Politique Internationale - Pour parler un peu crûment, un événement comme la COP21 sert-il vraiment à quelque chose ? Quel regard le scientifique que vous êtes porte-t-il sur ces grand-messes du climat ?
Hervé Le Treut - Un rendez-vous comme la COP21 ne permet sûrement pas de trouver une solution à l'ensemble des problèmes générés par le réchauffement climatique. Il s'agit néanmoins d'une échéance capitale, qui permet de réunir tous les États en un seul et même lieu et de négocier autour d'objectifs cruciaux pour l'avenir de la planète. Bien sûr, les États ne sont pas les seuls acteurs des changements à venir, mais cette conférence leur offrira l'occasion de confronter leurs points de vue, de définir des ambitions partagées et de fixer un calendrier sur le court et le long terme. Tout cela est nécessaire. Si la COP21 suscite autant d'attentes, c'est que, pour la première fois, les grands émetteurs de gaz à effet de serre se retrouveront autour d'engagements chiffrés. C'est le seul moyen de parer à la menace du réchauffement.
La communauté scientifique assiste à la montée des dangers climatiques depuis plus de trente ans. Cette prise de conscience s'est déroulée en plusieurs étapes, qui ont structuré le diagnostic. Dès les années 1960-1970, l'augmentation de la teneur atmosphérique en gaz à effet de serre a pu être mesurée de manière directe. La nature et l'ampleur du risque associé, qui peut mettre quelques décennies à se développer, ont d'abord fait l'objet d'anticipations par des calculs scientifiques. Et c'est la coïncidence entre ce qui était attendu et les premiers symptômes observés qui a progressivement levé les doutes des chercheurs sur la réalité et l'importance des évolutions en cours.
P. I. - Quand, précisément, les signaux d'alerte que vous évoquez ont-ils commencé à prendre une tournure inquiétante ? La croissance de la demande en énergie est-elle la seule responsable de la hausse des émissions ?
H. L. T. - Ce problème a émergé de manière presque inéluctable à partir des années 1950. Cette période représente un premier tournant, avec le recours accru au charbon, au pétrole et au gaz pour répondre au développement de l'industrie. La production de gaz à effet de serre entre alors peu à peu dans une spirale inflationniste : si l'on prend le CO2, par exemple, le seul usage des combustibles fossiles nous a conduit de 1 à 2 milliards de tonnes de carbone par an émises au cours des années 1950 à 3,5 milliards dans les années 1970 - le seuil approximatif qu'il aurait fallu ne pas dépasser - puis à 6 milliards à l'orée des années 1990 et à près de 10 milliards à l'heure actuelle. Or le CO2 s'accumule dans l'atmosphère. Dès les années 1970, les modèles ont montré que cette évolution devait conduire en quelques décennies à un réchauffement global, plus marqué dans les régions polaires et sur les continents. Les premiers symptômes ont effectivement été mesurés dans les années 1990. Certains observateurs continuent à se demander si les besoins en énergie …
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