Trois Européens à Téhéran (suite et fin ?)

n° 109 - Automne 2005

Certes, les fées n'ont jamais été nombreuses à se pencher sur le berceau des négociations irano-européennes, délicates dès l'origine, mais Londres, Paris et Berlin auraient pu tirer meilleur parti de leur aventure diplomatique. Lorsque le processus a pris forme à l'automne 2003, le deal avec Téhéran était dépourvu d'ambiguïté : il s'agissait de suspendre la transmission à New York des violations iraniennes en obtenant la suspension - et à terme l'abandon - des activités que l'Iran avait dissimulées à l'AIEA pendant une vingtaine d'années. En cas de reprise de tout ou partie de ces activités, le Conseil de sécurité reprenait ses droits. Dès octobre 2003, date du premier accord avec les Européens, il est apparu que Téhéran n'accepterait pas, à moins d'une forte contrainte, de démanteler ses installations de conversion et d'enrichissement ou de remplacer son réacteur plutonigène d'Arak par un équipement moins proliférant. Dès cette date, il était tout aussi clair que la lumière sur le programme nucléaire passé de l'Iran serait d'autant plus difficile à obtenir que les ambitions nucléaires militaires du pays continuaient à franchir de nouvelles étapes. Personne ne peut prétendre avoir été surpris sur ces deux points.
La question n'a donc jamais été le prétendu " droit " au développement du cycle du combustible : l'utilisation de ce thème relevait de la propagande à l'égard des pays en développement et de la politique interne. Les Iraniens ont, en effet, découvert avec le reste du monde à l'été 2002 des activités nucléaires secrètes que le pouvoir tenta alors de justifier en expliquant que le secret était nécessaire pour " protéger " le programme. Mais les autorités, surprises par des révélations inattendues, savaient ce qu'elles faisaient. Et l'Iran sait lire les traités. Il n'ignore pas que les usages pacifiques de l'atome garantis par le TNP sont conditionnels et que le respect de l'engagement pris de ne pas chercher à acquérir la bombe est la première des conditions. La vérité toute simple, c'est qu'en montant une telle opération pendant vingt ans dans la clandestinité, avec des équipements achetés au prix fort au marché noir auprès d'intermédiaires pakistanais, l'Iran avait révélé une détermination à se doter de l'arme qui rendait tout recul hautement improbable. Aucun diplomate européen ne s'est jamais imaginé le contraire. Mais on pouvait au moins espérer que Téhéran pèserait les conséquences de ses actes et que l'évolution politique iranienne favoriserait ce processus.
Les espoirs des négociateurs
Sur le plan politique, un changement de gouvernement et une orientation plus favorable à l'Occident après l'élection présidentielle de 2005, bien que peu probables étant donné l'évolution observée depuis 1999, ne pouvaient être totalement exclus. Après tout, l'Iran avait besoin de l'ouverture économique pour répondre à la création massive d'emplois qu'exigeait l'arrivée des nouvelles classes d'âge sur le marché : en 2005, le pays compte 3 millions de chômeurs et un taux de chômage de 14 %. Au printemps 2005, c'était ce besoin qui justifiait le pari général à l'Ouest : tous les commentaires vantaient les mérites de la politique …