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France-Kazakhstan : un modèle de diplomatie parlementaire

Établies peu de temps après l'accession du pays à l'indépendance, les relations entre le Parlement français et le Kazakhstan n'ont cessé de se renforcer au fil des rencontres et des visites mutuelles, et représentent aujourd'hui un élément important du dialogue franco-kazakhstanais.

Le groupe d'amitié France-Kazakhstan - à l'Assemblée nationale - et le groupe d'amitié France-Asie centrale - au Sénat -, tous deux créés en 1993, ont pour mission de participer au rayonnement à l'international de la chambre dont ils émanent, mais aussi de dynamiser et d'animer les relations avec les pays tiers. Le premier groupe, qui dispose de ressources financières plus restreintes, est toutefois un peu moins actif que le second.

À l'Assemblée nationale, les relations franco-kazakhstanaises restent modestes

Ces dernières années, les activités du groupe d'amitié à l'Assemblée nationale se résument essentiellement à des rencontres avec l'ambassadeur du Kazakhstan en France et ses conseillers. Ces échanges sont l'occasion de faire un point sur l'état de nos relations bilatérales et sur le développement de la coopération économique, culturelle, scientifique... C'est aussi une façon de comparer nos approches des grands enjeux internationaux (la lutte contre le terrorisme, l'éducation, le climat, la gestion des ressources naturelles...).

Faute de financement, le groupe d'amitié a dû renoncer à organiser des missions au Kazakhstan et à recevoir des parlementaires kazakhs. Pourtant, à plusieurs reprises, des demandes de crédits ont été formulées, notamment pour mener une mission dans la perspective de la tenue de l'Exposition internationale d'Astana en 2017. Mais dans un contexte de réduction des dépenses publiques, les budgets alloués aux différents groupes d'amitié sont très limités.

Par ailleurs, contrairement à certains groupes d'amitié dont les relations sont plus étroites et plus anciennes, notre histoire commune est assez récente. En effet, la France a longtemps été absente de cette région. Bien que le Kazakhstan soit un partenaire économique important, il n'est le plus souvent évoqué que sous l'angle des valeurs démocratiques et des droits de l'homme. Tout l'intérêt des groupes d'amitié est pourtant de pouvoir échanger avec des pays dont l'ancrage démocratique est encore fragile. On parvient à de meilleurs résultats par une stratégie des « petits pas » et par le dialogue plutôt que par la dénonciation systématique et en fermant la porte à toute discussion.

Il est d'autant plus difficile pour les députés de percevoir les enjeux régionaux qu'ils ne sont pas nécessairement membres des autres groupes d'amitié des pays d'Asie centrale (Kirghizstan, Ouzbékistan, Tadjikistan et Turkménistan). En effet, l'Assemblée nationale avait fait le choix de constituer cinq groupes distincts. Cette organisation a d'ailleurs été revue en juin 2017. Désormais, il existe un groupe d'amitié France-Kazakhstan et un groupe d'amitié France-Asie centrale commun aux quatre autres pays.

Au Sénat, les relations franco-kazakhstanaises ont trouvé un cadre plus propice à leur épanouissement.

Pourquoi un groupe interparlementaire France-Asie centrale au Sénat ?

Les pays d'Asie centrale, issus des cinq « Républiques musulmanes » de l'ex-URSS devenues indépendantes en 1991, restent assez mal connus - et parfois mal perçus - dans l'opinion publique française.

C'est pour pallier cette méconnaissance et pour établir des liens d'estime et de confiance avec ces cinq pays tout nouvellement indépendants que, dès 1993, le Sénat a constitué en son sein un groupe interparlementaire d'amitié France-Asie centrale qui, depuis lors, n'a cessé de jouer un rôle de trait d'union et d'interlocuteur actif entre les sénateurs et leurs homologues centrasiatiques.

Au Sénat, le groupe France-Asie centrale est un « groupe régional » - formule qui n'avait pas d'équivalent à l'Assemblée nationale jusqu'à cette année. L'avantage d'un groupe régional est qu'il n'empêche en rien d'entretenir des liens bilatéraux suivis avec chacun des cinq États, tout en offrant une vision plus large des problématiques régionales (1).

Depuis sa création, le groupe sénatorial France-Asie centrale est animé par une triple conviction.

- La première est que les pays d'Asie centrale, en dépit de leurs différences et de leurs spécificités nationales, constituent vis-à-vis de l'extérieur un ensemble géopolitique cohérent, d'autant plus important qu'il se situe au carrefour d'influences civilisationnelles majeures : le « monde russe » au nord ; la Chine à l'est ; la culture perse au sud ; et, à l'ouest, la Turquie et l'Europe, qui se sont de tout temps intéressées à cette région, depuis Alexandre le Grand jusqu'à l'ère soviétique. Ces influences recoupent des courants religieux structurants, avec la prédominance d'un islam fortement teinté de soufisme, dit « modéré », et dont tout le monde a intérêt à ce qu'il le demeure.

- La deuxième conviction est que, chacun à sa manière, les pays d'Asie centrale tournent leur regard vers l'Europe et vers l'Union européenne, ne serait-ce que pour tenter de faire contrepoids à leurs grands voisins que sont la Russie, la Chine, l'Iran et l'Inde. L'Union européenne se doit de répondre aux attentes qu'expriment les pays centrasiatiques à son égard car, la nature ayant horreur du vide, d'autres pays ne demanderaient qu'à occuper le terrain à sa place, que ce soit sur le plan idéologique, politique ou économique. Les parlementaires français doivent faire passer ce message, aussi bien en France qu'auprès de leurs interlocuteurs européens.

- Enfin, le groupe du Sénat a toujours considéré que, si les États d'Asie centrale sont encore assez loin de remplir tous les critères d'une démocratie idéale, ils s'orientent plutôt dans la bonne direction, à un rythme qui, en définitive, n'est pas si critiquable que cela pour des régimes qui n'existent que depuis vingt-cinq ans, dépourvus de toute tradition libérale antérieure et qui, à partir du XIXe siècle, sont passés sans transition de la domination autoritaire tsariste à 70 ans de totalitarisme soviétique. Avec de tels antécédents, rien ne prédisposait ces États à s'engager du jour au lendemain dans l'économie de marché et le libéralisme politique ! En ce domaine, l'Histoire incite d'ailleurs à la modestie, en nous rappelant que nombre de pays occidentaux - à commencer par la France - ont mis bien plus de temps à trouver leur vitesse de croisière démocratique...

Reste que, en dépit de traits culturels et d'un passé communs, l'intégration régionale des « cinq stans » n'est pas encore acquise. Quelques signaux discrets vont cependant en ce sens, sur la scène internationale (plusieurs de ces États participent à des discussions multilatérales sur des sujets communs) comme au niveau sous-régional : les contentieux territoriaux hérités de l'époque soviétique sont progressivement apurés et des problèmes comme le partage des eaux ou les visas commencent à être gérés collectivement.

Pour lentes et laborieuses qu'elles soient, toutes les avancées sur la voie de l'intégration méritent d'être saluées et encouragées. C'est dans cette optique régionale que le groupe France-Asie centrale du Sénat a organisé au palais du Luxembourg en novembre 2011, avec la collaboration des cinq pays concernés, un important colloque intitulé : « 1991-2011 : la France et les États d'Asie centrale, 20 ans après les indépendances. » Cette manifestation, à laquelle participaient côte à côte les cinq ambassadeurs centrasiatiques et nos cinq ambassadeurs en poste dans la zone, a rencontré un vif succès.

Le Kazakhstan, un partenaire stratégique de la France

Dans cet ensemble, le Kazakhstan s'est vite distingué à la fois par l'étendue de son territoire (environ cinq fois la France, et plus vaste à lui seul que ses quatre voisins centrasiatiques réunis), par l'immensité de ses ressources extractives et agricoles (hydrocarbures, charbon, uranium, or, métaux rares, céréales, etc.), par une population jeune et bien formée (deuxième pays le plus peuplé après l'Ouzbékistan, avec environ 18 millions d'habitants) et par un développement humain et économique remarquable.

Le Kazakhstan, contrairement à certains de ses voisins, a également eu l'habileté d'opter pour une diplomatie d'ouverture proactive, qui lui a conféré en quelques années une visibilité internationale de premier plan : présidence de l'OSCE en 2010 ; siège au Conseil de sécurité en 2017-2018 ; Exposition internationale d'Astana 2017 ; pays hôte des Jeux asiatiques d'hiver en 2011 ; initiatives pour apaiser les tensions dans la crise ukrainienne entre 2014 et 2016 ; accueil, depuis 2017, des pourparlers sur la résolution du conflit en Syrie ; tenue à Astana du dernier Sommet de l'Organisation de coopération de Shanghai en juin 2017, etc.

À ces rendez-vous majeurs s'ajoutent les efforts inlassables du président Nazarbaïev pour promouvoir la dénucléarisation et la non-prolifération, et pour favoriser le dialogue inter-religieux, notamment en vue de prévenir le terrorisme et d'endiguer l'extrémisme radical.

Au plan intérieur et sur le terrain de la croissance, le président kazakhstanais a assigné à son peuple un objectif ambitieux - la « Stratégie Kazakhstan 2050 » - qui vise à faire entrer le pays dans le club des trente pays les plus développés du monde d'ici à 2050. Cette stratégie prend appui sur trois piliers : une société de bien-être ; un État fort et prospère ; et une économie développée offrant à chacun l'assurance d'un emploi, un haut niveau d'éducation et l'accès à des soins de qualité.

Dans cet environnement géopolitique porteur, nos liens avec le Kazakhstan, initiés au lendemain de son indépendance (on a célébré le 25e anniversaire de nos relations diplomatiques en janvier 2017), se sont vite densifiés. Ils ont débouché sur la signature d'un traité de Partenariat stratégique en juin 2008, suivi de la création en 2010 d'une Commission présidentielle franco-kazakhstanaise marquée par des rencontres régulières des deux chefs d'État.

Depuis lors, les coopérations se sont multipliées entre la France et le Kazakhstan, non seulement dans le domaine économique et commercial, mais également dans plusieurs autres secteurs : la coopération universitaire, éducative et culturelle (on pense notamment à l'implantation à Almaty d'un emblématique Institut Sorbonne-Kazakhstan) ; les jumelages avec quelques grandes villes françaises ; et différentes actions de coopération décentralisée.

Une relation privilégiée dont le Sénat français tire toutes les conséquences

Il faut reconnaître que, en matière de diplomatie parlementaire, le Sénat français présente des avantages non négligeables par rapport à l'Assemblée nationale : un « turn over » des sénateurs moins rapide que celui des députés ; et une durée de mandat plus longue. De leur côté, les sénateurs kazakhstanais exercent eux aussi un mandat relativement long (six ans, comme en France). L'actuel président du Sénat, Kassym-Jomart Tokayev, est en poste depuis janvier 2007 (avec toutefois une petite parenthèse entre avril 2011 et octobre 2013, période pendant laquelle il a dirigé le Bureau des Nations unies à Genève). Cette stabilité de part et d'autre facilite la formation de liens de sympathie, d'estime mutuelle et d'amitié.

À l'Assemblée, les groupes d'amitié se réorganisent quasiment entièrement tous les cinq ans, ce qui crée une certaine « rupture » dans la conduite des relations entre l'Assemblée nationale et le Majilis. En début de législature, le « rodage » peut en effet prendre un certain temps en fonction du niveau de renouvellement du groupe d'amitié, en particulier si les parlementaires ne connaissent que peu, voire absolument pas les enjeux du pays tiers.

Des échanges et un dialogue constants avec tous les acteurs concernés

Dans leurs relations avec les autorités publiques ou les responsables privés kazakhstanais, les groupes d'amitié du Sénat et de l'Assemblée nationale veillent à s'assurer du soutien - au moins tacite, mais si possible explicite - de deux partenaires incontournables : d'un côté, le Quai d'Orsay qui, en liaison avec l'Élysée, est le seul pilote de la diplomatie française dans son ensemble (la diplomatie parlementaire n'en est qu'une facette) ; de l'autre, l'ambassade du Kazakhstan, en la personne de ses ambassadeurs successifs, représentants en France du pouvoir d'État kazakhstanais.

Les groupes d'amitié agissent le plus souvent en coordination avec la direction de l'Europe continentale (sous-direction Caucase-Asie centrale) du Quai d'Orsay. Ils l'informent des visites de personnalités kazakhstanaises ou des déplacements en Asie centrale qu'ils envisagent d'effectuer. Il peut aussi leur arriver de consulter la direction à titre officieux avant de lancer une initiative dont ils souhaitent évaluer les effets ; ou encore d'associer le directeur, le sous-directeur ou le rédacteur concerné à telle ou telle manifestation organisée au Sénat, de la plus modeste (un entretien ou un petit déjeuner de travail) à la plus ambitieuse (un colloque ouvert au public et à la presse).

Le groupe d'amitié a également d'excellents contacts avec nos ambassadeurs en poste dans chacun des pays de la zone et, dans le cas du Kazakhstan, avec le consulat général de France à Almaty.

Nos ambassadeurs et leurs collaborateurs, en dépit des moyens limités qui leur sont accordés et des conditions difficiles dans lesquelles ils exercent leur métier, sont des relais extrêmement précieux pour les parlementaires, par leur parfaite connaissance du terrain et des hommes, par leur réseau relationnel sur place et parce qu'ils sont eux-mêmes très demandeurs d'informations et de contacts au sein des assemblées. Un usage constant veut d'ailleurs que les ambassadeurs désignés dans un pays, avant de rejoindre leur nouveau poste, rendent une visite de courtoisie et de présentation aux présidents des groupes d'amitié.

Outre le Quai et nos postes à l'étranger, le groupe d'amitié est amené à côtoyer d'autres intervenants du dispositif de présence française à l'étranger : Business France et la direction générale du Trésor pour tout ce qui concerne les échanges économiques, commerciaux et financiers ; Campus France pour la coopération universitaire ; Atout France pour le tourisme ; sans oublier quelques organisations représentatives, organismes consulaires, associations ou opérateurs privés qui se révèlent des interlocuteurs indispensables pour relayer certaines initiatives du groupe d'amitié (MEDEF International, la Chambre de commerce et d'industrie de Paris-Ile-de-France, la section Asie du Conseil économique, social et environnemental, ADIFLOR...).

C'est dans ce cadre, par exemple, que le groupe d'amitié du Sénat, à l'initiative d'une de ses vice-présidentes, Mme Dominique Gillot, ancienne ministre, sénatrice du Val-d'Oise, s'est fortement engagé aux côtés de Campus France dans la promotion de la coopération universitaire franco-kazakhstanaise, et a activement soutenu la création et le lancement opérationnel à Almaty de l'Institut Sorbonne-Kazakhstan, officiellement inauguré le 6 décembre 2014 par les présidents François Hollande et Noursoultan Nazarbaïev. Une délégation du groupe d'amitié du Sénat a d'ailleurs tenu à assister en 2014, à Almaty, à la première rentrée universitaire de cet Institut, lors d'une cérémonie inaugurale organisée en lien avec l'Université kazakhe nationale pédagogique Abaï.

Depuis lors, le groupe d'amitié suit régulièrement l'évolution du dossier de la coopération universitaire franco-kazakhstanaise. Un important « point d'étape » a eu lieu le 14 avril 2017 à Paris dans les locaux de Campus France, en présence de l'ambassadeur de France, de Mme Gillot et de nombreux autres responsables.

Tout comme dans ses relations avec les opérateurs du réseau français, le groupe d'amitié veille à maintenir un dialogue confiant et ouvert avec les ambassadeurs du Kazakhstan en France, dont plusieurs sont devenus au fil des années des amis de l'Assemblée nationale et du Sénat. Les membres des groupes d'amitié n'hésitent pas à évoquer avec eux, en toute liberté et sans concession, tous les sujets, y compris des dossiers délicats où les positions françaises et kazakhstanaises peuvent être discordantes. De fait, amitié ne signifie pas complaisance, et les sénateurs du groupe d'amitié restent fermes sur les réserves et les critiques qu'ils croient légitime d'exprimer, touchant en particulier à la politique des droits de l'homme. Reste qu'il est plus facile pour un parlementaire de faire passer certains messages ou d'exprimer de telles critiques dans un climat cordial de franchise et d'amitié, que pour un diplomate contraint par les subtilités de langage des chancelleries et les usages rigides des entretiens officiels...

Les échanges avec l'ambassadeur et les diplomates kazakhstanais en poste à Paris sont évidemment facilités lorsqu'ils parlent le français ! C'est le cas de l'actuel ambassadeur, Son Excellence M. Nourlan Danenov : maîtrisant parfaitement notre langue, excellent connaisseur des réalités françaises et européennes, d'une très grande courtoisie, l'ambassadeur Danenov est devenu un interlocuteur fidèle du groupe d'amitié. Il contribue grandement à la qualité des liens entre le Parlement français et son pays.

En retour, l'ambassadeur du Kazakhstan et ses collaborateurs savent qu'ils peuvent trouver au sein des groupes d'amitié des relais utiles pouvant faciliter leur tâche et leur ouvrir des portes, notamment auprès des administrations publiques, des collectivités territoriales et des entreprises régionales.

Les parlementaires du groupe d'amitié sont également bien placés pour sensibiliser les instances internes compétentes (en particulier les présidents de l'Assemblée nationale ou du Sénat et des commissions des Affaires étrangères) et pour faire avancer des dossiers relatifs aux pays de leur ressort. Les présidents du groupe d'amitié France-Kazakhstan ou Asie centrale sont ainsi intervenus à plusieurs reprises pour tenter d'accélérer le processus de ratification d'un accord de partenariat et de coopération renforcée entre l'Union européenne, ses États membres et le Kazakhstan, dont le cheminement administratif s'était révélé assez laborieux côté français. Leurs efforts, conjugués à d'autres (tout spécialement ceux de l'ambassadeur de France à Astana), ont finalement été payants, puisque cet accord vient de faire l'objet d'un projet de loi de ratification adopté en Conseil des ministres le 30 août 2017 et déposé le jour même sur le bureau de l'Assemblée nationale.

Enfin, plusieurs parlementaires du groupe d'amitié font partie des délégations françaises auprès d'assemblées parlementaires internationales (assemblées parlementaires du Conseil de l'Europe, de l'OSCE...) ou bien participent ès qualités aux travaux d'organes liés à ces organisations internationales (l'ODHIR, la Commission de Venise...), ce qui leur permet de relayer des messages intéressant le Kazakhstan. Tel était le cas, en particulier, de l'ancien président du groupe, le sénateur de Paris Yves Pozzo di Borgo, qui était membre des deux assemblées précitées. L'ex-député de l'Ain Michel Voisin était également président de la délégation française à l'AP-OSCE et vice-président du groupe d'amitié à l'Assemblée nationale. Le dialogue avec les parlementaires étrangers ne transite donc pas exclusivement par le groupe d'amitié. Les activités parlementaires internationales sont aussi l'occasion de tisser un réseau de liens entre les parlementaires français et leurs homologues étrangers.

Le groupe d'amitié France-Asie centrale du Sénat, un rouage discret mais essentiel des relations entre la France et le Kazakhstan

Le public ignore généralement le rôle et le travail des groupes d'amitié du Sénat et de l'Assemblée nationale, d'autant que la presse est trop souvent encline à les présenter comme des organes coûteux et inutiles, voire comme de simples « agences de voyages » permettant aux parlementaires de faire du tourisme à bon compte...

Cette image caricaturale est totalement infondée. Certains groupes d'amitié peuvent même s'honorer d'être des rouages essentiels des relations avec le ou les pays de leur ressort. Tel est bien le cas du groupe France-Asie centrale, identifié par nombre d'observateurs français et étrangers comme l'un des supports de la présence française en Asie centrale. Ce groupe d'amitié compte, du reste, parmi les plus actifs du Sénat.

Pratiquement chaque semaine, le président ou des sénateurs du groupe participent à Paris ou dans leur département à des rencontres, conférences et réunions de toute sorte concernant l'Asie centrale - en particulier le Kazakhstan. Le groupe organise également au Sénat des audiences et des réunions de travail avec des experts français ou étrangers, des membres d'associations et, bien sûr, de nombreuses personnalités centrasiatiques de passage en France - très souvent des Kazakhstanais -, aussi bien des responsables politiques (parlementaires, ministres, directeurs d'administration et agences diverses...) que des représentants de la société civile.

Enfin, une fois par an ou tous les deux ans, une petite délégation du groupe d'amitié composée de sénateurs de différentes sensibilités politiques effectue une visite d'environ une semaine dans un ou deux pays de son ressort, de manière à y rencontrer sur place les parlementaires et les dirigeants du pays, ainsi que la communauté française qui y est installée. Là encore, le groupe d'amitié rend compte de sa mission sous forme d'un rapport d'information.

Ne pouvant évidemment pas se rendre tous les ans dans chacun des cinq pays de son ressort, le groupe s'efforce à tout le moins de programmer un séjour dans chacun d'entre eux tous les trois ans (de manière à coller au rythme triennal de renouvellement du Sénat). Pour s'en tenir aux années récentes, le groupe a ainsi effectué une mission au Kazakhstan en septembre 2014, puis à nouveau en juillet 2017, la délégation ayant visité à cette occasion le pavillon français de l'Exposition internationale Astana 2017 consacrée aux énergies du futur.

Outre ces voyages du groupe d'amitié, de nombreux sénateurs vont régulièrement au Kazakhstan, soit dans le cadre de leurs fonctions parlementaires (comme rapporteur d'un texte concernant ce pays, par exemple, ou dans le cadre d'une réunion internationale), soit sous leur casquette d'élu local (pour la promotion des entreprises de leur région ou de leur département ou pour promouvoir des actions de coopération décentralisée), soit même à titre purement privé.

Mais parce qu'elles présentent un caractère institutionnel, ces visites de délégations sont particulièrement demandées et appréciées : par les pays hôtes, par les Français sur place et par nos ambassadeurs de la zone. Il est vrai que la présence officielle des élus de la République compense, dans une certaine mesure, un réel « déficit de visites » ministérielles ou présidentielles dans des pays où, pourtant, les contacts directs entre responsables de très haut niveau restent bien souvent la condition sine qua non pour nouer des coopérations et des échanges et, plus encore, pour arracher des contrats industriels d'envergure au profit de grandes entreprises françaises (BTP, équipements ferroviaires, satellites, aéronautique, gestion des eaux, assainissement urbain...).

Le programme de ces déplacements est toujours chargé, avec un enchaînement de petits déjeuners de travail, d'audiences protocolaires, d'entretiens avec des interlocuteurs publics ou privés les plus divers, d'inaugurations et de visites de terrain (ministères, centres administratifs, écoles et Alliances françaises, entreprises, édifices culturels...). Mais ils représentent un temps fort de l'activité du groupe d'amitié et permettent d'acquérir dans un laps de temps très court une vue d'ensemble concrète des réalités politiques, économiques et sociales du pays visité, ainsi que de la situation de nos compatriotes qui y sont établis.

Une représentation à double entrée

En privé, les ambassadeurs de France en poste en Asie centrale confient parfois qu'outre leur statut de représentants de la France et de défenseurs des intérêts français, ils assurent aussi, à leur manière, la promotion de leur pays de résidence auprès des responsables français, notamment des chefs d'entreprise, peu enclins à s'y intéresser spontanément. De fait, pour être pleinement et mutuellement profitable à chaque partie, le développement des relations entre deux pays doit se concevoir dans les deux sens et, chaque fois que possible, se traduire en accords « gagnant-gagnant » !

Selon la même logique, les groupes d'amitié assurent, dans leur sphère de compétences, une sorte de « représentation à double entrée ».

Car si leur fonction première est de représenter le Sénat français ou l'Assemblée nationale auprès des assemblées parlementaires centrasiatiques et d'animer la relation interparlementaire avec chacune d'entre elles, les groupes sont fiers de contribuer à une meilleure perception des pays d'Asie centrale auprès des responsables français - hommes politiques, collectivités territoriales, réseaux culturels. Ils leur expliquent les atouts dont ces pays disposent, les avancées qu'on y constate, la « demande de France » qui s'y exprime (en matière de francophonie ou de formation des jeunes), sans oublier les opportunités d'affaires qu'on peut y trouver.

C'est aussi une façon de « renforcer la présence et l'influence politique, économique et culturelle de la France à l'étranger », pour reprendre les termes du texte définissant les missions des groupes d'amitié du Sénat.

Le Kazakhstan étant un pays important pour la France, il est logique que les groupes d'amitié France-Kazakhstan à l'Assemblée nationale et France-Asie centrale au Sénat, en tant qu'acteurs de la diplomatie parlementaire, y accordent une attention prioritaire.

Mais cette relation entre le Parlement et le Kazakhstan ne s'inscrit pas dans un cadre purement diplomatique. Elle va bien au-delà, et s'ancre dans une authentique amitié entre les parlementaires du groupe et leurs homologues kazakhstanais. Cette amitié peut être mise au service des objectifs les plus nobles. Car, pour l'heure, s'il dispose de remarquables richesses naturelles et d'un formidable potentiel humain, le Kazakhstan reste un pays très jeune, dépourvu de tradition parlementaire et doté d'institutions démocratiques encore toutes nouvelles.

Forts de l'expérience et de la maturité institutionnelle du Parlement français, les groupes d'amitié peuvent accompagner les parlementaires kazakhstanais sur les voies de la démocratie. C'est en tout cas cette mission fondamentale que, sans ingérence, dans le respect des priorités diplomatiques de la France et à la mesure de leurs modestes possibilités, tous les parlementaires s'assignent dès le départ : témoigner en toute occasion leur amitié et leur considération à leurs homologues du Kazakhstan et les aider, par l'exemple et le dialogue, à exercer au mieux leur mandat parlementaire. Et tout cela, bien sûr, sans perdre de vue les intérêts diplomatiques et économiques de notre pays...

(1) Le groupe d'amitié du Sénat a ainsi pu étudier la question de l'assèchement de la mer d'Aral et les efforts des pays riverains pour remédier à cette catastrophe écologique majeure en se rendant successivement en Ouzbékistan (en septembre 2013) puis au Kazakhstan (en septembre 2014). Cette approche globale n'aurait pas été possible s'il s'était agi de deux groupes d'amitié distincts.