Entretien avec Ariel Sharon par Uri Dan, Journaliste et écrivain israélien
Uri Dan -Aujourd'hui encore, quatre ans après votre visite sur le mont du Temple, le 28 octobre 2000, vos adversaires vous accusent d'avoir déclenché la guerre...
Ariel Sharon - C'est totalement faux : il n'y a aucune relation entre les deux événements. Les Palestiniens préparaient leur offensive terroriste depuis des mois et ont instrumentalisé ma visite. Pour eux, c'était un prétexte ; rien de plus. Les préparatifs de guerre, selon la ligne choisie par Arafat, avaient déjà commencé avant même l'échec de la rencontre entre Ehoud Barak et ce même Yasser Arafat - une rencontre, vous vous en souvenez, organisée à Camp David par le président Bill Clinton en juillet 2000.
U. D. - Étiez-vous au courant de ces préparatifs lorsque vous avez décidé de vous rendre sur le mont du Temple ?
A. S. - Je les ignorais, et personne ne m'a demandé de m'abstenir. D'ailleurs, ce n'était pas ma première visite là-bas. Nous rendre sur le mont du Temple est notre droit le plus strict. Et je suis heureux que les Juifs puissent de nouveau visiter ce lieu qui, pour eux, est le plus sacré.
U. D. - Certains comparent votre décision de quitter la bande de Gaza et d'y démanteler les localités juives qui s'y trouvent avec celle prise en son temps par le général de Gaulle : remettre l'Algérie aux Algériens. Mais peut-être ressemblez-vous davantage à Winston Churchill ou à Georges Clemenceau...
A. S. - Je n'ai pas la prétention de ressembler à quiconque. Sans avoir jamais rencontré le général de Gaulle, je connais bien son parcours. En tant que commandant du corps des parachutistes, j'ai eu des contacts très étroits avec les militaires français avant l'expédition du canal de Suez en 1956. Notre base en a accueilli un certain nombre à cette époque. Dans nos relations avec le général de Gaulle, nous avons connu de bons moments, mais aussi des passes plus difficiles. Pour en revenir à l'Algérie, il y a une énorme différence avec la question palestinienne : pour nous, l'Algérie est ici ! Les citoyens israéliens - contrairement à vos " pieds-noirs " - n'ont pas l'option du départ, et ils n'ont nullement l'intention d'aller ailleurs. Pour cette raison aussi, la comparaison est déplacée. Le grand accomplissement du sionisme, c'est d'avoir permis au peuple juif de rétablir son État à l'endroit où il est né.
U. D. - Le 21 septembre dernier, l'International Herald Tribune publiait un long article de Jean Daniel. Celui-ci y écrivait : " Nous ne saurions accepter que la guerre contre le terrorisme soit menée par l'axe Bush-Poutine-Sharon. " Le patron du Nouvel Observateur ajoutait, par surcroît, qu'il ne faut pas attribuer la violente critique qui s'exprime en France contre la politique d'Israël à de l'antisémitisme...
A. S. - Je n'ai pas lu l'article. L'antisémitisme, qui se répand malheureusement de plus en plus en Europe, provient du fait que près de quinze millions de musulmans vivent aujourd'hui dans les pays de l'Union européenne. Puisqu'il n'est pas commode d'être un antisémite classique, l'antisémitisme s'exprime sous couvert d'antisionisme ! En d'autres termes, cet antisémitisme cache sa honte et avance masqué en dénonçant la politique justifiée que mène Israël. Nous subissons les attaques du terrorisme arabo-palestinien depuis plus de cent ans. Le terrorisme qui nous frappe et celui qui a frappé les États-Unis, la Russie, l'Espagne, la Turquie, l'Indonésie, sont exactement les mêmes. Il n'y a pas de compromis possible avec ces assassins. C'est le plus grand danger qui menace aujourd'hui le monde. Certes, malgré l'horreur des attentats suicides, il s'agit encore d'armes conventionnelles ; mais les chefs de ce terrorisme font tout pour obtenir des armes de destruction massive...
U. D. - Avez-vous des informations à ce sujet ?
A. S. - Nous savons qu'ils s'efforcent de mettre la main sur ce genre d'armes.
U. D. - Il s'agit d'islamistes fanatiques ?
A. S. - Absolument ! Des années durant, nous avons eu du mal à convaincre le monde de la nature et du danger de ce terrorisme. Espérer pouvoir y mettre fin par des propos lénifiants serait une erreur, parce qu'il vise à nous imposer son univers conceptuel.
U. D. - Ce " nous " englobe-t-il les États-Unis, l'Europe et la Russie ?
A. S. - L'Europe est certainement menacée : après les attentats en Espagne et en Turquie, nous avons vu de quelle barbarie ce terrorisme était capable en Russie.
U. D. - La France a été touchée par l'enlèvement, en Irak, de deux journalistes. Les ravisseurs exigeaient du gouvernement l'abrogation d'une loi votée par le Parlement...
A. S. - Les pays du monde libre doivent faire front ensemble contre cette effroyable menace. Confier à toutes sortes de médiateurs le soin de traiter avec les terroristes ne servira qu'à les encourager. Il faut agir dans le domaine du renseignement et, s'il le faut, au niveau opérationnel. Le monde libre doit se réveiller. Il est hors de question de continuer à gober des sornettes.
U. D. - Par exemple ?
A. S. - Par exemple celles proférées par le journaliste dont vous parliez il y a un instant ! Voyez-vous, l'État d'Israël est prêt à de douloureuses concessions en échange d'une paix durable. Sur cette terre, berceau du peuple juif, où des Juifs n'ont cessé de vivre, ne serait-ce qu'un jour, depuis la destruction du Second Temple, nous voulons bien faire des sacrifices si c'est le prix à payer pour la paix. Mais il n'y aura aucune compromission, aucun compromis, avec le terrorisme, ni aujourd'hui ni demain. J'ai clairement expliqué aux dirigeants américains et européens, ainsi qu'à d'autres dans le monde, qu'Israël ne ferait aucune concession au plan de sa sécurité. Parce que les Juifs ont un seul petit pays où ils ont le droit et la capacité de se défendre par leurs propres moyens. Israël continuera donc de lutter contre le terrorisme. Assurer la protection du peuple juif est le devoir historique qui m'incombe.
U. D. - Jean Daniel affirme pourtant - et il est considéré en France …
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