LA VRAIE NATURE DU POUVOIR IRANIEN

n° 120 - Été 2008

Depuis trois décennies, l'Iran ne cesse de focaliser l'attention internationale. Il est rare qu'une semaine s'écoule sans que ce pays fasse la Une de l'actualité. Ses dirigeants sont perpétuellement sous les projecteurs, leurs mots et leurs actions scrutés sous le microscope des analystes. Et pourtant, la logique qui sous-tend la politique iranienne demeure une énigme insaisissable. D'un côté, Téhéran cultive son image d'État révolutionnaire, chef de file des contestataires de l'ordre mondial ; de l'autre, il donne l'impression de vouloir devenir un pays comme un autre, intégré au sein des institutions qui fondent le statu quo. Prônant un jour le « dialogue des civilisations », appelant le lendemain à « rayer l'État juif de la carte », le discours de ses dirigeants oscille entre un cosmopolitisme mielleux et un âpre nationalisme, entre les sermons théocratiques et les envolées altermondialistes. D'une main, la République islamique pointe vers la paix et la stabilité au Moyen-Orient ; de l'autre, elle attise le brasier qui les rend impossibles. Du paradoxe de ces dignitaires anti-américains qui envoient leurs enfants étudier aux États-Unis aux mystères du programme nucléaire que les mollahs font miroiter dans toutes les directions, la politique iranienne regorge de contradictions dont on peut se demander si elles sont les symptômes d'une forme aiguë de schizophrénie ou si elles reflètent une volonté délibérée de cultiver l'ambivalence et de brouiller les pistes. Inventeurs de techniques de mystification intellectuelle comme le ketman (1), les Iraniens sont passés maîtres dans l'art de faire le contraire de ce qu'ils disent pour mieux obtenir ce qu'ils veulent. Ce qu'ils veulent, au-delà du nucléaire, d'un baril à 200 dollars et de la satellisation de l'Irak et du Liban, c'est faire de l'Iran une grande puissance dominant sa région et rayonnant dans le monde sur un pied d'égalité avec les poids lourds de l'arène internationale. Loin des dangereux fanatiques qu'on a bien voulu voir en eux, les maîtres de l'Iran sont de froids et brillantissimes calculateurs qui n'ont jamais cessé de réfléchir en termes de « grande stratégie », de « raison d'État » et de « maximisation du pouvoir ». Étranger aux considérations postmodernes qui guident désormais la politique des États occidentaux, l'Iran continue d'obéir à ces mêmes principes régaliens qui ont été engendrés en son sein... il y a plus de 5 000 ans. Un réflexe millénaire
Cette quête de grandeur plonge ses racines dans l'âme nationale iranienne. C'est elle qui a poussé les Achéménides et les Sassanides à rivaliser avec Athènes et Rome pour la domination du monde antique. C'est elle, encore, qui anime l'arrogant Xerxès lorsqu'il faisait fouetter les flots des Dardanelles coupables, selon lui, d'avoir englouti son armada. Cette éternelle prétention est une constante de l'Histoire qui, malgré les éclipses de la civilisation perse, continue d'habiter l'imaginaire collectif des Iraniens et de hanter les rêves de leurs dirigeants. Trente ans après les festivités données par le chah pour le 2 500e anniversaire de la fondation de Persépolis, l'ayatollah Khatami rappelait devant les ruines de Pasargades que …