Guyonne de Montjou - Le retrait des troupes et des services de renseignement syriens signifie-t-il que les Libanais sont enfin libres ?
Nasrallah Sfeir - Presque : on ne peut pas rompre d'un coup tous les liens qui structurent le jeu politique libanais depuis plus de trente ans. Les services secrets syriens ont changé de costume, mais ils n'ont pas changé d'habitudes (1). Et puis on ne peut pas empêcher les Libanais et les Syriens de se rencontrer. Il y a encore des politiciens libanais qui se rendent en Syrie pour y prendre des conseils et des Syriens qui viennent au Liban pour y donner des instructions.
G. de M. - La " révolution du Cèdre " n'a donc pas apporté le changement espéré ?
N. S. - La lutte pour la liberté n'a pas encore abouti. Le pouvoir n'a pas changé de mains. Ce sont les mêmes formations politiques et les mêmes vieilles idées qui sont aux commandes. Il faudra attendre quelque temps avant qu'un vrai changement intervienne.
G. de M. - Quelque temps et une nouvelle loi électorale...
N. S. - Vous avez raison, ce qui s'est produit est déplorable. Nous avons été pris de court : d'un côté, nous avons subi d'intenses pressions de la part des Nations unies, de Washington, de Paris et de Bruxelles pour que nous respections le calendrier des élections et, de l'autre, nous avons tergiversé, si bien qu'il ne nous a pas été possible de revoir les règles du jeu à temps. Résultat : la loi actuelle, votée en 2000 sous la tutelle syrienne, qui maintient les grandes circonscriptions, ne satisfait personne. Dans ce système, lorsqu'on dresse une liste d'une vingtaine de personnes, la majorité des candidats qui la composent sont nécessairement musulmans. Comme on l'a constaté, les voix des chrétiens se retrouvent noyées parmi celles des musulmans. C'est pourquoi je suis favorable à un redécoupage en petites circonscriptions afin d'assurer une meilleure représentation et de rendre le Parlement proche du peuple.
G. de M. - Comment utilisez-vous, en tant que chef spirituel, la tribune politique qui vous est offerte ?
N. S. - Les patriarches d'Orient, qu'ils soient maronites ou d'une autre communauté, sont à la fois des chefs spirituels et des chefs temporels. Cette situation s'explique par notre histoire. Pendant les quatre siècles de tutelle ottomane, les fidèles se tournaient vers leur patriarche pour exprimer leurs doléances. Lorsque, après la Première Guerre mondiale, le mandat français a doté le Liban d'institutions étatiques en y créant une République et un Parlement, les gens ont conservé le même réflexe. Je suis l'héritier de cette tradition.
G. de M. - Vous considérez-vous comme un chef politique ?
N. S. - Je ne fais pas de politique à proprement parler. Mon rôle consiste à servir d'intermédiaire entre les croyants et ceux qui détiennent le pouvoir. Vous savez, les chefs religieux chrétiens d'Orient aimeraient bien ne s'occuper que de spiritualité ! Mais l'héritage historique et les événements récents en ont décidé autrement. C'est le propre …
Nasrallah Sfeir - Presque : on ne peut pas rompre d'un coup tous les liens qui structurent le jeu politique libanais depuis plus de trente ans. Les services secrets syriens ont changé de costume, mais ils n'ont pas changé d'habitudes (1). Et puis on ne peut pas empêcher les Libanais et les Syriens de se rencontrer. Il y a encore des politiciens libanais qui se rendent en Syrie pour y prendre des conseils et des Syriens qui viennent au Liban pour y donner des instructions.
G. de M. - La " révolution du Cèdre " n'a donc pas apporté le changement espéré ?
N. S. - La lutte pour la liberté n'a pas encore abouti. Le pouvoir n'a pas changé de mains. Ce sont les mêmes formations politiques et les mêmes vieilles idées qui sont aux commandes. Il faudra attendre quelque temps avant qu'un vrai changement intervienne.
G. de M. - Quelque temps et une nouvelle loi électorale...
N. S. - Vous avez raison, ce qui s'est produit est déplorable. Nous avons été pris de court : d'un côté, nous avons subi d'intenses pressions de la part des Nations unies, de Washington, de Paris et de Bruxelles pour que nous respections le calendrier des élections et, de l'autre, nous avons tergiversé, si bien qu'il ne nous a pas été possible de revoir les règles du jeu à temps. Résultat : la loi actuelle, votée en 2000 sous la tutelle syrienne, qui maintient les grandes circonscriptions, ne satisfait personne. Dans ce système, lorsqu'on dresse une liste d'une vingtaine de personnes, la majorité des candidats qui la composent sont nécessairement musulmans. Comme on l'a constaté, les voix des chrétiens se retrouvent noyées parmi celles des musulmans. C'est pourquoi je suis favorable à un redécoupage en petites circonscriptions afin d'assurer une meilleure représentation et de rendre le Parlement proche du peuple.
G. de M. - Comment utilisez-vous, en tant que chef spirituel, la tribune politique qui vous est offerte ?
N. S. - Les patriarches d'Orient, qu'ils soient maronites ou d'une autre communauté, sont à la fois des chefs spirituels et des chefs temporels. Cette situation s'explique par notre histoire. Pendant les quatre siècles de tutelle ottomane, les fidèles se tournaient vers leur patriarche pour exprimer leurs doléances. Lorsque, après la Première Guerre mondiale, le mandat français a doté le Liban d'institutions étatiques en y créant une République et un Parlement, les gens ont conservé le même réflexe. Je suis l'héritier de cette tradition.
G. de M. - Vous considérez-vous comme un chef politique ?
N. S. - Je ne fais pas de politique à proprement parler. Mon rôle consiste à servir d'intermédiaire entre les croyants et ceux qui détiennent le pouvoir. Vous savez, les chefs religieux chrétiens d'Orient aimeraient bien ne s'occuper que de spiritualité ! Mais l'héritage historique et les événements récents en ont décidé autrement. C'est le propre …
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