Brigitte Adès et Henri Lepage - Monsieur Mandelson, est-on en droit de penser que le rejet du projet de Constitution par la France et les Pays-Bas compromet l'avenir de l'Union européenne ?
Peter Mandelson - Non, je ne le pense pas. Sur les plans juridique et institutionnel, le gel du processus de ratification ne change rien à la situation qui prévalait auparavant. Les pouvoirs de l'Union restent les mêmes. Le rejet de la Constitution n'est pas lié aux qualités ou aux défauts intrinsèques du projet lui-même. Il traduit plutôt le mécontentement politique des citoyens qui étaient appelés à s'exprimer. Même si l'Europe est plus riche que jamais, il est clair que le vote massivement négatif des jeunes traduit une profonde anxiété vis-à-vis du chômage et de l'insécurité économique dont ils se sentent les victimes. J'ajoute que trop d'Européens ne réalisent pas encore vraiment que la paix et la prospérité dont ils jouissent sont liées à l'existence de l'Union européenne. Ils les considèrent comme des acquis définitifs. La crise que nous traversons est aussi la conséquence d'un déficit de " leadership " européen. Il serait exagéré de parler de " crise fatale ". Nous n'en sommes pas encore là. Mais l'Europe doit retrouver un rôle de leader. Si elle y parvient, l'Union surmontera ses difficultés comme elle l'a déjà fait tant de fois dans le passé. En attendant, nous avons sans doute besoin de faire une pause pour rassembler nos forces et repartir de l'avant.
B. A. et H. L. - L'arrivée des dix nouveaux membres est souvent perçue par l'opinion publique comme une menace...
P. M. - Cette idée est très répandue, mais elle n'est pas exacte. Pour trois raisons. D'abord, parce que les nouveaux membres sont tout autant menacés que les plus anciens par des problèmes comme la baisse de la natalité ou la crise des finances publiques. Ensuite, parce que la mondialisation économique impose à la France ou à l'Allemagne, par exemple, des contraintes concurrentielles au moins aussi importantes que celles qui résultent de l'élargissement. Enfin, parce que ces nouveaux pays membres sont tout aussi attachés que nous à la préservation de leurs systèmes de protection sociale, ce qui les pénalise de la même manière par rapport à la concurrence non européenne.
B. A. et H. L. - Vous placez d'emblée la mondialisation au cœur du débat. Est-elle, selon vous, responsable de cette inquiétude et de cette insécurité que ressentent les opinions publiques des pays développés ?
P. M. - Oui, bien sûr ; et à juste titre. Au cours des vingt dernières années, des centaines de millions de Chinois ont fui leurs campagnes et la misère pour s'entasser aux portes des grandes villes et dans les régions où les usines tournent à plein régime. Même chose en Inde. Nous n'avions jamais rien vu de pareil depuis l'émergence des États-Unis en tant que grande puissance industrielle. Soumise à la concurrence croissante de ces pays, l'Europe - y compris la Grande-Bretagne - devra faire des choix qui engageront son …
Peter Mandelson - Non, je ne le pense pas. Sur les plans juridique et institutionnel, le gel du processus de ratification ne change rien à la situation qui prévalait auparavant. Les pouvoirs de l'Union restent les mêmes. Le rejet de la Constitution n'est pas lié aux qualités ou aux défauts intrinsèques du projet lui-même. Il traduit plutôt le mécontentement politique des citoyens qui étaient appelés à s'exprimer. Même si l'Europe est plus riche que jamais, il est clair que le vote massivement négatif des jeunes traduit une profonde anxiété vis-à-vis du chômage et de l'insécurité économique dont ils se sentent les victimes. J'ajoute que trop d'Européens ne réalisent pas encore vraiment que la paix et la prospérité dont ils jouissent sont liées à l'existence de l'Union européenne. Ils les considèrent comme des acquis définitifs. La crise que nous traversons est aussi la conséquence d'un déficit de " leadership " européen. Il serait exagéré de parler de " crise fatale ". Nous n'en sommes pas encore là. Mais l'Europe doit retrouver un rôle de leader. Si elle y parvient, l'Union surmontera ses difficultés comme elle l'a déjà fait tant de fois dans le passé. En attendant, nous avons sans doute besoin de faire une pause pour rassembler nos forces et repartir de l'avant.
B. A. et H. L. - L'arrivée des dix nouveaux membres est souvent perçue par l'opinion publique comme une menace...
P. M. - Cette idée est très répandue, mais elle n'est pas exacte. Pour trois raisons. D'abord, parce que les nouveaux membres sont tout autant menacés que les plus anciens par des problèmes comme la baisse de la natalité ou la crise des finances publiques. Ensuite, parce que la mondialisation économique impose à la France ou à l'Allemagne, par exemple, des contraintes concurrentielles au moins aussi importantes que celles qui résultent de l'élargissement. Enfin, parce que ces nouveaux pays membres sont tout aussi attachés que nous à la préservation de leurs systèmes de protection sociale, ce qui les pénalise de la même manière par rapport à la concurrence non européenne.
B. A. et H. L. - Vous placez d'emblée la mondialisation au cœur du débat. Est-elle, selon vous, responsable de cette inquiétude et de cette insécurité que ressentent les opinions publiques des pays développés ?
P. M. - Oui, bien sûr ; et à juste titre. Au cours des vingt dernières années, des centaines de millions de Chinois ont fui leurs campagnes et la misère pour s'entasser aux portes des grandes villes et dans les régions où les usines tournent à plein régime. Même chose en Inde. Nous n'avions jamais rien vu de pareil depuis l'émergence des États-Unis en tant que grande puissance industrielle. Soumise à la concurrence croissante de ces pays, l'Europe - y compris la Grande-Bretagne - devra faire des choix qui engageront son …
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