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MOYEN-ORIENT : VERS UNE SECONDE GUERRE DE CENT ANS ?

Amico meo George Ortiz
Un mois à peine après la foudroyante conquête anglo-américaine de l'Irak, censée remodeler le Moyen-Orient tout entier pour hisser enfin la région vers un peu plus de démocratie, de paix et de progrès, force restait de constater combien ladite région retombait déjà, et lourdement, dans ses ornières les plus profondes.
Cette zone qui court de l'Indus au Nil n'a connu qu'une seule fois une pleine unification politique : sous l'empire achéménide du VIe au IVe siècle avant notre ère. Elle demeure une entité organique dont chaque soubresaut affecte toutes les parties. Depuis son islamisation à partir du VIIe siècle de notre ère, les tourments du Moyen-Orient rejaillissent aussi sur deux zones vitales situées à sa périphérie : l'Afrique du Nord et le monde malais. Mais en ces sombres lendemains de guerre américano-irakienne, restreignons nos regards au seul Moyen-Orient : ce théâtre est déjà assez vaste (1).
L'orient de la région : Afghanistan et Pakistan
D'abord l'enlisement oriental : en visite éclair à Kaboul, Islamabad et New Delhi le 9 mai 2003, le sous-secrétaire d'État américain Richard Armitage s'empressait de rassurer ses interlocuteurs. Il s'employa à apaiser les inquiétudes du gouvernement afghan de Hâmed Karzaï et réitéra l'engagement moral de Washington : dégager, au moins à terme, un financement sérieux - malgré la crise irakienne - pour aider à reconstruire un pays rendu exsangue par vingt-trois années de guerre. Au Pakistan, il exhorta le général-président Pervez Musharraf à surveiller de plus près, et donc à réprimer, les menées persistantes de divers groupes extrémistes toujours bien abrités sur son sol - dont les anciens tâlebân - aux confins poreux de ses deux voisins afghan et indien. En Inde, enfin, il prêta une oreille attentive aux accusations et aux doléances des porte-parole du premier ministre Vajpayee quant à la poursuite obstinée d'une subversion terroriste pakistanaise au Cachemire.
Tandis que le faible gouvernement central afghan avouait son incapacité complète à imposer sa volonté aux " seigneurs de la guerre " dans les provinces, les attentats ponctuels, tout au long des routes du nord, du sud et de l'est, contre soldats américains, humanitaires européens ou fonctionnaires nommés par Kaboul, témoignaient cruellement d'une pacification inachevée. Le regain proprement exponentiel de la production du pavot et, surtout, la tension islamiste toujours aussi fiévreuse dans les zones pakistanaises tribales limitrophes, d'où s'infiltraient les commandos de Golbadîn Hekmatyâr et autres sympathisants, restés actifs, du mollâ'Omar, complétaient ce sombre tableau.
Mais le malaise s'étendait à la région. Ainsi les trois gouvernements de Kaboul, Islamabad et New Delhi avaient-ils salué avec optimisme, dès février 2002, la reprise du vieux projet d'un gazoduc qui relierait un jour, pensait-on, les champs d'hydrocarbures turkmènes aux débouchés portuaires du Pakistan et aux usines de l'Inde : source évidente de prospérité pour tous. Mais le 16 mai 2003, New Delhi, malgré la reprise prudente de pourparlers diplomatiques avec son voisin musulman, exigeait du Turkménistan la promesse formelle d'une suspension automatique de toute livraison d'hydrocarbures au Pakistan à travers l'Afghanistan, en cas d'hostilités …