Élu à la tête de la Russie en 2000, Vladimir Poutine a d'emblée affirmé sa volonté de rendre à son pays un statut international perdu depuis que l'URSS avait cessé d'exister et, même, depuis que la guerre d'Afghanistan avait révélé sa faiblesse militaire. Déjà, avant son accession à la présidence, le premier ministre Poutine soulignait les deux périls qui pesaient, selon lui, sur la Russie : l'instabilité au sein de la Fédération et à ses frontières, la remilitarisation de la vie internationale.
En cette fin de l'ère eltsinienne, le message de son successeur et l'humeur de la société se rejoignent pour désigner la puissance américaine comme facteur premier des inquiétudes d'une Russie marginalisée et humiliée. Et le discours ferme et relativement clair sur ce point du nouveau président russe lui vaut une grande popularité auprès de l'opinion publique.
Le soutien immédiat et inconditionnel qu'il a apporté à George W. Bush le 11 septembre 2001 n'en était que plus remarquable. Cet alignement sur la position des États-Unis allait à l'encontre des propos qu'il tenait à la veille de l'attaque terroriste ; à l'encontre, aussi, des sentiments profonds de l'armée - d'autant plus encline à soutenir son président qu'elle voyait en lui le champion de la restauration de la puissance militaire russe face à une hégémonie américaine que les milieux proches du ministère de la Défense ne cessaient alors de dénoncer. Sans doute, prenant ainsi à contre-pied une partie de son opinion publique et une armée en difficulté, mais encore puissante, Poutine sut-il d'emblée montrer le lien entre la tragédie américaine et l'intérêt national de la Russie : la lutte contre un terrorisme international dont la Tchétchénie était, à ses yeux, l'un des maillons.
Pour autant, sa volonté exprimée à la faveur du choc du 11 septembre d'inscrire son pays dans le cadre des nations " civilisées " et riches, c'est-à-dire dans le monde occidental, n'a pas échappé aux milieux les plus anti-américains de Russie - l'armée et une partie du monde politique. Il fallut à Poutine, dans ce virage que tout laissait prévoir depuis son arrivée dans le sillage d'Eltsine mais qui fut facilité par le 11 septembre, du courage et de l'obstination. Il est à noter que sa popularité n'en fut pas, en définitive, affectée. Si le président ne paya pas le prix de sa politique de rapprochement avec les États-Unis, c'est aussi grâce au fait que l'opinion publique - à la différence des élites militaires et d'appareil - était relativement divisée sur la question des relations que la Russie devait entretenir avec Washington. La majorité de la population était prête à accueillir favorablement l'initiative du 11 septembre (1). Les sondages effectués en 2001, quelques mois avant les attentats, l'indiquent clairement : aux yeux d'une majorité de citoyens russes, même si le poids international des États-Unis était considéré comme humiliant et inquiétant pour leur pays, la recherche d'un partenariat avec Washington (et avec l'Europe) devait être une priorité de la politique étrangère de Moscou. En mai 2001, 83 % des …
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