Emmanuel Halperin - Certains contempteurs de la politique étrangère américaine prétendent que, si George W. Bush et Condoleezza Rice encensent votre livre, c'est parce qu'il justifie idéologiquement les guerres d'Afghanistan et d'Irak...
Nathan Chtcharanski - Le président Bush dit simplement que les idées que je défends reflètent sa conviction profonde : le désir de liberté n'est pas une valeur américaine mais une aspiration partagée par toute l'humanité. Pour ce qui est des deux guerres en question, ma thèse est qu'on aurait pu les éviter si, au lieu de pratiquer une politique d'accommodement, au lieu de composer avec les dictatures, on avait insisté dès le début sur le respect des libertés et des droits de l'homme. Ces guerres ont éclaté précisément parce que les nations libres - au premier rang desquelles les États-Unis - ont trop longtemps prôné l'apaisement à l'égard de régimes iniques.
E. H. - Mais la communauté internationale s'était pourtant montrée plutôt intransigeante envers Saddam Hussein : elle l'avait bouté hors du Koweït en 1991 avant de lui imposer, par le biais du Conseil de sécurité de l'ONU, de sévères sanctions économiques...
N. C. - Mais pensez aux années 1980, lorsque le régime irakien était encore tout jeune ! L'Occident, vous le savez bien, a alors soutenu Saddam Hussein et l'a même encouragé à déclarer la guerre à l'Iran, estimant qu'il était l'homme de la situation...
E. H. - Diriez-vous qu'aujourd'hui l'administration Bush, reconnaissant ses erreurs passées, a totalement cessé de soutenir des régimes autoritaires, despotiques, totalitaires ?
N. C. - Malheureusement non. La plupart des États occidentaux soutiennent ces régimes obscurantistes dans l'espoir d'en tirer quelque profit. Ce n'est que lorsque la situation devient intolérable qu'ils se décident à agir. Ils feraient mieux de reconnaître, comme je le dis dans mon livre, qu'une démocratie qui vous hait est préférable à une dictature qui vous aime ! Aux États-Unis, le principe est désormais posé et il est important que le président Bush l'ait clamé haut et fort : il faut que les nations soient libres. C'est cette aspiration qui régit la politique de Washington. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres : les déclarations de principe sont une chose ; leur mise en œuvre en est une autre...
E. H. - Faites-vous référence au discours du 24 juin 2002 dans lequel le président des États-Unis appelait les Palestiniens à se démocratiser (6) ?
N. C. - En effet. Mais la première fois qu'il s'est exprimé sur ce thème, c'était en mars de la même année. Je lui en ai fait la remarque et il m'a dit que j'étais le premier à avoir relevé ce passage particulier de son discours. Trois mois plus tard, il a développé ce thème. Au-delà même du cas palestinien, je suis heureux de voir que Bush a compris que, partout dans le monde, il fallait s'adresser aux opposants et les encourager, au lieu de caresser les dictateurs dans le sens du poil. C'est bel et bien ce qu'il fait aujourd'hui : …
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