Bertrand de Lesquen - En 2002, vous avez pris les armes contre le gouvernement central. Quelles ont été les motivations de votre action ? En d'autres termes, et pour reprendre le titre de votre livre, pourquoi êtes-vous devenu un rebelle ?
Guillaume Soro - Pour une raison simple. Après la mort d'Houphouët-Boigny, son successeur, le président Bédié, de peur d'affronter un adversaire comme Alassane Ouattara (2), a conceptualisé le principe d'ivoirité. L'ivoirité n'est rien d'autre que la préférence nationale. On peut résumer cette notion d'une formule lapidaire : la Côte d'Ivoire aux Ivoiriens. Dès cet instant, un vent d'exclusion et de xénophobie s'est mis à souffler sur le pays. Les médias ont commencé à diffuser le venin de la haine contre les Burkinabés et les Maliens, considérés comme des envahisseurs. Le voisin avec lequel vous aviez l'habitude de prendre le thé devenait subitement un ennemi. Des Burkinabés et des Maliens, le discours s'est ensuite étendu aux Ivoiriens du Nord. Il suffisait d'avoir un nom à consonance nordique pour être immédiatement suspecté de ne pas être un " bon Ivoirien ". Le tournant décisif a été le référendum constitutionnel de juillet 2000. L'article 35 du nouveau projet de Constitution soumis au peuple ivoirien proclamait que les candidats à l'élection présidentielle devaient être de père et de mère ivoiriens, sous le prétexte d'éviter qu'un étranger puisse assumer la présidence. Cette manœuvre ne visait, en réalité, qu'à écarter un seul homme : Alassane Ouattara, qui avait pourtant déjà exercé les plus hautes fonctions de l'État puisqu'il avait été le premier ministre du président Houphouët-Boigny de novembre 1990 à décembre 1993 et, auparavant, gouverneur de la Banque centrale des États de l'Afrique de l'Ouest, de 1988 à 1992. Cet article 35, qui stipulait à l'origine que l'on pouvait être candidat à condition d'avoir un seul parent ivoirien, a été modifié conformément aux volontés de Gbagbo. La nouvelle Constitution, adoptée les 23 et 24 juillet 2000, a été mise en œuvre le 1er août 2000. Le concept d'ivoirité, que j'abhorrais, avait été tout simplement constitutionnalisé ! Le résultat ne s'est pas fait attendre : à la veille de l'élection présidentielle d'octobre 2000, neuf candidats sur quatorze, dont M. Ouattara, furent écartés pour nationalité " douteuse ". Tous les candidats originaires du Nord ont été systématiquement exclus. On avait atteint le paroxysme de l'ivoirité.
B. de L. - Qu'est-ce qui vous a poussé à passer du militantisme actif - vous étiez auparavant le secrétaire général de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d'Ivoire - à la rébellion armée ?
G. S. - La tournure prise par le régime après la calamiteuse élection présidentielle d'octobre 2000 qui a vu l'arrivée au pouvoir de Laurent Gbagbo. Celui-ci a eu l'audace de prétendre qu'il avait été élu démocratiquement alors même qu'il avait éliminé ses principaux concurrents de la course ! Mais l'Afrique a refusé de le reconnaître comme président. Les irrégularités étaient telles que le président sud-africain, Thabo M'beki, et le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, …
Guillaume Soro - Pour une raison simple. Après la mort d'Houphouët-Boigny, son successeur, le président Bédié, de peur d'affronter un adversaire comme Alassane Ouattara (2), a conceptualisé le principe d'ivoirité. L'ivoirité n'est rien d'autre que la préférence nationale. On peut résumer cette notion d'une formule lapidaire : la Côte d'Ivoire aux Ivoiriens. Dès cet instant, un vent d'exclusion et de xénophobie s'est mis à souffler sur le pays. Les médias ont commencé à diffuser le venin de la haine contre les Burkinabés et les Maliens, considérés comme des envahisseurs. Le voisin avec lequel vous aviez l'habitude de prendre le thé devenait subitement un ennemi. Des Burkinabés et des Maliens, le discours s'est ensuite étendu aux Ivoiriens du Nord. Il suffisait d'avoir un nom à consonance nordique pour être immédiatement suspecté de ne pas être un " bon Ivoirien ". Le tournant décisif a été le référendum constitutionnel de juillet 2000. L'article 35 du nouveau projet de Constitution soumis au peuple ivoirien proclamait que les candidats à l'élection présidentielle devaient être de père et de mère ivoiriens, sous le prétexte d'éviter qu'un étranger puisse assumer la présidence. Cette manœuvre ne visait, en réalité, qu'à écarter un seul homme : Alassane Ouattara, qui avait pourtant déjà exercé les plus hautes fonctions de l'État puisqu'il avait été le premier ministre du président Houphouët-Boigny de novembre 1990 à décembre 1993 et, auparavant, gouverneur de la Banque centrale des États de l'Afrique de l'Ouest, de 1988 à 1992. Cet article 35, qui stipulait à l'origine que l'on pouvait être candidat à condition d'avoir un seul parent ivoirien, a été modifié conformément aux volontés de Gbagbo. La nouvelle Constitution, adoptée les 23 et 24 juillet 2000, a été mise en œuvre le 1er août 2000. Le concept d'ivoirité, que j'abhorrais, avait été tout simplement constitutionnalisé ! Le résultat ne s'est pas fait attendre : à la veille de l'élection présidentielle d'octobre 2000, neuf candidats sur quatorze, dont M. Ouattara, furent écartés pour nationalité " douteuse ". Tous les candidats originaires du Nord ont été systématiquement exclus. On avait atteint le paroxysme de l'ivoirité.
B. de L. - Qu'est-ce qui vous a poussé à passer du militantisme actif - vous étiez auparavant le secrétaire général de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d'Ivoire - à la rébellion armée ?
G. S. - La tournure prise par le régime après la calamiteuse élection présidentielle d'octobre 2000 qui a vu l'arrivée au pouvoir de Laurent Gbagbo. Celui-ci a eu l'audace de prétendre qu'il avait été élu démocratiquement alors même qu'il avait éliminé ses principaux concurrents de la course ! Mais l'Afrique a refusé de le reconnaître comme président. Les irrégularités étaient telles que le président sud-africain, Thabo M'beki, et le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, …
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