Isabelle Dillmann - Monsieur le Président, après l'adoption d'une Constitution le 5 janvier 2004 puis votre élection dix mois plus tard, les législatives du 18 septembre ont parachevé le processus de reconstruction démocratique de l'Afghanistan. Pensez-vous qu'un système parlementaire inspiré du modèle occidental soit viable compte tenu de la faiblesse des institutions afghanes ?
Hamid Karzaï - L'Afghanistan est, par essence, un pays démocratique. C'est un pays où le débat, la recherche du consensus, font partie des traditions. Plus vous pénétrez au cœur des régions rurales, plus les mécanismes de consultation, de règlement des différends et de prise de décision sont sophistiqués. Dans la mentalité du peuple afghan, la démocratie et le dialogue ne sont pas des concepts nouveaux. Ils s'inscrivent, au contraire, dans des pratiques millénaires. Quant au système parlementaire, nous n'avons pas attendu 2005 pour le découvrir. Avant l'invasion soviétique, les Afghans élisaient leurs députés, même si la dernière consultation parlementaire remonte à 1969. J'ajouterai que l'aptitude d'un pays à la démocratie n'a rien à voir avec son degré de développement économique. Regardez l'Inde : c'était une nation très pauvre au moment de son indépendance, ce qui ne l'a pas empêchée de devenir la plus grande démocratie du monde. Il ne s'agit pas de singer le modèle occidental. Ce qui compte, c'est la volonté démocratique des peuples et la qualité des dirigeants.
I. D. - Dans un pays où l'organisation sociale est fondée sur la tribu et sur l'émiettement des autorités, ces élections n'ont-elles pas contribué à renforcer le clientélisme et à accroître le rôle de l'argent ?
H. K. - Bien sûr que l'argent a joué un rôle dans la campagne électorale ! C'est d'ailleurs le cas partout dans le monde. Ce qui ne veut pas dire que nous nous en réjouissions. La loi impose à chaque candidat un plafond de 10 000 dollars pour ses dépenses de campagne. Ces fonds doivent provenir entièrement de sources afghanes. La commission électorale et le JEMB (1) sont chargés de veiller à l'application de cette règle et d'enregistrer les plaintes éventuelles. Nous sommes très conscients de la nécessité de mettre en place des institutions qui protègent la démocratie, et la commission électorale en est une. Je lui apporte tout mon soutien. Ce que je peux vous dire, en tout cas, c'est que c'est un grand honneur pour moi, en tant qu'Afghan, de me sentir indépendant et de pouvoir voter librement.
I. D. - Votre opposition ne croit pas à l'impartialité du résultat de ces élections. N'est-ce pas là la réaction normale d'un peuple qui attend une réponse urgente à ses besoins les plus élémentaires ?
H. K. - Je connais les difficultés des Afghans. Leurs espoirs et leur scepticisme. " Que va véritablement nous apporter la démocratie ? ", me demandent-ils souvent. Je leur réponds que ces élections sont une première étape cruciale pour la consolidation du pays après un quart de siècle de guerre civile et quatre ans de régime taliban.
I. D. - L'exemple de l'Irak qui, malgré …
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