Les Grands de ce monde s'expriment dans

MONDIALISATION DE LA DÉMOCRATIE ET SÉCURITÉ COLLECTIVE

En guerre depuis l'agression qu'ils ont subie le 11 septembre 2001, les États-Unis se sont parfois comportés en superpuissance maladroite dans les conciliabules des Nations unies ; ils ont confirmé la difficulté qu'ils éprouvaient à s'ajuster à une conception classique, inter-étatique de l'ordre international et leur réticence à se fondre dans le concert des puissances à l'européenne. Les " Pères Fondateurs " rejetaient déjà la diplomatie de cette vieille Europe qu'ils avaient fuie, ces jeux d'équilibre qui leur semblaient immoraux ; selon eux, la première vertu d'une société internationale idéale aurait été, précisément, de ne plus être internationale. Cette vision pouvait être appliquée de deux manières différentes : soit par le retrait du système global - attitude " quiétiste " qui a caractérisé le premier siècle de l'existence des États-Unis, jusqu'à leur irruption dans le concert européen, sous Theodore Roosevelt ; soit par un internationalisme revendiqué qui vit, à partir de Woodrow Wilson, la projection du modèle de l'État-monde sur la planète.
En votant, le 22 mai 2003, la résolution 1483 sur l'organisation politique et économique de l'après-guerre en Irak, quatorze des quinze membres du Conseil de sécurité ont légitimé, a posteriori, l'intervention militaire de la coalition anglo-américaine, déclenchée sans mandat de l'ONU. Précédée par le renversement du régime des Talibans en Afghanistan, accompagnée de pressions sur la Syrie et l'Iran, l'action de la coalition contre l'Irak de Saddam Hussein aura confirmé l'inscription, dans les relations internationales de l'après-guerre froide, du concept fondamental de " souveraineté conditionnelle " : les États restent, en principe, souverains... mais la souveraineté d'un État disparaît si ses dirigeants ne respectent pas la démocratie, détiennent des armes de destruction massive ou sont liés avec des réseaux terroristes. N'était-ce pas déjà, en creux, la définition de l'État-voyou chère aux administrations Clinton, puis Bush junior ? Au XIXe siècle, l'État perturbateur était celui qui troublait l'ordre international et mettait en péril l'équilibre des puissances. En ce début de XXIe siècle, un État est mis au ban des nations s'il tente de se doter d'armes de destruction massive ou s'il soutient des groupes terroristes transnationaux ; mais il peut, également, être érigé en délinquant pour des raisons purement internes, si ses structures constitutionnelles et sa pratique gouvernementale ne sont pas conformes à l'esprit de l'après-guerre froide. À l'heure des frappes de l'Otan sur Belgrade, la secrétaire d'État Madeleine Albright expliquait : " Nous devons apprendre à la Serbie comment diriger un État multiethnique. "
La doctrine de la souveraineté conditionnelle suscite deux types de réserves : elle peut apparaître comme le reflet très subjectif d'un messianisme libéral et occidental ; et elle est susceptible de sécréter nombre de contradictions dans son application concrète. Ainsi des raisons exactes de la " mise en examen " d'un État qualifié de délinquant : la recherche d'armes de destruction massive sur le sol irakien s'est avérée vaine et le secrétaire adjoint à la Défense, Paul Wolfowitz, concède qu'il s'agissait d'un " alibi bureaucratique "... alors que, à la veille du conflit, il …