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ISRAEL FACE A SES ENNEMIS

Entretien avec Benyamin Netanyahou, Ministre des Finances d'Israël depuis février 2003 par Gilles-William Goldnadel

n° 115 - Printemps 2007

Benyamin Netanyahou

Gilles-William Goldnadel - Votre formation, le Likoud, est le premier parti d'opposition en Israël. Vous ne ménagez pas vos critiques à l'encontre du gouvernement d'Ehoud Olmert. Quels sont vos principaux griefs ?

Benyamin Netanyahou- Ce gouvernement n'est en place que depuis un an... mais il a déjà eu le temps de prendre plusieurs décisions que je désapprouve absolument !
Avant tout, je lui reproche sa gestion du conflit qui a opposé Israël au Hezbollah l'été dernier. Entendons-nous bien : je ne remets pas en cause les objectifs de l'opération militaire - désarmer le « Parti de Dieu » comme l'exigeait la résolution 1559 de l'ONU (1), supprimer le danger qu'il faisait planer sur la frontière nord d'Israël et récupérer nos soldats kidnappés. Ces objectifs étaient justifiés ; c'est pourquoi j'ai fermement soutenu le gouvernement tout au long de cette guerre. Hélas, les buts fixés n'ont pas été atteints. Jugez vous-même : le Hezbollah s'est mis à se réarmer à la seconde où le cessez-le-feu a été proclamé ; il représente toujours un danger de premier plan pour notre frontière nord (ainsi que pour le gouvernement libanais, bien entendu) ; quant à nos soldats, ils ne nous ont jamais été remis.

G.-W. G. - D'après vous, quelles erreurs le gouvernement a-t-il commises pendant ce conflit ?

B. N. - Tout au long de la guerre, le processus de prise de décision du gouvernement a été extrêmement confus. En ce moment même, une Commission d'enquête étudie en détail le déroulement des opérations. Je suis certain que ses conclusions mettront en évidence les errements de nos dirigeants. Je pense, aussi, que la Commission critiquera le gouvernement pour son incapacité à garantir la sécurité de la population israélienne durant les affrontements. Plus de 15 % des habitants d'Israël ont quitté la zone où ils vivaient ou bien se sont réfugiés dans des bunkers. N'oubliez pas que 4 000 missiles ont frappé le nord du pays - des missiles pratiquement identiques aux V1 et V2 allemands qui se sont abattus sur la Grande-Bretagne pendant la Seconde Guerre mondiale. J'espère, à tout le moins, que le gouvernement aura à coeur de tirer les enseignements de ses erreurs et saura mieux préparer le pays à un éventuel nouveau conflit !

G.-W. G. - Vous reprochez également au cabinet Olmert son attitude timorée face au Hamas...

B. N. - En effet. D'un point de vue diplomatique, le gouvernement a, dès son arrivée aux affaires, mal géré la montée en puissance du Hamas en lui permettant de participer à des élections palestiniennes. Désireux d'apparaître constructif, Israël s'est toujours montré très ambigu au sujet de cette organisation terroriste qui ne fait aucun mystère de son désir de rayer l'État hébreu de la carte. Si Israël ne rejette pas clairement le Hamas, pourquoi qui que ce soit d'autre le ferait ?
L'exemple le plus récent est l'« accord d'unité palestinienne » signé à La Mecque en février dernier. Ce texte, par lequel Mahmoud Abbas capitule complètement devant le Hamas, aurait dû être immédiatement dénoncé par les autorités israéliennes ! Au lieu de quoi, nos dirigeants ont adopté une attitude attentiste. Et c'est en partie à cause de leurs tergiversations que la mobilisation de la communauté internationale face au Hamas commence à donner des signes de faiblesse. C'est très malheureux. Je souhaite, néanmoins, que le gouvernement se ressaisisse, qu'il s'oppose clairement au nouveau gouvernement palestinien et qu'il prenne la tête d'une campagne internationale visant à l'isoler. S'il s'engage dans cette voie, mon parti lui apportera tout son soutien. Mieux vaut tard que jamais.

G.-W. G. - Partagez-vous l'opinion d'après laquelle le conflit de l'été dernier aurait remis en question l'« invulnérabilité » de Tsahal ?

B. N. - La guerre a démontré deux choses. D'abord que, malgré les difficultés, les soldats israéliens restent parmi les meilleurs au monde. Ensuite, que la détermination du peuple israélien est à toute épreuve. La population est prête à tous les sacrifices nécessaires pour vaincre un ennemi fourbe et cruel. L'été dernier, nos soldats se sont battus avec bravoure et nos civils les ont soutenus avec résolution. Malheureusement, les dirigeants n'ont pas été à la hauteur.
Personne ne devrait sous-estimer l'armée israélienne. L'une des principales qualités de mon pays, c'est sa capacité à s'adapter rapidement aux circonstances. C'est pourquoi je pense que les erreurs commises pendant le dernier conflit ne seront pas réitérées à l'avenir. Si nous sommes entraînés dans une nouvelle confrontation militaire, nous serons prêts. Il reste à espérer que, cette fois, la volonté des chefs sera égale à celle des soldats et de la population !

G.-W. G. - Quelles mesures devrait-on prendre pour empêcher le Hezbollah de se réarmer et, par conséquent, pour prévenir de nouveaux affrontements ?

B. N. - Vous avez parfaitement cerné le problème : c'est précisément notre incapacité à désarmer le Hezbollah qui sera le déclencheur du prochain conflit. De la même manière que la non-application de la résolution 1559 a conduit à la guerre de l'été dernier, la non-application de la résolution 1701 (2) provoquera l'affrontement suivant. Pour empêcher le Hezbollah de réarmer, trois choses sont nécessaires.
Premièrement, la communauté internationale doit tenir l'Iran et la Syrie pour responsables des actions du Hezbollah. Chacun sait que les Iraniens fournissent au « Parti de Dieu » de l'argent et des armes, et qu'ils entraînent ses militants. Quant aux Syriens, ils facilitent l'acheminement des armes iraniennes, via leur territoire, jusqu'au « Hezbollahland ».
Deuxièmement, la Force internationale déployée au Liban doit démontrer qu'elle est décidée à s'opposer au réarmement du Hezbollah. Ce qui implique l'interception - au besoin par la force - des expéditions d'armes qui sont destinées à ce mouvement. Pour l'heure, il n'y a pas eu de telles interceptions.
Troisièmement, le monde doit soutenir le gouvernement libanais, que le Hezbollah tente de renverser. Un gouvernement fort et stable à Beyrouth, appuyé par la puissance et la détermination d'une communauté internationale résolue à démanteler l'arsenal du Hezbollah : voilà qui pourrait empêcher un nouveau conflit.
Je sais très bien …