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QUAND JE SERAI PREMIER MINISTRE...

Entretien avec Benyamin Netanyahou, Ministre des Finances d'Israël depuis février 2003 par Gilles-William Goldnadel

n° 121 - Automne 2008

Benyamin Netanyahou Gilles-William Goldnadel - Le Likoud n'a obtenu que 10 % des voix lors des dernières élections législatives, tenues en mars 2006. Deux ans et demi plus tard, votre parti est le grand favori du prochain scrutin. Comment expliquez-vous l'échec de 2006 et le retour en grâce de 2008 ?
Benjamin Netanyahou - Ces trois dernières années, l'opinion publique s'est considérablement rapprochée des thèses du Likoud. Pour deux raisons.
Tout d'abord, les citoyens estiment désormais, dans leur majorité, que la politique de retrait unilatéral des territoires conquis lors de la guerre des Six-Jours représente une menace pour la sécurité d'Israël. Avant les élections de 2006, nous avions déclaré que le désengagement unilatéral de Gaza avait affaibli la sécurité de notre pays et ne ferait que renforcer des organisations terroristes palestiniennes telles que le Hamas. De plus, nous affirmions qu'un retrait unilatéral de Cisjordanie - une solution en faveur de laquelle militait alors le parti Kadima - mettrait tout le territoire d'Israël en danger.
Il nous apparaissait clairement que l'Iran, via les groupes terroristes qu'il soutient, avait désormais une frontière commune avec Israël aussi bien au nord (après le retrait unilatéral du Liban en 2000) qu'au sud (suite à notre retrait unilatéral de Gaza en 2005). Malheureusement, tous ces avertissements n'ont pas été entendus à ce moment-là. Mais, quelques mois plus tard à peine, lors de la guerre israélo-libanaise de l'été 2006, 4 000 roquettes ont été tirées sur la Galilée à partir du Liban. La plupart des Israéliens ont alors compris à quel point le désengagement unilatéral était synonyme de risque pour leur sécurité.
G.-W. G. - Quelle a été l'autre raison qui a incité les électeurs à se tourner de nouveau vers votre parti ?
B. N. - La situation économique. Comme vous le savez, j'ai occupé de 2003 à 2005 le poste de ministre des Finances. J'ai lancé une série de réformes radicales visant à libéraliser le marché. C'était indispensable pour prévenir un effondrement financier et pour placer l'économie israélienne sur le chemin d'une croissance solide et garantie pour des années. Mes réformes n'étaient pas seulement destinées à libéraliser notre économie et à stimuler la croissance : elles avaient également pour but d'inciter tous les citoyens en état de travailler à s'engager sur le marché de l'emploi. Ainsi, l'État pouvait concentrer son aide sur ceux qui en avaient le plus besoin. Pour mener ces réformes à bien, nous avons dû procéder à des coupes pénibles dans les aides sociales.
Au moment des élections de 2006, l'impact positif de ces décisions ne s'était pas encore fait pleinement sentir. Mais, aujourd'hui - après cinq années de croissance robuste couronnées par une baisse sensible du taux de chômage, un nombre record d'Israéliens détenant un emploi et une dette nationale qui fond à vue d'oeil -, l'opinion publique s'est mise à apprécier à sa juste mesure l'efficacité de notre politique économique. Bref, si le Likoud a été puni en 2006 pour avoir suivi cette ligne rigoureuse, il en retire aujourd'hui les dividendes dans les sondages qui le gratifient d'une confortable avance sur ses adversaires.
Plus généralement, les Israéliens souhaitent avoir des leaders déterminés, aptes à relever les immenses défis auxquels le pays est confronté. Et ils savent que nous sommes prêts à assumer ce leadership et à prendre toutes les décisions politiquement difficiles, voire impopulaires, pour servir les intérêts de nos concitoyens.
G.-W. G. - Le gouvernement d'Ehoud Olmert - qui a récemment démissionné - était une coalition regroupant Kadima, les travaillistes, Israel Beitenou, le Shas et le Parti des retraités. Face à cet assemblage hétéroclite, le Likoud apparaissait comme l'unique parti d'opposition de grande envergure. Cette répartition des rôles vous semble-t-elle logique ? Qu'est-ce qui vous rapproche de ces partis et qu'est-ce qui vous en distingue ?
B. N. - Cette situation est due à notre complexe système électoral qui favorise la prolifération des petits partis. Même si quelques-unes de ces formations partagent certaines options avec le Likoud, la différence essentielle réside dans le fait que nous sommes un parti de gouvernement qui a dirigé le pays pendant la plus grande part des trois dernières décennies. Nous ne nous contentons pas de défendre des intérêts particuliers très précis : nous mettons en avant une vaste plate-forme susceptible d'unir la majorité de nos compatriotes.
D'un point de vue idéologique, nous nous situons au centre droit. Notre objectif premier consiste à garantir la sécurité d'Israël. Tout en acceptant de faire des concessions au nom de la paix - comme l'a montré Menahem Begin, à l'époque leader du Likoud, en acceptant de faire la paix avec l'Égyptien Anouar el-Sadate -, nous considérons que seul un Israël fort et assuré de sa sécurité peut établir une paix réelle avec ses voisins. Par surcroît, nous sommes déterminés à persévérer dans les réformes de marché et à transformer profondément le système éducatif du pays, qui affiche un déclin inquiétant.
G.-W. G. - Quel jugement portez-vous sur le Hamas ? Certains estiment que, à présent qu'il a reçu l'onction des urnes, il devrait être considéré comme un interlocuteur valable dans la mesure où « l'on ne peut faire la paix qu'avec ses ennemis »...
B. N. - Le Hamas est un mouvement terroriste par excellence. Il s'est donné pour but ultime la destruction d'Israël, et il est prêt à employer les pires moyens pour y parvenir. Qu'il ait gagné les élections n'y change rien. Hitler aussi est arrivé au pouvoir à l'issue d'un processus électoral. Cela signifie-t-il qu'il fallait négocier avec lui ? Et que la Résistance française n'aurait pas dû s'opposer à lui quand il a occupé la France ?
Quant à l'idée qu'« on ne fait la paix qu'avec ses ennemis », elle est tout simplement erronée. On fait la paix non pas avec ses ennemis, mais avec ses ex-ennemis ! Avant de faire la paix, votre ennemi doit renoncer à vous détruire. S'il s'y refuse - comme l'a toujours fait Yasser Arafat -, alors le processus de paix qu'il prétend soutenir n'est qu'une diversion tactique destinée …