L'énergie : un droit universel

Dossiers spéciaux : n° 149 : Énergie et climat

Politique Internationale - Comment définiriez-vous le défi du changement climatique ?
Rachel Kyte - Assez simplement : la lutte contre le changement climatique est un problème qui nous concerne tous. L'augmentation des températures fait peser une menace fondamentale sur notre monde et sur celui que nous léguerons aux générations futures. Ces modifications du climat ont un impact à la fois sur les aliments que nous consommons, sur l'air que nous respirons, sur les villes et les logements dans lesquels nous vivons. Et, d'après les scientifiques, si nous ne prenons pas le problème à bras-le-corps, nous connaîtrons une hausse de 4 degrés des températures au cours de ce siècle.
P. I. - Quand la Banque mondiale a-t-elle pris conscience de l'urgence climatique ?
R. K. - Depuis plusieurs années déjà, la Banque mondiale s'inquiète des nombreuses conséquences du changement climatique. Au coeur de ces préoccupations, il y a notamment la pollution et ses effets sur la santé des populations et leur productivité. L'efficacité énergétique, ses liens avec la productivité et l'essor économique illustrent aussi un enjeu que nous suivons de près. Et, bien sûr, de nombreuses années de travail auprès des économies les plus fragiles nous ont sensibilisés à la question de l'adaptation. Nous nous impliquons fortement pour aider ces pays à faire face aux effets du changement climatique. Au fil des années, la Banque mondiale a réalisé à quel point ces problématiques étaient devenues indissociables.
P. I. - Comment votre institution s'est-elle emparée concrètement du sujet ?
R. K. - Il y a huit ans, juste avant la conférence de Copenhague, le Conseil de la Banque mondiale nous a demandé de développer un Cadre stratégique sur le développement et le changement climatique. Cette demande a suscité un débat interne dans la mesure où nos actionnaires n'avaient pas tous la même conception du lien entre changement climatique et développement économique. Aux yeux de certains, il semblait également inopportun d'aborder ce sujet au sein d'une autre structure que la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). L'élaboration de cette vision stratégique a nécessité plus de quatre ans de travail. Lorsque le rapport a été présenté devant le Conseil de la Banque mondiale en 2012-2013, toutes les tensions n'avaient pas disparu, mais elles s'étaient largement atténuées du fait de la prise de conscience de l'urgence climatique par une bonne partie de la planète. Un coup d'accélérateur politique est intervenu en 2011 quand nous avons décidé, au sein de la Banque mondiale, de mieux prendre en compte les travaux scientifiques. De nombreux pays pauvres avec lesquels nous travaillions nous posaient alors cette question très simple : « Vous nous incitez à nous adapter, mais à quoi précisément ? S'agit-il de répondre à un réchauffement de 0,5 degré, auquel cas deux ou trois ajustements suffisent ; ou s'agit-il de contrecarrer un réchauffement de 2 ou 4 degrés, ce qui nécessite une stratégie plus radicale ? » Face à ces questions, nous avons décidé de nous appuyer davantage sur la science afin de pouvoir …