Les Grands de ce monde s'expriment dans

Les nouveaux défis de l'entreprise

Gaëtan de Capèle - Dans quel contexte est apparue l'idée de responsabilité sociale et environnementale ?
Nicole Notat - C'est une notion qui remonte aux années 1990, lorsque la mondialisation a pris l'ampleur sans précédent que l'on connaît et a commencé à changer de dimension. Pour les entreprises, ce monde sans frontières a créé des opportunités de croissance et de développement exceptionnelles sur de nouveaux marchés. Il a aussi consacré, dans la vie économique, la place d'une finance triomphante, dont le rôle est devenu prépondérant.
Mais, parallèlement à cette effervescence, une véritable prise de conscience s'est fait jour grâce au rapport Brundtland (1). On a réalisé que le mode de croissance des pays développés ne permettrait pas de satisfaire les besoins des générations futures. On s'est aussi rendu compte que la raréfaction des énergies fossiles et le réchauffement climatique étaient des menaces à prendre au sérieux. Sans compter les inégalités de développement. Certes, la mondialisation contribuait à les réduire, mais pas à les éradiquer. Sous la pression de certaines ONG, les rapports alarmants succédant les uns aux autres, les entreprises ont été conduites à prendre leurs responsabilités. Le secrétaire général des Nations unies les a appelées à proposer des réponses à la hauteur des enjeux. Eh bien, elles n'ont pas fait la sourde oreille, au point de participer au sommet de Johannesburg sur le climat. C'était une grande première !
G. de C. - Qu'est-ce qui vous a amenée à prendre la tête d'une agence de notation spécialisée sur ces questions ?
N. N. - Dans ce contexte très nouveau, j'ai compris que les entreprises seraient conduites à rendre des comptes sur leurs opérations et leurs pratiques, notamment dans les régions dépourvues de standards sociaux et de gouvernance. Une série d'événements, comme les affaires Parmalat (2) et Enron (3) ou le naufrage de l'Erika (4) ont eu un immense retentissement. Ils ont imposé l'idée que les entreprises devaient se comporter différemment, en intégrant des impératifs d'ordre éthique, environnemental ou social. Très vite, il m'est apparu que l'obligation de rendre des comptes sur le plan extra-financier n'irait qu'en s'amplifiant. C'est toute la démarche de Vigeo : proposer qu'un tiers puisse donner du crédit aux engagements pris par les entreprises.
G. de C. - Mais comment apprécier judicieusement le comportement d'une entreprise ?
N. N. - Il est vrai que contrairement aux états financiers, faciles à vérifier, il n'est pas aisé d'expertiser les engagements sociaux ou environnementaux, d'autant qu'il n'existe pas de normes en la matière. Nous devions établir un référentiel et une méthode d'analyse à même d'évaluer le comportement des entreprises à l'égard de toutes leurs parties prenantes et pas seulement des actionnaires : les clients, les salariés, les fournisseurs... Pour les construire, nous nous sommes appuyés sur des normes, des conventions et des principes élaborés par des institutions internationales à l'intention des entreprises. Évidemment, chaque facteur donnant lieu à analyse est replacé dans sa dimension sectorielle afin de garantir sa pertinence. Par exemple, la santé au travail ou le risque …