La crise économique de 1997 avait laissé la Thaïlande et les autres pays du Sud-Est asiatique dans une situation catastrophique. Une dette privée excessive, un chômage en hausse, un système bancaire défaillant, la récession mondiale et la fuite des capitaux étrangers frappèrent de plein fouet un pays dont la bureaucratie, que minait la corruption, fut vite dépassée par l'ampleur de la faillite. Or, six ans plus tard, la Thaïlande renoue avec la croissance et devient l'une des puissances les plus performantes du Sud-Est asiatique. En 2002, son taux de croissance dépassait les 5 % et la hausse annualisée du PIB était de 6,2 %. La Thaïlande devenait ainsi le premier des tigres d'Asie devant la Malaisie (+ 4,2 %) et Singapour (+ 2,2 %). Les principales raisons de cette relance ont été la reprise de la consommation (+ 3,6 % au premier semestre de 2003), l'assainissement des dettes privées, la baisse des impôts sur l'immobilier et le renforcement de la coopération avec les autres pays membres de l'ASEAN (Association des nations du Sud-Est asiatique). Deux ans après son arrivée au pouvoir, le premier ministre Thaksin Shinawatra (52 ans en juillet) peut se vanter d'avoir, grâce à cette politique de réformes agressive et sans complexes, sorti son pays du marasme. Son bilan est aujourd'hui très satisfaisant. La Thaïlande s'apprête à rembourser ses dettes au FMI plus rapidement que prévu, alors qu'elle pouvait attendre 2005 pour commencer à s'acquitter de ses obligations. Il s'agit, pour le gouvernement, d'adresser un message fort en direction des hommes d'affaires étrangers dont les investissements n'ont pas encore retrouvé le niveau qui était le leur avant la grande crise. Thaksin Shinawatra, ancien officier de police, docteur en criminologie diplômé de l'université du Kentucky (Etats-Unis), a été nommé premier ministre le 9 février 2001. Son parti ("Thai Rak Thai", que l'on peut traduire par " les Thaïs aiment les Thaïs "), fondé en 1998, est majoritaire au Parlement, avec 295 sièges sur 500. Milliardaire (il a fait fortune dans la communication en créant, en 1987, le " Shinawatra Computer and Communication Group "), Thaksin a d'abord occupé le poste de ministre des Affaires étrangères (1994), puis celui de vice-premier ministre (1997). Aujourd'hui, il se veut le champion d'une nouvelle manière de gouverner et de faire de la politique, plus honnête et plus transparente. De nouvelles lois anti-corruption font tomber des têtes à tous les niveaux de l'administration. Il est vrai que la tâche est immense : selon la Banque mondiale, près de 40 % des postes gouvernementaux ont tout simplement été achetés avec l'argent de la drogue, du jeu ou de la prostitution. Pour obtenir un siège ou la complaisance de l'administration, tous les moyens sont bons : clientélisme, achat de votes et pots-de-vin versés à de hauts fonctionnaires qui ferment les yeux sur la provenance douteuse de l'argent et les activités de ceux qui les paient. Il est évidemment très difficile de chiffrer avec précision la corruption. Mais, dans la même étude, la Banque mondiale précise encore qu'en deux ans à peine, de 1997 à 1999, environ trente milliards de francs ont été empochés à des fins d'enrichissement personnel par des fonctionnaires sans scrupules. C'est à ce système que Thaksin Shinawatra entend s'attaquer, malgré les risques : les services chargés de sa sécurité craignent un attentat commandité par l'une de ces nombreuses mafias auxquelles il a déclaré la guerre. Depuis la fin du mois de janvier, la campagne gouvernementale menée contre le trafic de drogue a déjà fait quelque 2 000 morts du côté des dealers. Cette politique sans concessions plaît aux Thaïlandais, d'autant qu'elle s'accompagne de nombreuses aides économiques. Le gouvernement a, par exemple, suspendu les dettes des fermiers à la condition que celles-ci n'excèdent pas 2 200 euros. Ses adversaires considèrent que ces mesures sont purement démagogiques ou électoralistes et voient en Thaksin Shinawatra un populiste aveuglé par un succès qu'ils espèrent provisoire. Pour la première fois, le premier ministre thaïlandais a accepté de recevoir un journaliste européen et de répondre à ses questions.
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