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L'HOMME QUI VEUT SAUVER ROME

Gianni Alemanno est né il y a 50 ans à Bari (Pouilles) où il a passé son enfance avant de suivre sa famille à Rome, à l'âge de douze ans. Après des études d'ingénierie environnementale, il se lance dans le journalisme et fonde le mensuel Area. Alemanno s'est frotté très tôt à la politique, militant activement dans l'organisation de jeunesse du Mouvement social italien (MSI, néo-fasciste). À deux reprises, il a eu des déboires avec la justice pour résistance aux forces de l'ordre et pour le jet d'un cocktail Molotov - un fait qu'il n'a jamais reconnu. Dans les années 1980, il devient secrétaire régional de ce mouvement, puis secrétaire national en 1988 - poste auquel il succède à Gianfranco Fini. Durant les trois années de son mandat, les jeunes fascistes se radicalisent dans leur critique du capitalisme sauvage et réaffirment la nécessité de définir des politiques nationales et sociales pour combattre la gauche. Élu au conseil régional du MSI en 1990, il participe cinq ans plus tard au sabordage du parti, qui se transforme en Alliance Nationale peu de temps avant l'arrivée de Silvio Berlusconi au pouvoir. En 1994, il est élu député dans le Latium.
Vif-argent, ne tenant jamais en place, Alemanno multiplie les initiatives : il lance des mouvements culturels, s'engage dans le volontariat, crée la fondation Nuova Italia qui propose une analyse critique de la société italienne. Réélu en 2001 à la Chambre des députés, il entre dans le deuxième gouvernement présidé par Silvio Berlusconi en qualité de ministre de l'Agriculture et des Forêts - un portefeuille qu'il conservera tout au long de la législature. Il deviendra aussi, pendant un temps, vice-président de l'Alliance Nationale avant de créer une association en hommage à Jean-Paul II. Aux élections municipales de 2006, il est confronté au maire sortant de Rome, Walter Veltroni. Le leader de la gauche est réélu avec 61,4 % des voix. Mais il démissionne deux ans plus tard pour se lancer dans la course à la présidence du Conseil. Il faudra attendre les municipales du 28 avril dernier pour qu'Alemanno, soutenu par l'ensemble de la « Maison de la Liberté », la coalition de Silvio Berlusconi, l'emporte largement, par 53,65 % des voix, sur son rival de gauche Francesco Rutelli, qui avait occupé le fauteuil de maire de Rome de 1993 à 2001.
R. H. Richard Heuzé - Le 28 avril dernier, vous avez été élu maire de Rome à une confortable majorité. À quoi attribuez-vous ce succès ? À votre charisme, aux idées de droite que vous professez, aux faiblesses de votre adversaire de gauche Francesco Rutelli ou à votre appartenance à la coalition de Silvio Berlusconi ?
Gianni Alemanno - Un succès électoral est toujours la résultante de plusieurs facteurs. S'agissant de mon élection à la mairie de Rome, le plus important était sans doute le besoin de changement. Après quinze ans de règne ininterrompu du centre gauche, les citoyens romains ont ressenti la nécessité de tourner la page. Ils aspiraient à une gestion plus sérieuse, plus concrète, inspirée par des valeurs de droite comme la légalité et la sécurité.
R. H. - Vous avez parlé de « victoire historique ». S'agit-il, selon vous, d'un événement purement local ou s'inscrit-il dans un contexte de reconquête de la droite à l'échelle européenne?
G. A. - Le basculement d'une capitale d'un camp politique dans un autre est un événement de portée nationale, voire internationale. Dans toutes les métropoles européennes, un vent de droite est en train de souffler. Partout, les citoyens ont envie d'une autre politique, plus attentive et qui épouse leurs préoccupations. Ma victoire est certainement à rapprocher de celle de Nicolas Sarkozy en France et de Boris Johnson à Londres. Les gens veulent un gouvernement plus moderne, plus pragmatique, à la hauteur des problèmes concrets qu'a fait surgir la mondialisation ; et, pour cette raison, il ne peut s'agir que d'un gouvernement enraciné dans les valeurs liées à l'identité nationale.
R. H. - Comment êtes-vous parvenu à concilier votre image actuelle de jeune politicien « battant » avec votre passé de secrétaire des Jeunesses néo-fascistes et avec vos convictions d'extrême droite ? Est-ce au prix d'un maquillage ou d'un repentir politique?
G. A. - Je n'étais pas secrétaire des « Jeunesses fascistes » mais de l'organisation des jeunes d'un parti démocratique, représenté au Parlement et ancré dans les réalités locales de mon pays ; un parti qui n'était pas nostalgique et qui avait rompu avec le passé il y a des décennies, comme l'a fait, par exemple, le Parti populaire de José Maria Aznar en Espagne. Je n'ai pas non plus des « convictions d'extrême droite »: j'ai toujours déclaré être contre tous les totalitarismes, de droite comme de gauche. Le paysage politique italien a profondément évolué au cours de ces vingt dernières années. Ce changement, qui a d'ailleurs coïncidé avec l'entrée en scène de Silvio Berlusconi en 1994, a poussé tous les acteurs politiques à revoir leur posture intellectuelle. Cela vaut pour Gianfranco Fini, mais aussi pour plusieurs ex-démocrates-chrétiens qui ont abandonné leurs positions centristes pour s'allier au centre droit ou au centre gauche (1). Cela vaut évidemment pour des personnalités de gauche comme Massimo D'Alema et Walter Veltroni, qui ont dû rompre avec le communisme. Moi-même je me suis résolument engagé en faveur d'une droite démocratique et européenne.
R. H. - …