourent dans l'indifférence. Seuls 8 % d'entre eux pensent que les marques les ont aidés à améliorer leur qualité de vie. À travers la critique des marques, ce sont les griefs contre la consommation qui s'expriment.
Les marques sont ainsi prises dans un paradoxe : d'un côté, on les boude (pas toutes, bien sûr, mais nombre d'entre elles) et on leur reproche leurs abus passés ; mais, de l'autre, on compte sur elles pour concocter un futur meilleur. Et on ne voit guère qui d'autre qu'elles pourrait peser assez puissamment dans la balance pour infléchir l'évolution du monde.
Sur quoi sont-elles donc …