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IDEES SIMPLES ET ORIENT COMPLIQUE

Thomas Hofnung - L'élection de Nicolas Sarkozy à l'Élysée a marqué un tournant dans la manière d'appréhender les problèmes du Proche-Orient. En particulier, son discours à la Knesset du 23 juin dernier a apporté la preuve d'un rééquilibrage de la diplomatie française en faveur de l'État d'Israël. Parviendra-t-il, selon vous, à triompher des pesanteurs pro-arabes du Quai d'Orsay ?
David Pryce-Jones - Les jeux ne sont pas faits. Si le chef de l'État a multiplié, au cours des derniers mois, les déplacements - en Tunisie, en Libye ou en Algérie - c'est bien pour tenter de maintenir le cap de la politique française. Toutefois, je note un changement intéressant : contrairement à ses prédécesseurs qui, depuis Charles de Gaulle, n'ont eu de cesse, vis-à-vis d'Israël, d'adopter une politique de distanciation, Nicolas Sarkozy, lui, a de la sympathie pour l'État hébreu. Les Israéliens ont désormais le sentiment que la France peut les écouter, et que Paris va participer au processus de paix de manière beaucoup plus constructive que par le passé.
T. H. - À vos yeux, la France jouera-t-elle toujours un rôle important dans la région ?
D. P.-J. - J'en suis convaincu. Par tradition, elle participe aux affaires du Moyen-Orient. Elle y a beaucoup d'amis, et de l'influence. Mais pour que cette influence se traduise en actes, elle devait rapidement changer de cap. Depuis de trop longues années, son rôle consistait surtout à s'opposer aux diverses initiatives diplomatiques. C'était une attitude incompréhensible, car, en agissant de la sorte, elle se mettait en dehors du coup. La France doit, au contraire, s'efforcer de créer une atmosphère de partenariat. Le Quai d'Orsay a régulièrement évoqué l'idée d'un tel partenariat au Proche-Orient,; mais, dans les faits, celui-ci excluait Israël. Vos diplomates ont tendance à considérer le monde arabe comme l'aire d'expansion naturelle de la France.
T. H. - En quoi et comment la France, avant Nicolas Sarkozy, s'opposait-elle aux initiatives de paix au Proche-Orient ?
D. P.-J. - Depuis de Gaulle, la France s'était toujours rangée du côté des dictateurs. En 1978, elle a pris position contre les accords de Camp David entre Sadate et Begin et, en 1993, contre les accords d'Oslo entre Rabin et Arafat. Plus près de nous, l'engagement de Jacques Chirac en faveur de Saddam Hussein aux Nations unies a rendu la guerre quasi inéluctable. Tout cela est lié à une vision fantasmatique des États-Unis.
T. H. - Vous écrivez, dans votre dernier ouvrage (1), que la diplomatie française n'a jamais cru fondamentalement en l'État d'Israël...
D. P.-J. - Pendant un siècle, la France a considéré que le sionisme allait à l'encontre de ses intérêts non seulement au Liban et en Syrie, mais aussi en Afrique du Nord. Du coup, elle a tout fait pour entraver le développement de l'État d'Israël, y compris - je viens d'en parler - en soutenant ouvertement les régimes les moins démocratiques de la région. Je vais vous faire une confidence : certains de mes amis diplomates français n'osent même pas exprimer en …