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LE HEZBOLLAH AUX PORTES DU POUVOIR ?

Singulière tentative de réconciliation nationale. Elle s'est faite sur la personne d'un tueur. Un tueur effroyable, l'assassin d'une fillette juive de quatre ans qu'il avait enlevée, puis achevée à coups de crosse lors d'un raid effectué en Israël. Pour ce meurtre, celui aussi du père de la victime et d'un officier de police israélien, perpétrés en 1979, Samir Kantar, un Druze libanais, alors combattant du Front de libération de la Palestine (FLP), avait été condamné à 542 ans de prison par la justice de l'État hébreu (1). Échangé le 16 juillet, sous l'égide du Comité international de la Croix-Rouge, en même temps que quatre miliciens du Hezbollah, contre les dépouilles de deux soldats de Tsahal (2), Kantar a aussitôt été accueilli à Beyrouth en « héros national du Liban». D'abord, par le Hezbollah, qui s'était battu bec et ongles pour que ce combattant - qui appartenait à une organisation palestinienne laïque - fasse partie de l'échange. Ensuite, à de très rares exceptions près, par l'ensemble de la classe politique libanaise, dont les principaux ténors issus des « forces du 14 mars » (la majorité gouvernementale anti-syrienne et pro-occidentale) sont pourtant à couteaux tirés avec le parti islamiste chiite. Les uns et les autres se sont donc retrouvés pour rendre un « hommage national » au tueur. Reçu en grande pompe par le premier ministre Fouad Siniora, Samir Kantar a également été salué par le nouveau président de la république, le général Michel Sleimane, différents dignitaires religieux et même par Walid Joumblatt - qui incarne habituellement tant bien que mal la résistance à l'emprise du Hezbollah sur le Liban; le leader druze s'est même senti obligé d'organiser une fête en l'honneur del'ex-prisonnier, certes druze lui aussi, mais qui, dès sa libération, a fait allégeance au Hezbollah auquel il doit, il est vrai, sa liberté retrouvée (3).
Bien sûr, ces embrassades ont surtout une portée symbolique. Elles témoignent cependant de la situation qui prévaut actuellement à Beyrouth : d'une part, de la faiblesse de la majorité anti-syrienne et a contrario de la montée en puissance du Hezbollah et de ses alliés de l'opposition, devenus aujourd'hui les acteurs dominants sur la scène intérieure ; de l'autre, contrairement à ce que cette fraternisation pour la libération d'un criminel de guerre pourrait laisser croire, de la menace toujours présente de la guerre civile. C'est donc pour conjurer ce spectre que les responsables politiques pro-occidentaux du pays y sont allés de leurs accolades avec Samir Kantar. Avec l'arrière-pensée de se concilier les bonnes grâces du Hezbollah.
Ce faisant, les dirigeants « du 14 mars » ont plutôt contribué à renforcer la tutelle du parti chiite sur le pays : c'est lui qui a négocié la libération des prisonniers, et non l'État libanais, ni a fortiori le gouvernement Siniora. Ils ont ainsi reconnu de facto le bien-fondé de sa cause et de sa politique dite de « résistance » envers Israël ; une politique que, formellement, ils se refusent à entériner dans le programme gouvernemental. Car le …