Politique Internationale - Qu'est-ce qui vous a conduit à lancer votre fondation Énergies pour l'Afrique ?
Jean-Louis Borloo - La conviction que l'Afrique est le continent du XXIe siècle et qu'il peut devenir, grâce à son formidable potentiel en énergies renouvelables, le premier continent soutenable de l'humanité. De nombreux voyages, de nombreux survols de cette terre plongée dans l'obscurité à la nuit tombée, de nombreuses rencontres, marquantes, émouvantes de sincérité, m'ont fait prendre conscience de l'incroyable défi que représente l'accès à l'énergie pour les 650 millions d'Africains qui en sont privés. Les États qui forment l'Afrique comptent 1 milliard d'habitants. En 2050, ils seront 2 milliards. Et d'ici trente ans, l'Afrique devra en nourrir, former, loger, guérir, employer 1 milliard supplémentaires. À cette date, un quart des actifs de la planète seront africains. Cette population est la plus jeune du monde : 50 % des Africains ont moins de 25 ans. Cette jeunesse, née avec Internet, la télévision et les téléphones mobiles, et dont le niveau d'éducation a considérablement progressé, est un atout pour le continent. Mais elle représente aussi un défi redoutable : de 1950 à 2050, la population d'Afrique subsaharienne aura été multipliée par dix, passant de 180 millions à 1,8 milliard d'habitants. Dans l'histoire de l'humanité, aucune région du monde n'a jamais connu une croissance démographique d'une telle magnitude. C'est un défi immense pour ses dirigeants.
P. I. - Quelles sont les avancées concrètes que vous espérez dans un proche avenir ?
J.-L. B. - Je propose la mise en place d'un plan massif d'électrification du continent. Ce plan permettra à 80 % des Africains d'avoir accès à l'électricité d'ici à 2025 et à l'économie africaine de croître de 10 % pendant dix ans. Les ressources énergétiques du continent et sa puissance démographique deviendront alors de forts leviers de développement. À ce jour, les initiatives sont nombreuses mais éparses, et les multiples critères d'accès aux financements internationaux publics et privés demeurent trop complexes. C'est la raison pour laquelle la création d'une Agence, à objet unique, entièrement consacrée à l'électrification de l'Afrique, dirigée par les Africains et pour les Africains, est indispensable. Elle recevra une subvention de 5 milliards de dollars par an, financée par les pays émetteurs de CO2 qui doivent assumer leurs responsabilités et honorer les engagements pris lors des différentes Conventions climat. Dotée d'une ingénierie publique de haut niveau, elle fédérera les partenaires et des bailleurs de fonds au service des États et des projets. Elle sera aussi un véritable vecteur de mobilisation de l'ensemble des capacités de financement privé, public, classique ou concessionnel. Ce chaînon manquant est le seul outil capable de sécuriser les financements, d'assurer la soutenabilité des projets et, donc, leur faisabilité. Des projets dont le montant est estimé à environ 200 à 250 milliards de dollars.
P. I. - Parmi ces projets, y en a-t-il un qui vous tient particulièrement à coeur ?
J.-L. B. - Il n'y en a pas un en particulier ; il y en a des centaines …
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