Entretien avec Arkadi Gaydamak par Gilles-William Goldnadel
Gilles William Goldnadel - À une époque où les responsabilités politiques apparaissent comme une source d'ennuis plus que de satisfactions, pourquoi avez-vous décidé de créer un nouveau parti en Israël ?
Arkadi Gaydamak - L'époque est périlleuse pour tous les entrepreneurs qui s'exposent, qu'ils soient hommes d'affaires ou hommes politiques. Je suis bien placé pour savoir que la vie économique internationale est également pleine de pièges... Finalement, ceux qui sont le plus protégés sont ceux qui, par conformisme (et, dans conformisme, il y a confort...), mettent en danger ceux qui prennent des risques. Je veux parler des journalistes et des juges.
Pour en revenir plus directement à votre question, je ne me suis pas levé un beau matin en me disant que, puisque je n'avais rien d'autre à faire, j'allais me lancer en politique. L'envie m'est venue progressivement. Je ne prétends pas avoir toutes les qualités et l'expérience requises pour être un homme d'État, a fortiori dans un pays en guerre permanente. Mais, dans le domaine économique qui est le mien, je peux me rendre utile.
G. W. G. - N'est-ce pas, pour vous, un moyen d'acquérir davantage de gloire et de pouvoir ?
A. G. - Je suis un produit politique atypique car, contrairement à l'ensemble de mes confrères, je ne censure pas mon discours pour plaire au microcosme médiatique. Je ne pratique pas la langue de bois en tremblant de peur. Je ne suis pas comme ces politiciens stéréotypés qui jurent, la main sur le coeur, qu'ils n'agissent que pour le bien public, au détriment de leurs intérêts privés. Personne n'est dupe d'un tel discours. Moi, j'essaie de faire coïncider les deux. Et peu importe si les éternels grincheux font la grimace. Je suis entré en politique à un moment où j'avais obtenu, dans mes autres activités, suffisamment de satisfactions narcissiques pour ne pas en rechercher de nouvelles. Quant aux critiques et aux calomnies, j'en ai eu mon content. J'ai le cuir assez tanné pour ne plus craindre la malveillance des médiocres et des envieux.
G. W. G. - On vous reproche fréquemment d'utiliser votre prétendue philanthropie (installation d'un camp de réfugiés doté de tout le confort pendant la guerre du Liban, construction d'abris dans les villes bombardées, oeuvres de charité, etc.) à des fins personnelles...
A. G. - Je vous ai dit que j'avais le cuir tanné ! D'abord, je vous ferai remarquer que ceux qui m'adressent de tels reproches ne sont pas les malheureux qui ont profité de mon aide ou ceux qui aimeraient en bénéficier. Les gens simples savent, simplement, manifester leur reconnaissance. Appelez ça du populisme ou du paternalisme si vous le souhaitez ; cela m'est totalement égal. Les détracteurs auxquels vous faites allusion vivent tous dans les quartiers chics de Tel-Aviv ou de Saint-Germain-des-Prés et sont plus spécialisés dans le dénigrement facile que dans la générosité coûteuse. Ces gens-là ne m'aimeront jamais. Ne vous inquiétez pas : je survivrai.
Les responsables politiques qui ont été incapables d'assumer leurs devoirs élémentaires à l'égard des plus faibles sont les plus acharnés. Le plus drôle, c'est qu'ils finissent par m'imiter. Après m'avoir incendié, le gouvernement Olmert s'est enfin décidé à construire des abris dans la ville de Sderot (en tout cas, il l'a annoncé), constamment bombardée par le Hamas. Je suis ravi d'une émulation aussi spontanée...
Mon cas n'a rien d'exceptionnel : du baron Edmond de Rothschild à Moïse Montefiore, il a toujours existé une tradition philanthropique à l'égard de la terre d'Israël. Et, eux aussi, en leur temps, ont reçu leur tombereau d'injures... J'ajoute qu'il m'arrive très souvent de travailler dans la discrétion. Mais, de nos jours, les dons anonymes ouvrent la voie à tous les fantasmes financiers... Alors, laissons ricaner les ricaneurs et tous ceux qui rabaissent le débat à des questions triviales.
G. W. G. - Quelle est la situation de l'État d'Israël plus d'un an après le conflit contre le Hezbollah et le résultat décevant de l'intervention de Tsahal ?
A. G. - C'est de là que date mon engagement politique. Jusqu'alors, je n'avais pas pris conscience de la médiocrité du leadership israélien. Dans cette situation de crise, le gouvernement n'a pas su venir en aide à la population civile du Nord, totalement démunie et prise de court par les bombardements du mouvement islamiste. Il n'a pas pris, non plus, la mesure des enjeux : l'armée - dont les compétences ne sont pas en cause - a été précipitée, de manière totalement improvisée, dans une guerre qu'il était très difficile de remporter, ne serait-ce que sur le plan médiatique. Lorsque Tsahal touche les civils libanais, elle perd ; lorsque le Hezbollah touche les civils israéliens, il gagne ! Voilà comment la presse présente les choses.
Le problème, c'est qu'Israël a désormais perdu une grande partie de sa capacité dissuasive. Or c'est grâce à cette capacité dissuasive que, jusqu'à présent, nous pouvions éviter de mener des combats que nous n'avions pas les moyens démographiques, économiques, voire psychologiques de mener.
Je sais qu'il s'agit d'une nation extraordinairement difficile à diriger, avec un peuple difficile, un voisinage difficile, dans un contexte politique international difficile. Cela dit, et précisément parce que la partie qui se joue n'est pas un jeu, rien n'excuse un tel manque de préparation. Et je ne parle pas seulement de la décision du premier ministre Olmert de lancer des opérations militaires à la hâte, alors que la situation ne l'imposait nullement. Je fais également allusion à la manière, somme toute assez discutable, dont la ministre des Affaires étrangères a rempli sa mission. Je ne voudrais pas paraître blessant envers cette dame qui a un certain charme et un certain talent. Elle ferait une excellente ministre des Affaires étrangères de Belgique ou du Luxembourg. Mais ces deux pays ne voient pas leur existence et leur légitimité mises en question chaque jour. Israël est condamné à avoir les meilleurs représentants possible. On est, hélas, très loin du compte...
G. W. G. - Quel regard portez-vous sur votre pays ?
A. G. - Le même …
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