Thierry Guerrier - Patrick Pouyanné, vous avez souvent dit que, personnellement, vous n'aviez pas de doute sur le fait que le réchauffement climatique était lié à l'activité humaine. Cette opinion fait-elle consensus dans le secteur qui est le vôtre ? Et quelle réponse l'industrie de l'énergie peut-elle apporter à ce défi ?
Patrick Pouyanné - Je pense que les choses ont beaucoup évolué au cours des cinq dernières années. Le constat selon lequel le changement climatique est une réalité et selon lequel l'homme, l'activité humaine, influence cette problématique est clairement ancré aujourd'hui dans l'esprit des gens dans notre secteur. On peut diverger sur les moyens d'intervenir pour y remédier. Mais je pense qu'il y a une vraie prise de conscience.
Ce que nous avons cherché à faire, au niveau de l'industrie pétrolière, notamment sous l'impulsion de Total et de Christophe de Margerie, c'est non seulement de reconnaître notre part de responsabilité dans le problème, mais aussi de démontrer que nous pouvons apporter une partie de la solution. Notre responsabilité est liée à notre activité, mais surtout à la consommation de nos produits, qui représente à peu près 40 % des émissions de CO2. Or l'humanité a encore besoin de toutes ces sources d'énergie aujourd'hui pour satisfaire les besoins légitimes des populations dans les pays en voie de développement. Mais on parle de décarbonisation. Nous sommes donc une cible quand il s'agit de la problématique « climat ». Mais nous avons choisi de cesser d'être purement défensifs en démontrant que nous ne sommes pas un poids pour la planète, mais des acteurs à part entière de la question climatique, car nous avons cette expertise essentielle qui est celle du secteur de l'énergie. S'il y a des gens qui doivent pouvoir intervenir et trouver des solutions, ce sont bien nos entreprises de l'énergie.
T. G. - Au-delà du discours, quelles seront les conséquences pratiques de cette prise de conscience sur votre business model ?
P. P. - Soyons avant tout pragmatiques ! L'énergie est une affaire de temps long. Bien sûr, on peut et on doit agir sur le cours des choses, mais nous sommes face à une difficulté liée à la dimension temporelle de ces questions : nous devons agir à court terme sur des choix énergétiques et économiques fondamentaux alors que les impacts que nous voulons éviter ont des horizons du siècle et que les choix d'investissements que nous faisons ou ne faisons pas auront un impact pendant de longues années. À propos des enjeux écologiques, ma conviction profonde est que ce sont d'abord les acteurs économiques qui apporteront des solutions. Mais ils ne pourront apporter ces solutions que si cela fait sens sur le plan économique. On ne réglera pas le problème simplement par de la réglementation. Il est essentiel d'intégrer la rationalité économique pour faire en sorte que ces acteurs voient un intérêt à agir du point de vue de leur business. Le monde bouge plus vite quand les intérêts économiques s'alignent. Dans cette problématique climatique, très complexe …
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