Le Soudan s'apprête à fêter l'an prochain son cinquantième anniversaire. Force est de constater qu'en un demi-siècle ce pays n'a connu que onze ans de paix civile, de 1972 à 1983. Longtemps, le Sud a été le théâtre d'une guerre entre le gouvernement central et l'Armée/Mouvement populaire de libération du Soudan (APLS/MPLS : branche armée et branche politique du même mouvement) de John Garang - un conflit qui a causé un million et demi à deux millions de morts, plus de quatre millions de déplacés à l'intérieur du pays et 600 000 réfugiés dans les États limitrophes. Cet affrontement complexe aux racines aussi bien ethniques que religieuses et économiques s'est achevé - au moins provisoirement - par la signature d'un accord de paix le 9 janvier 2005 à Nairobi, au Kenya. Mais ledit accord, bien que très précis dans ses modalités, ne règle en réalité aucun des contentieux qui empoisonnent le Soudan depuis son indépendance, minent son développement et menacent son unité : le statut de la religion, la démarcation entre le Nord et le Sud, le rapport entre le centre et la périphérie, la sphère régionale de référence (africaine ou arabe), etc. Pis : il ouvre la porte à une possible indépendance du Sud-Soudan qui devra se prononcer par référendum d'autodétermination au terme d'une période intérimaire de six ans.
À une courte euphorie a succédé une longue période d'incertitude pendant laquelle les principaux acteurs - qu'il s'agisse du gouvernement de Khartoum, des ex-rebelles sudistes ou de l'opposition politique nordiste (exclue de fait des négociations) - vont, chacun, peser sur l'application de l'accord pour tenter d'en tirer le maximum de profit.
Les islamistes, qui, depuis le coup d'État de 1989, monopolisent le pouvoir à travers le Congrès national, en situation de parti unique, se sont engagés dans un délicat processus devant conduire à des élections multipartites d'ici à trois ans. Il est difficile d'en prévoir le résultat, les dernières élections libres remontant à 1986. Ce qui est sûr, c'est que le pouvoir islamiste, renforcé par la manne pétrolière qui se déverse depuis 1999, est en proie à de profondes divisions : l'éviction de Hassan al-Tourabi par ses anciens " élèves ", à commencer par le plus brillant d'entre eux, le vice-président Ali Osman Taha, a laissé des traces. Le mini-boom pétrolier a contribué à accentuer les disparités sociales et à accroître la corruption, ce qui a porté à son comble l'exaspération de la plus grande partie de la population. Au moment même où il pensait trouver un répit grâce aux accords de paix de Nairobi, le pouvoir se trouve donc fragilisé et contesté.
Mais une menace bien plus grave pèse sur l'avenir immédiat du pays : il s'agit bien évidemment de la guerre civile au Darfour. Cette immense province de l'ouest du Soudan est en rébellion ouverte contre le pouvoir central de Khartoum depuis février 2003. Deux mouvements rebelles, principalement constitués de Four, de Zaghawa et de Masalit (les trois grandes ethnies négro-africaines du Darfour), défient le gouvernement soudanais auquel …
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