Politique Internationale - À la différence de ce que l'on avait observé lors des précédentes conférences mondiales sur le climat, on constate une forte implication des entreprises dans la préparation de la COP21, en particulier des géants de l'énergie. Comment expliquez-vous cette mobilisation inédite ?
Gérard Mestrallet - Le monde de l'énergie connaît des bouleversements sans précédent - décentralisation des outils de production, essor des énergies renouvelables, digitalisation au service de l'efficacité énergétique... - avec, en toile de fond, la prise de conscience de l'urgence climatique. Le fait que plusieurs industriels affichent des objectifs ambitieux de décarbonisation de leurs activités les rend forcément très attentifs à un événement comme la COP21. Dans un passé proche - je pense aux conférences de Rio et Copenhague -, les entreprises ont pu effectivement donner le sentiment qu'elles traînaient un peu les pieds. Cela a bien changé. Elles ont compris que, faute d'un accord climatique, on va tout droit vers une véritable catastrophe économique. Certes, ce sont les États qui négocient et qui prennent les décisions. Mais s'ils décident de bouger, c'est aussi parce que les entreprises leur montrent à quel point il est devenu crucial d'agir.
P. I. - Quelle a été la contribution d'un groupe comme Engie ?
G. M. - Engie a réuni autour de lui les plus grands énergéticiens européens au sein du groupe Magritte : nous voulions ainsi sensibiliser tous les pays de l'Union à la faillite de la stratégie énergétique européenne, qui non seulement met en péril la pérennité de plusieurs sites industriels mais se traduit aussi par une hausse des prix pour le consommateur et, surtout, ne propose pas de véritable programme contre les émissions de gaz à effet de serre. Le poids du groupe Magritte - plus de 600 milliards d'euros de chiffre d'affaires cumulé et plus de 600 000 salariés - a sûrement contribué à l'élaboration d'un dialogue constructif avec les différents gouvernements. Mais ce n'est pas tout. En appelant à un objectif de réduction de 40 % de nos émissions de CO2 à l'horizon 2040, nous avons marqué les esprits. Quand les entreprises parviennent à se mobiliser à ce point, cela donne nécessairement des idées aux pouvoirs publics.
P. I. - Une catastrophe économique pour les entreprises, dites-vous, si un accord climatique n'est pas trouvé lors de la COP21. Pourquoi les perspectives sont-elles si inquiétantes ?
G. M. - Les entreprises ont besoin de règles du jeu. Elles en ont besoin parce que, pour investir et se développer, il est indispensable de disposer de visibilité. En quelque sorte, un accord climatique permet d'éviter le désordre. Sans accord, les décisions individuelles, État par État, continueront à prévaloir et la situation restera bancale. Nous sommes tous conscients de la difficulté de la tâche puisque les pays en présence doivent réussir à fédérer une série d'engagements multilatéraux sous un engagement global, mais une issue positive fait figure d'absolue nécessité. Définir une position commune, les entreprises du groupe Magritte y sont parvenues alors que certaines d'entre elles cultivent …
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