Les Grands de ce monde s'expriment dans

Existe-t-il une exception serbe ?

Existe-t-il une exception serbe ? Lorsque, le 27 janvier dernier, les chefs d'État et de gouvernement du monde entier se sont rassemblés à Auschwitz pour commémorer le soixantième anniversaire de la libération du camp de concentration nazi, Belgrade figurait parmi les grands absents. Les Serbes, qui depuis 1945 se présentent aux yeux du monde comme les principaux héritiers, dans la région, de la résistance antinazie, n'avaient pas fait le déplacement.
Dix ans après la signature des accords de Dayton qui ont mis fin à la guerre en Bosnie, dix ans après Srebrenica (8 000 Musulmans assassinés par les hommes de l'ancien chef militaire bosno-serbe Ratko Mladic en juillet 1995), Belgrade n'a jamais officiellement reconnu que des crimes de guerre ont été commis par les Serbes en ex-Yougoslavie. Selon un récent sondage de l'agence Strategic Marketing, plus de 50 % des Serbes sont persuadés que le massacre de Srebrenica n'a même jamais eu lieu...
Les Serbes, en revanche, célèbrent chaque année avec beaucoup de faste la bataille de Kosovo Polje, qui vit la victoire de l'Empire ottoman sur le royaume de Serbie, le 28 juin 1389. En faisant sauter le dernier verrou de la pénétration ottomane dans les Balkans, ce fait d'armes marque le début de l'occupation turque, qui durera près de cinq siècles. Depuis, le Kosovo, que Belgrade considère comme le berceau historique de la Serbie, est devenu le symbole de la tragédie nationale et de la lutte contre les Turcs.
En Serbie, le 28 juin, jour du " vidovdan " - la bataille emblématique de la guerre éternelle, en référence à Svantovid, le principal dieu des anciens slaves -, est un jour sacré. D'autant plus important qu'il correspond à deux autres événe-
ments majeurs : l'assassinat de l'archiduc d'Autriche François-Ferdinand à Sarajevo par un jeune Serbe, Gavrilo Princip, en 1914 ; et le " non " de Tito à Staline en 1948.
Les Serbes ont un problème avec leur histoire. Comme un boomerang, les deux guerres mondiales, au sujet desquelles Serbes et Croates continuent de s'affronter, y compris sur le nombre de morts, sont revenues hanter le conflit des années 1990, certains groupes paramilitaires se réclamant des tchetniks (1), d'autres des oustachis (2). Au printemps dernier, Belgrade a adopté une loi qui place sur un pied d'égalité, notamment en matière de subventions, les combattants antifascistes de Tito et les partisans du chef tchetnik Draza Mihailovic, réhabilitant ainsi le mouvement tchetnik, dont les fidèles ont tué de nombreux Croates entre 1940 et 1945. Cette mesure a provoqué la colère de la Croatie, dont le président, Stipe Mesic, a annulé une visite prévue à Belgrade.
L'Histoire, en Serbie, est utilisée comme un outil politique par les idéologues nationalistes, qui la tordent dans tous les sens pour lui faire servir de force les croyances et les projets du moment. Elle est constamment réécrite en fonction des objectifs immédiats des partis. La paix armée qui s'est installée depuis la fin des bombardements de l'Otan se nourrit ainsi quotidiennement - au Parlement, dans les …