Le retour de l'Iran profond ?
Depuis la Palme d'or attribuée à Cannes au cinéaste Abbas Kiarostami en 1997, quelques mois avant la première élection de Mohammad Khatami, une vision irénique de l'Iran s'est répandue. On a vite oublié les composantes islamiques et nationalistes de cette période " post-islamiste " pour ne retenir que la construction d'une société civile complexe, symbolisée par le discours présidentiel sur le Dialogue des civilisations, les succès des artistes iraniens et, surtout, la socialisation des femmes. Alphabétisées à plus de 72 %, majoritaires à l'université, elles ont aujourd'hui en moyenne 2,1 enfants contre 6,8 en 1986. Les victoires électorales écrasantes de Khatami et des Réformateurs traduisaient cette dynamique sociale en termes politiques, sans parvenir toutefois à transformer les discours en actes. La responsabilité du blocage était imputée aux courants conservateurs qui détenaient les postes de décision, mais il est également vrai que les Réformateurs ne se sont jamais donné les moyens de rompre avec les autres tendances issues, comme eux, de la Révolution islamique.
Pour l'opposition iranienne en exil et les néo-conservateurs américains, seuls un changement de régime et un renouvellement des élites pouvaient permettre de sortir de l'impasse. L'élection d'Ahmadinejad montre à quel point cette analyse, qui assimilait l'islam à un parti politique, était simpliste. Les 17 millions d'Iraniens qui ont voté pour lui ne sont pas tous issus du " camp conservateur ". Ils représentent l'Iran profond qui, à travers le suffrage universel, a une fois encore affirmé sa présence et sa volonté protestataire, comme il l'avait fait en d'autres temps en faveur de Khatami.
La légitimité grandissante des élections
Si l'Iran était réellement la dictature que certains décrivent, les élections ne seraient pas ce moyen d'expression et de décision incontournable qu'elles sont devenues au fil des années. À deux reprises, en 1997 avec la victoire de Mohammad Khatami, puis en 2005, c'est une personnalité peu connue mais bénéficiant d'un fort soutien populaire qui a éliminé le candidat officiel du clergé : Nateq Nuri, puis Hashemi Rafsandjani.
Le contrôle préalable des candidats et l'élimination des indésirables par le Conseil de surveillance de la Constitution n'expliquent pas tout (1). En 2005, douze personnes ont été retenues comme éligibles sur plus de mille prétendants déclarés ; tous les Réformateurs, à l'exception de Mehdi Karroubi, ont été écartés. Soucieux de légitimité, le Guide a exigé que deux candidats jugés inoffensifs soient finalement retenus : Mostapha Mo'in et Mohsen Mehralizadeh. Minés par leurs divisions internes, les Réformateurs n'avaient pas pris la peine de trouver des candidats crédibles.
La participation a été forte (63 % au premier tour, 59 % au second), malgré les appels au boycott des Iraniens en exil (royalistes et opposants de gauche) et des " déçus du khatamisme " - en particulier des intellectuels de gauche et des défenseurs des droits de l'homme comme Shirine Ebadi, prix Nobel de la paix. À l'échelle nationale, cette situation confirme la permanence de la rupture entre les intellectuels et la majorité de la population, et l'influence toujours …
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