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ÉTATS ET QUASI-ÉTATS DANS LES BALKANS

" Les premiers seront les derniers... "
Il y a vingt-cinq ans, ce que l'on appelait " les pays de l'Est " - c'est-à-dire l'Europe communiste, URSS exclue - se divisait nettement en deux zones. À l'est, le long des frontières soviétiques et de la mer Noire, s'alignaient les cinq pays du glacis stalinien : Pologne, Tchécoslovaquie, Hongrie, Roumanie et Bulgarie. Tous étaient strictement ligotés par les liens de la dépendance extérieure (Pacte de Varsovie, Comecon, doctrine Brejnev), de leurs régimes totalitaires, de la censure omniprésente, de l'économie étatisée et de la fermeture des frontières. Leur séparation du reste de l'Europe paraissait irrémédiable.
Au sud-ouest s'inséraient les deux pays communistes dissidents : Yougoslavie et Albanie. Si le fief d'Enver Hoxha était encore plus cadenassé que le bloc soviétique, la fédération gouvernée par Tito, au contraire, paraissait un modèle d'ouverture : indépendance et non-alignement, relative liberté d'expression, perméabilité des frontières et larges possibilités d'émigration, amorce d'une économie concurrentielle par l'autogestion, niveau de vie relativement élevé... On vivait à Belgrade et à Zagreb bien mieux qu'à Bucarest ou à Sofia, mieux même qu'à Prague et à Budapest, et aussi bien qu'à Athènes ou à Lisbonne. L'écart avec l'Europe occidentale semblait minime.
Un quart de siècle plus tard, l'URSS disparue, le Mur tombé, la situation s'est exactement inversée. Tous les pays de l'ex-glacis, dûment démocratisés, sont sur le point d'adhérer àl'Union européenne - les quatre d'Europe centrale, dès 2004 ; les deux balkaniques, Roumanie et Bulgarie, moins avancés, sont tout de même attendus en 2007. Au contraire, les États qui ont succédé à la Yougoslavie, à la seule exception de la Slovénie, ont vu leur candidature à l'Europe renvoyée à des temps meilleurs. Avec l'Albanie, elle aussi " dé-communisée ", ils forment sur la carte en couleurs de la future Europe une tache blanche dont on parle très peu - cet ensemble curieusement appelé " Balkans occidentaux ". Demain, si rien ne change, l'Europe s'arrêtera aux portes de Zagreb, mais recommencera peu avant Sofia...
" Les premiers seront les derniers. " Je reviendrai sur les raisons de cette situation paradoxale dont certaines sont bien connues. Mais le paradoxe lui-même, le scandale qu'il constitue, sont rarement soulignés. C'est pourquoi j'ai voulu commencer par là.


... ou " les derniers seront toujours les mêmes " ?
Pourtant, si nous scrutons d'un peu plus près lesdits " Balkans occidentaux ", nous y découvrons une autre coupure qui n'a, au contraire, rien de paradoxal et manifeste une remarquable continuité.
Il y a vingt-cinq ans, les huit entités (républiques et provinces) dont l'ensemble constituait la République socialiste fédérative de Yougoslavie (RSFY) se répartissaient en deux groupes de quatre. Cette division avait été officialisée par la création, en 1965, d'un " Fonds d'aide aux républiques et provinces insuffisamment développées ". Les quatre contributeurs à ce fonds, les entités " développées ", se trouvaient au nord, le long de la frontière du glacis stalinien, dans les Alpes et dans les plaines fertiles de la Save, du Danube et de la …