Les Grands de ce monde s'expriment dans

Pour une croissance sobre en énergie

Politique Internationale - Jamais les problématiques liées à l'énergie n'ont été aussi importantes qu'aujourd'hui. Comment expliquez-vous cette montée en puissance ?
Fatih Birol - L'énergie est, en effet, la pierre angulaire de la société moderne : les villes que nous avons édifiées, les économies que nous avons développées et les modes de vie auxquels nous nous sommes habitués reposent tous sur des flux d'énergie. Ce mode de fonctionnement implique à la fois une sécurité d'approvisionnement et des prix abordables. Aujourd'hui, nous avons intégré une dimension supplémentaire qui est liée à l'impact du secteur énergétique sur l'environnement : les problématiques relevant de la pollution locale et du réchauffement climatique sont devenues cruciales. Si nous voulons maintenir les standards de vie dans les économies développées et les améliorer dans les pays émergents, il nous faudra non seulement produire une énergie sûre et bon marché, mais aussi le faire d'une manière qui respecte les exigences environnementales de la planète. La réconciliation de ces deux objectifs est devenue une priorité pour les décideurs.
P. I. - L'énergie - sa production et sa consommation - est la première responsable du réchauffement climatique. Comment atténuer son impact ? Peut-on réagir rapidement ou sommes-nous nécessairement sur des chantiers de long terme ?
F. B. - Les chiffres parlent d'eux-mêmes : le secteur de l'énergie est responsable de plus des deux tiers des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial. Il figure, par conséquent, au coeur de toute action visant à enrayer le réchauffement climatique. Quatre mesures peuvent être rapidement décidées sans que cela affecte la croissance économique : 1) adopter des solutions d'efficacité énergétique adéquates ; 2) limiter au maximum la construction et l'exploitation des centrales à charbon les moins performantes ; 3) diminuer drastiquement les émissions de méthane liées aux activités amont de l'exploitation du pétrole et du gaz ; 4) accélérer la suppression progressive des subventions à la consommation de combustibles fossiles. Ces différentes mesures permettraient de réduire de manière significative les émissions du secteur énergétique. Comme elles reposent sur des technologies existantes, leur mise en place n'est qu'une question de volonté.
P. I. - Et si la planète se mettait à consommer moins d'énergie ? N'est-ce pas la solution la plus radicale pour atteindre les grands objectifs environnementaux ?
F. B. - Les perspectives ne vont pas dans ce sens : l'AIE estime qu'à l'horizon de 2040 la consommation énergétique de la planète sera environ 40 % supérieure à son niveau actuel. Les pays hors OCDE tireront cette hausse, en raison de l'augmentation du niveau de vie et, plus généralement, de la croissance économique. A contrario, la demande devrait stagner dans la zone OCDE, où les mesures d'efficacité énergétique contribueront fortement à limiter la consommation. Un autre virage majeur concerne l'évolution de la composition du bouquet énergétique : à l'horizon 2040, les énergies bas carbone - renouvelable mais aussi nucléaire - produiront un quart de l'énergie dans le monde, contre 18 % actuellement. Est-ce la fin programmée du pétrole ? Je …