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De Gorbatchev à Poutine : les illusions perdues

Galia Ackerman - Il y a vingt ans, en 1985, Mikhaïl Gorbatchev devenait secrétaire général du Parti communiste d'Union soviétique (PCUS). Une fois au pouvoir, il a rapidement déclenché la glasnost et la perestroïka - deux mots russes qui sont à présent connus du monde entier. J'aimerais dresser avec vous un bilan des transformations que la Russie a connues au cours de ces deux décennies. La perestroïka a débouché sur le départ de son initiateur et sur l'éclatement de l'URSS. Et après ? Comment caractériser les deux époques suivantes - celle de Boris Eltsine et celle de Vladimir Poutine ?
Dimitri Fourman - Je crois que l'évolution du pouvoir après l'éclatement de l'URSS a été parfaitement logique, bien que je peine à définir de manière précise le système qui a remplacé le régime soviétique. Je ne partage pas l'analyse de Fareed Zakaria qui considère que le système russe appartient à la catégorie des " démocraties non libérales " (1). Pour ma part, je qualifierais plutôt ce système de " démocratie imitative ". Il s'agit d'un régime de pouvoir personnel dont les institutions imitent les institutions démocratiques propres à un État de droit. Par exemple, le système judiciaire est tout sauf indépendant. Près de 50 % des pays de la planète sont gouvernés par des régimes de ce type. Il va de soi que chacun d'entre eux a sa spécificité mais, au fond, le régime russe n'a rien de très particulier. En principe, il ressemble, à bien des égards, à celui de Moubarak en Égypte et à certains autres régimes arabes ; et l'on retrouve les mêmes principes de gouvernement dans plusieurs ex-républiques soviétiques, de la Biélorussie à l'Asie centrale. Bizarrement, ce type de régime est mal étudié et l'on n'a pas encore réellement découvert sa logique interne. Quant aux pays Baltes, à l'Ukraine, à la Moldavie et à la Géorgie, ils suivent, eux, un autre chemin. Chacun a pu le constater...
G. A. - Comment un tel régime s'est-il formé en Russie alors qu'en 1991 le pays paraissait se diriger vers une véritable démocratie ?

D. F. - Définissons d'abord ce qu'est une démocratie. C'est un État de droit qui, dans le cadre de sa législation, donne à des forces politiques diverses la possibilité d'arriver au pouvoir par le biais des élections. Or, en 1991, en Russie, ce n'est pas ainsi que s'est opéré le changement de régime. N'oublions pas que Boris Eltsine est arrivé au pouvoir grâce à un coup d'État soutenu par une minorité des citoyens ! Il faut appeler un chat un chat : les accords de Biélovej qui ont mis fin à l'URSS, en décembre 1991, ont été un coup d'État, tout simplement parce que les trois dirigeants républicains qui les ont signés (Eltsine au nom de la Russie, Kravtchouk au nom de l'Ukraine et Chouchkevitch pour la Biélorussie) n'avaient aucun mandat pour dissoudre l'Union (2). Qui plus est, en mars de la même année, soit seulement neuf mois avant les accords de Biélovej, les citoyens …