LA CHINE ET LA LIBERTE

n° 120 - Été 2008

L'actualité chinoise a envahi nos écrans et nos journaux de façon inattendue depuis le mois de mars 2008. Troubles au Tibet, passage chaotique de la flamme olympique dans les capitales du monde entier, séisme au Sichuan... c'est peu dire que l'idée que le public se fait de la Chine devient plus complexe. Tentons de faire le point. Le comportement du gouvernement chinois a-t-il réellement évolué au cours de ces dernières années ? Si oui, cette évolution va-t-elle dans le bon sens ?Les enjeux des Jeux
Jusqu'au printemps 2008, la plupart de nos hebdomadaires, chaînes de télévision et autres magazines traitaient « le » sujet chinois, c'est-à-dire l'approche des Jeux olympiques de Pékin, de façon assez traditionnelle : un peu de politique, d'économie, de prospective, de reportages surprenants sur des phénomènes de société plus ou moins désolants... mais la polémique restait quasiment absente. Depuis une bonne dizaine d'années, un consensus s'était imposé : l'économie se développant à une vitesse exceptionnelle, les réformes politiques suivraient forcément et les inégalités criantes entre régions et individus se résorberaient plus ou moins naturellement. Face aux partisans de cette thèse, quelques organisations de défense des droits de l'homme s'évertuaient à dénoncer les violations qui, loin de s'atténuer à l'approche du mois d'août 2008, se multipliaient à un rythme inquiétant. Rassemblées à Paris sous le nom de Collectif Pékin JO 2008, une dizaine des principales associations françaises ou internationales - Amnesty International, la Ligue des droits de l'homme, la Fédération internationale des droits de l'homme, Reporters sans frontières et bien d'autres encore... - tentaient de se faire entendre depuis plus d'un an. Chacune des conférences de presse organisées par le Collectif se soldait par un échec relatif, puisque seuls des journalistes déjà convaincus s'y rendaient. Ses revendications n'étaient guère écoutées.
Puis la flamme olympique est passée par Paris, le 7 avril 2008, et l'événement a provoqué une véritable tornade médiatique. Replaçons l'affaire dans son contexte : partie d'Athènes quelques jours plus tôt, la torche olympique s'était déjà heurtée à des mouvements de colère à Londres et dans d'autres parties du monde. Ces protestations étaient directement liées à la répression brutale des manifestations qui se sont produites à Lhassa à partir du 10 mars. Plus que les revendications habituelles en faveur des droits de l'homme en Chine, c'est l'émotion du monde entier à la vue d'inhabituelles scènes de rue dans la capitale du Tibet - boutiques chinoises mises à sac ou brûlées, avant que des chars militaires n'envahissent les rues de la capitale tibétaine - qui explique la participation massive de la population aux rassemblements spontanés qui ont ponctué le parcours catastrophique de la flamme à Paris.
Inquiète des retombées négatives de ces actes qualifiés d'« anti-chinois » à Pékin, la présidence française a aussitôt dépêché des émissaires, MM. Poncelet et Raffarin, pour tenter de colmater la brèche et de calmer la fureur des citoyens chinois qui appelaient au boycott des magasins Carrefour ou de marques françaises comme Christian Dior et Louis Vuitton en Chine. Du jamais vu …