Entretien avec
Vladimir Voronine, Président de la République de Moldavie depuis 2001
par
Mehdi Chebana
n° 123 - Printemps 2009
Mehdi Chebana - Qu'est-ce qui a changé, en Transnistrie, depuis que vous avez accédé au pouvoir en 2001 ? Vladimir Voronine - D'un point de vue strictement politique, nos prédécesseurs ont négligé le principe d'intégrité territoriale qui est pourtant inscrit dans la Constitution depuis 1994. Lorsque nous sommes arrivés au pouvoir en 2001, la population était très divisée sur la question de la Transnistrie, certains ne voyant pas la nécessité de conserver cette région dans le giron moldave. Il nous a donc fallu mener tout un travail de sensibilisation auprès des gens pour qu'ils comprennent que notre pays ne pouvait pas se permettre d'être amputé d'une partie de son territoire. Finalement, nous sommes parvenus à un consensus national à ce sujet. En 2007, le Parlement de Chisinau a voté à l'unanimité - je dis bien à l'unanimité - le projet de loi proposant à la Transnistrie un statut d'autonomie au sein de l'État moldave. Les choses ont également changé dans d'autres domaines. Par exemple, nous avons contraint les autorités séparatistes à lutter contre le blanchiment d'argent, la contrebande, le trafic d'armes, de drogue et de marchandises... Pour la première fois, nous avons proposé que l'Union européenne mette en place des contrôles à la frontière entre la Moldavie et l'Ukraine sur le territoire transnistrien (1). Avant 2001, treize entreprises basées en Transnistrie importaient des armes pour alimenter les zones de conflit du monde entier. Nous avons mis un terme à ce trafic. Par ailleurs, nous avons tendu la main aux habitants de Transnistrie, sans aucune restriction. Nous avons délivré plus de 340 000 passeports moldaves pour les résidents du territoire séparatiste. Nous avons également soutenu de nombreux projets humanitaires sur place. 8 000 jeunes originaires de Transnistrie étudient actuellement à Chisinau. Ils ont accès à notre marché du travail et bénéficient des mêmes droits que les citoyens moldaves. Chisinau leur ouvre ses portes. Sur le plan économique, d'énormes progrès ont également été accomplis. En janvier 2009, 505 entreprises transnistriennes ayant développé leur activité en Moldavie étaient enregistrées dans nos Chambres de commerce. Il n'y en avait aucune en janvier 2001 ! Chacun y trouve son compte : nous pouvons contrôler ce qu'elles font et elles peuvent commercer librement avec les autres pays de la région. Malheureusement, cette ouverture économique n'est pas réciproque : la Transnistrie, elle, ne tolère aucune entreprise moldave sur son sol. Les banques, non plus, ne peuvent pas s'installer sur le territoire séparatiste. De plus, les citoyens moldaves paient une taxe pour entrer en Transnistrie, ce qui n'est évidemment pas normal. M. C. - Fin février, vous avez reçu le ministre russe des Affaires étrangères, Sergeï Lavrov. Quels enseignements tirez-vous de cette rencontre ? Où en sont les négociations sur le statut de la Transnistrie ? V. V. - La Transnistrie n'est pas notre unique préoccupation, vous savez ! C'était la première fois qu'un ministre russe des Affaires étrangères se rendait à Chisinau depuis l'indépendance de la Moldavie. Sergeï Lavrov et moi-même en avons profité pour évoquer toutes les questions relatives aux relations diplomatiques entre nos deux pays. Nous avons fait le bilan des projets que nous avons menés ensemble et des accords bilatéraux que nous avons signés. Nous avons aussi abordé les principaux dossiers en cours. Voilà le cadre général dans lequel nous nous sommes rencontrés. Mais, bien entendu, il a également été question de la Transnistrie. À ce propos, Sergeï Lavrov a rappelé que la Fédération de Russie continuerait de participer activement au processus de négociation aux côtés de l'Union européenne, des États-Unis, de l'Ukraine et de l'OSCE. Il a ajouté que Moscou continuerait de favoriser notre dialogue avec les autorités transnistriennes (2). De notre côté, nous n'avons pas de nouvel élément à mettre sur la table des discussions. Nous nous en tenons à notre projet de loi qui propose un statut juridique spécifique pour la Transnistrie au sein de l'État moldave. En 2007, comme je vous l'ai dit, le texte a été voté à l'unanimité au Parlement puis transmis à l'ensemble des participants au processus de négociations. Les États-Unis s'y sont montrés très favorables, tout comme l'Union européenne, l'Ukraine et l'OSCE. Il ne nous manque que l'avis de Moscou. J'ai donc demandé à Sergeï Lavrov de nous communiquer le plus rapidement possible la position de la partie russe. Quant aux autorités de Tiraspol, elles sont clairement hostiles au projet. Elles ne veulent pas entendre parler d'un statut d'autonomie au sein de l'État moldave. M. C. - L'été dernier, la République de Moldavie ne s'est pas exprimée sur l'intervention russe dans les régions sécessionnistes d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud. Pourquoi les autorités de Chisinau se sont-elles montrées si discrètes ? V. V. - Mais si, nous nous sommes exprimés ! Nous avons publiquement déclaré que, d'une part, nous ne soutenions pas l'indépendance de ces deux provinces géorgiennes et que, d'autre part, nous n'approuvions pas l'usage de la force dans ce conflit. Il est vrai que nous étions mal placés pour mettre de l'huile sur le feu compte tenu du différend qui nous oppose aux autorités de Tiraspol (3) ! Pour nous, la défense de l'intégrité territoriale ne saurait justifier le recours aux armes. D'ailleurs, après huit ans passés à la tête de l'État, je peux vous dire que ma plus grande victoire est d'avoir empêché le sang de couler à nouveau en Transnistrie. M. C. - Courant avril, la République de Moldavie a comparu devant la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) au sujet de l'affaire « Ribnita ». Pour rappel, les édiles de cette ville transnistrienne avaient interdit l'usage de la graphie latine dans les lycées au profit du cyrillique. Pourquoi Chisinau devrait-elle répondre des décisions des autorités séparatistes ? V. V. - C'est comme ça, nous n'y pouvons rien. C'est la procédure de la CEDH. Au-delà de cette affaire, il est clair que le conflit transnistrien nuit à l'image de la Moldavie. Nous avons fait de notre mieux pour expliquer au monde ce qui se passe chez nous. Nous avons multiplié les visites …
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