La planète pétrolière et, plus largement, la scène énergétique mondiale ont vraiment changé de paradigme (pour reprendre un mot fort pompeux à la mode mais qui s'applique bien au cas présent). Déjà, on parle d'un baril à 100, voire à 350 dollars ! Cette nouvelle donne pétrolière modifie de nombreux équilibres à la fois géopolitiques et économiques. Elle est également porteuse de maintes interrogations pour le XXIe siècle qui pourrait être celui de la fin du pétrole. Mais avant d'évaluer ces perspectives nouvelles, il est nécessaire de comprendre les raisons profondes de la situation des marchés pétroliers à l'automne 2005.
Du pétrole à 60 ou 70 dollars le baril : pourquoi ?
Une demande en hausse constante, une offre fragile
L'analyse du marché pétrolier en ces derniers mois de 2005 est fort simple. Le monde consomme à peu près tout ce qu'il peut pomper, ne dispose d'aucune marge de manœuvre et l'élasticité de la demande par rapport à des prix historiquement élevés demeure très faible.
La planète devrait consommer en 2005 quelque 84,2 millions de barils par jour (mbj dans la suite du texte). Précisons que nous adopterons les chiffres de l'Agence internationale de l'énergie, même s'ils sont contestés dans certains milieux. Or, en 2002, le monde ne consommait que 78 mbj. La croissance de la demande a donc varié ces dernières années autour de 2 à 3 % par an - un taux inférieur à la croissance économique mondiale. On peut en conclure que, peu à peu, l'intensité énergétique et surtout pétrolière de la planète diminue. Au niveau global, on est passé de 560 litres d'équivalent pétrole par 1 000 dollars de PIB en 1971 à 380 litres en 2002 (1 150 litres pour la Chine, mais seulement 180 litres pour l'Europe). En 2020, la moyenne mondiale devrait descendre sous la barre des 300 litres.
Ce sont aujourd'hui les pays émergents qui consomment le plus de pétrole et d'énergie pour leur croissance. C'est là, aussi, que l'augmentation de la demande est le plus spectaculaire : entre 2002 et 2005, la consommation chinoise est passée de 5 à 7 mbj ; et celle du reste de l'Asie, de 8 à 9 mbj. Cette hausse de la demande de l'empire du Milieu est d'ailleurs pour beaucoup dans la récente flambée des prix. Même si l'intensité pétrolière de la croissance chinoise est appelée à diminuer très fortement, le potentiel de cette croissance est tel que la Chine sera bientôt le deuxième consommateur mondial derrière les États-Unis. Car on l'oublie un peu trop vite : les États-Unis consomment un peu moins du quart du pétrole mondial (20,8 mbj en 2005). L'" American way of life " est en partie fondé sur un pétrole peu taxé (et donc bon marché par rapport à l'Europe) qui alimente les trois grandes " saisons " pétrolières, lesquelles rythment la vie des marchés : la " driving season " lorsque au printemps les belles américaines reprennent la route ; la " heating season " quand il faut affronter …
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