Les Grands de ce monde s'expriment dans

CHINE : QUAND LA PAYSANNERIE S'ÉVEILLERA...

L'épidémie de pneumopathie atypique (également appelée SRAS) qui se propage depuis le mois de novembre 2002 sera-t-elle le " Tchernobyl " de la Chine ? Autrement dit, ce terrible accident de parcours dans la longue marche vers le développement économique sous tutelle communiste provoquera-t-il les profonds troubles sociaux que les dirigeants chinois - tout comme les observateurs étrangers - craignent de voir exploser depuis dix ans ? Les plus vulnérables aux crises sont toujours les plus démunis ; or, en Chine, ces démunis se comptent par centaines de millions ! Voilà qui suscite la plus vive inquiétude. Nous pensons, bien sûr, aux paysans. Grands oubliés de la croissance débridée des régions côtières, ces citoyens de " deuxième classe " commencent à hurler leur colère.


Le sort des paysans, une question politique
Les historiens chinois le savent bien : lorsqu'une dynastie vient à son terme, c'est-à-dire lorsque la corruption, le népotisme et les inégalités sociales atteignent un degré insupportable, ce sont les paysans qui viennent retirer à l'empereur le " mandat du Ciel ". Ou, comme le dit ce proverbe bien connu en Chine : " C'est la mer qui porte le bateau, mais c'est aussi la mer qui peut le renverser. " A-t-on assisté à la première déferlante d'une terrible tempête lorsque, le 28 avril dernier, des milliers de villageois de Chaguang, bourgade située à vingt kilomètres au nord-ouest de la ville portuaire de Tianjin, ont ravagé un bâtiment de quatre étages ? Ce collège avait été désigné par les autorités pour accueillir des individus placés en quarantaine afin de vérifier s'ils étaient ou non porteurs du virus du SRAS. Persuadés que le gouvernement central voulait " exporter le virus vers la campagne ", les paysans se sont aussitôt rebellés ; et les forces de l'ordre ont dû envoyer plusieurs centaines de policiers armés pour, dans un premier temps, mater l'explosion de colère, puis maintenir la " stabilité sociale " en sillonnant les rues de la ville au lendemain de l'émeute.
Cette anecdote est surtout révélatrice du rapport des autorités à la population rurale. Comment en est-on arrivé là alors que, il y a cinquante ans, Mao Zedong prétendait s'appuyer sur la paysannerie pour encercler les villes et libérer le pays ? Pourquoi a-t-il fallu le texte saisissant d'un cadre de la base, Li Changping, adressé en 1998 au premier ministre de l'époque, Zhu Rongji, pour que les autorités s'émeuvent enfin de ce que l'auteur du texte en question a appelé ses " trois phrases " : " Les villages de la campagne sont vraiment pauvres, les paysans ont la vie vraiment dure, l'agriculture est vraiment en crise " ? Mao l'avait bien dit : " Les problèmes de la Chine sont ceux des paysans. " Selon lui, les paysans représentant la grosse majorité de la population, la résolution de leurs difficultés signifierait que le pays se porte bien. Cinquante ans plus tard, Qin Hui, célèbre chercheur agronome de l'université de Qinghua, à Pékin, déclare : " Le problème des …