Entretien avec Stanley Fischer par Catherine Wajsman et Claire Elmaleh
Claire Elmaleh et Catherine Wajsman - Stanley Fisher, bien au-delà des frontières d'Israël, vous êtes reconnu et apprécié en tant qu'homme et en tant qu'expert. Comment êtes-vous devenu ce que vous êtes aujourd'hui ?
Stanley Fischer - Je dois dire que je me suis, depuis fort longtemps, intéressé à Israël. Après mon baccalauréat, j'ai passé six mois dans un kibboutz, et je suis allé étudier dans un oulpan (1). Ensuite, j'ai enseigné pendant une année sabbatique à l'Université hébraïque de Jérusalem. En 1985, lorsque Israël a entamé son programme de stabilisation, j'étais, aux États-Unis, conseiller économique de George Shultz (2). Grâce à ce poste, j'ai pu suivre de très près ce qui se passait en Israël. Il y a donc longtemps que je connais les principaux acteurs de la vie politique et économique israélienne. Depuis cette époque, j'ai visité Israël fréquemment, je venais au moins deux fois par an. J'ai toujours soutenu Israël. Lorsque l'on m'a proposé ce poste, je me suis dit qu'il s'agissait d'une occasion unique et je l'ai saisie.
C. E. et C. W. - Peut-on dire qu'en acceptant ce poste, vous avez, d'une certaine façon, accompli votre Aliyah ?
S. F. - Mon Aliyah est d'abord une magnifique opportunité qui m'a été offerte sous la forme d'un poste de gouverneur de la Banque centrale d'un merveilleux pays. Le caractère merveilleux de ce pays n'est pas toujours reconnu à l'étranger. Vous n'imaginez pas à quel point les rapports humains entre Israéliens sont exceptionnellement chaleureux et ne sont pas comparables à ce que nous connaissons ailleurs, aux États-Unis par exemple.
C. E. et C. W. - Avez-vous rencontré, dans vos nouvelles fonctions, des obstacles particuliers ?
S. F. - Lorsque je suis arrivé à ce poste, certains, pas trop nombreux heureusement, pensaient qu'il n'était peut-être pas approprié de faire venir un étranger. Ils pensaient qu'il existait certainement quelque part un Israélien - plutôt qu'un Américain - capable d'occuper cette fonction. Mais ces objections se sont tues rapidement. En tout cas, à ma connaissance... Je dois avouer que, au début, l'usage de l'hébreu me posait un problème. Quoi qu'il en soit, je me suis promis que je ne prononcerais aucun discours officiel et que je ne prendrais aucune position publique autrement qu'en hébreu. J'ai respecté cet engagement. Cet obstacle est beaucoup moins handicapant aujourd'hui. Parfois, je pense aux directeurs généraux successifs du Fonds monétaire international qui doivent travailler en anglais, au quotidien. Ce n'est pas toujours simple pour eux...
C. E. et C. W. - Pouvez-vous nous parler des relations entre le gouvernement israélien et le gouverneur de la Banque centrale ? À l'intérieur de l'institution, considérez-vous que le gouverneur a de larges pouvoirs ?
S. F. - Bien sûr. Il est de la prérogative de la Banque centrale et de son gouverneur de fixer les taux d'intérêt. De plus, en Israël, le gouverneur remplit la fonction de conseiller économique du gouvernement et cela est différent, à mon avis, du rôle des gouverneurs des Banques centrales de la plupart des autres pays développés.
En ce qui me concerne, je participe aux réunions du cabinet traitant des questions budgétaires. Malgré le fait que la loi de 1954 qui régit la banque centrale d'Israël ne garantisse pas son indépendance, le gouverneur, lui, est totalement indépendant. Je n'ai jamais subi, depuis que j'occupe ma fonction, de pression de qui que ce soit. Je pense donc que mon indépendance est bien préservée. Bien sûr, en Israël, tout le monde vous donne des conseils et tout le monde vous dit ce que vous auriez dû faire. Mais cela, c'est une autre histoire...
Le rôle d'un conseiller est toujours un rôle délicat. J'essaie de ne pas critiquer systématiquement le gouvernement en public. Un conseiller doit trouver un équilibre entre les critiques publiques qu'il émet et les responsabilités qu'il assume.
C. E. et C. W. - Peut-on vous classer parmi les grands argentiers ?
S. F. - Nous verrons, à la fin de mon mandat, si je peux me positionner ainsi.
C. E. et C. W. - Le changement de gouvernement Sharon/Olmert a-t-il entraîné de profondes différences dans l'exercice de vos responsabilités ?
S. F. - Non. En fait, c'est le premier ministre qui a changé. Le gouvernement, lui, est resté pratiquement le même.
C. E. et C. W. - Pensez-vous que votre fonction de gouverneur de la Banque centrale d'Israël exige des précautions particulières ?
S. F. - En Israël, l'une des raisons pour lesquelles le suivi du budget est absolument prioritaire est que notre dette n'est pas encore suffisamment réduite. Nous devons travailler et continuer dans cette direction, les développements géopolitiques exerçant évidemment une influence très particulière. Cela dit, le système fonctionne bien, à présent, avec des taux de change variables.
Il faut en permanence renforcer la flexibilité dans la gestion des mécanismes financiers, et permettre à l'économie d'absorber d'éventuels chocs extérieurs. Par exemple, ne pas faire preuve de rigidité dans une situation critique sur les marchés financiers et assurer la stabilité du contexte économique.
C. E. et C. W. - Quel est votre défi personnel à la tête de la Banque centrale ?
S. F. - En ce qui concerne la Banque centrale, nous nous trouvons à mi-chemin. Nous avons commencé une réforme interne importante. Nous voulons rendre la Banque plus efficace, plus intégrée dans l'économie globale. Nous espérons modifier la loi de 1954 et faire voter une nouvelle loi. Beaucoup d'aspects doivent être modifiés.
C. E. et C. W. - Peut-on vous interroger sur vos principales références intellectuelles dans le domaine de l'économie ?
S. F. - J'ai étudié à la London School of Economics où j'ai obtenu ma licence et ma maîtrise. Pour un jeune homme venu de Zambie et du Zimbabwe, il n'était pas habituel de partir pour les États-Unis. Il était plus classique d'étudier en Grande-Bretagne. J'y ai donc commencé mes études avant de les continuer en Amérique. Je dois dire que mes références essentielles remontent au Massachusetts Institute of Technology. J'y ai rencontré des professeurs comme Franco Modigliani …
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