Les Grands de ce monde s'expriment dans

POUR UNE CONSCIENCE CIVIQUE UNIVERSELLE

Entretien avec Prince Albert II de Monaco, Prince souverain de Monaco. A succédé à son père, le prince Rainier III, en avril 2005 par Jean-Jacques Lafaye, Collaborateur de la revue Politique Internationale depuis 1983

n° 121 - Automne 2008

Prince Albert II de Monaco Jean-Jacques Lafaye - Abordons d'un mot, Monseigneur, la question des médias, qui ont toujours accompagné la famille princière : quel regard portez-vous sur ce pouvoir grandissant dans le concert démocratique ?
SAS le Prince Albert II de Monaco - Avant toute chose, bon anniversaire ! Je voudrais féliciter votre revue pour l'éclairage précieux qu'elle apporte sur les enjeux internationaux et les personnages qui font l'Histoire. Je vous souhaite non seulement de célébrer comme il convient ce 30e anniversaire, mais de continuer à produire une revue d'aussi grande qualité et d'avoir toujours autant de succès dans les années à venir.
Pour revenir à votre question, je dirai simplement que le pouvoir des médias ne date pas d'aujourd'hui. Il s'est accru parce que la force des images est de plus en plus évidente, et que le développement des nouvelles technologies, notamment Internet, en démultiplie l'effet. Vous avez constaté comme moi qu'on peut tout dire, tout mettre sur Internet, y compris de petites vidéos très courtes mais dont l'impact et la diffusion sont très larges. Il faut savoir apprécier le rôle éducatif et informatif des médias. Les émissions de reportages, les grands débats sont toujours intéressants. Les nouveaux moyens de communication et la télévison permettent aussi de voyager, de s'évader par la connaissance et la découverte d'autres mondes, d'ouvrir une porte sur le rêve. Ce qui est dangereux, en revanche, et l'a toujours été, c'est lorsque les médias tentent de pénétrer dans la vie privée des personnes publiques. Ils se sont, vous le savez, largement intéressés à ma famille. Je le comprends, tout comme mes soeurs le comprennent, car nous jouons un rôle public, mais il ne faut pas tomber dans l'excès. Des inexactitudes, de fausses informations peuvent être propagées, qui sont difficilement acceptables. Je regrette cette attitude envahissante. Il n'y a pas de démocratie sans liberté de la presse, mais cette liberté devrait conduire à un plus grand respect de la vie de chacun. Dans mon cas personnel, je suis heureux de voir que je fais aussi parler de moi par mon action publique. Il aurait été dommage de rester uniquement cantonné dans les pages people !
J.-J. L. - Précisément, de quoi êtes-vous le plus fier après trois ans de règne ?
A. M. - Depuis que je suis arrivé au pouvoir, ma vision s'inscrit dans le prolongement de celle de mes ancêtres. Mon souci premier était de préserver ce qui fait notre spécificité et d'anticiper les grandes évolutions du monde pour les adapter aux besoins de notre population. Mon souci constant et celui de mon gouvernement est d'améliorer la qualité de vie de mes concitoyens. C'est la raison pour laquelle j'ai lancé plusieurs projets ambitieux qui, je l'espère, s'inscriront dans l'histoire de mon pays.
Je citerai d'abord le projet d'urbanisation en mer - une dizaine d'hectares gagnés sur la mer - qui est en cours d'élaboration et dont le choix définitif interviendra à la fin de cette année. L'objectif consiste à nous doter des infrastrutures indispensables à une croissance économique durable, en termes d'hébergement, d'immeubles de bureaux et d'espace tout simplement. Parmi d'autres initiatives, je soulignerai également la reconstruction et l'agrandissement du Centre hospitalier Princesse Grace, qui confortera à moyen terme sa position d'établissement de pointe, non seulement pour les Monégasques, mais également pour les populations des communes limitrophes.
Je n'oublie pas, évidemment, le lancement en 2006 de ma Fondation, dont l'objet, comme vous le savez, est d'agir en faveur de l'environnement et du développement durable. Je me consacre, enfin, au renforcement du statut international de la Principauté en accentuant son ouverture sur le monde.
J.-J. L. - Vous avez évoqué la France : quels ont été les retombées de la visite officielle à Monaco du président Sarkozy ?
A. M. - Cette visite - la première - du président Sarkozy, quelques mois seulement après sa prise de fonctions, témoigne du lien d'amitié fort qui existe entre la Principauté et la France. Elle a été l'occasion, pour lui et pour moi, de nous retrouver, d'échanger des idées et de constater que beaucoup de choses nous rapprochent. Le président Sarkozy a annoncé la ratification des accords sur les conventions franco-monégasques. Ces accords portent notamment sur la coopération administrative, l'entraide judiciaire et la garantie des investissements. Nous avons également, à l'occasion d'un forum sur ce sujet, esquissé ensemble un tableau des actions qui pourraient être conduites en matière environnementale dans l'espace méditerranéen. Ces discussions se sont déroulées dans un climat de grande confiance et, encore une fois, de grande amitié. Je crois sincèrement qu'avec le président Sarkozy, grâce à son implication, son dynamisme et son empathie, une nouvelle impulsion a été donnée aux relations entre nos deux pays.
J.-J. L. - Autre signe de confiance : le choix du ministre d'État qui dirige votre gouvernement sera désormais effectué sur proposition du Prince alors que, jusqu'à présent, ce choix relevait des autorités françaises.
A. M. - Nous avons, en effet, procédé à la révision de certains accords qui commençaient à dater. C'est une nouvelle étape pour le chef d'État que je suis, qui dispose d'une plus grande liberté de choix dans la désignation des principaux responsables de l'administration de la Principauté. Il n'y a plus d'obligation de faire appel à des fonctionnaires français ; ils peuvent être monégasques ou d'autres nationalités. Je me réjouis de cette réforme.
J.-J. L. - Les banques monégasques ont autrefois fait l'objet de soupçons dans le cadre de la lutte internationale contre le blanchiment de l'argent sale. Qu'avez-vous entrepris pour réconcilier les atouts d'un prétendu « paradis fiscal » et la transparence ?
A. M. - J'aimerais tout d'abord répéter, avec force et une fois pour toutes, que Monaco n'est pas un paradis fiscal. Et cela, pour deux raisons bien établies. 1°) le budget de l'État de la Principauté est alimenté aux trois quarts par les recettes de TVA, qui sont directement liées à l'activité économique. Il n'y a donc rien de mystérieux dans nos finances ; 2°) s'agissant de la lutte contre le blanchiment d'argent et le …