Entretien avec
Ramzan Kadyrov
par
Nathalie Ouvaroff
n° 123 - Printemps 2009
Nathalie Ouvaroff - Voilà déjà deux ans que vous exercez les fonctions de président de la république de Tchétchénie. Quelles ont été les priorités de votre action et quelles sont-elles aujourd'hui ? Ramzan Kadyrov - Depuis mon arrivée à la présidence de la République, je me suis consacré au bien-être et à la prospérité de la population. J'ai une énorme responsabilité devant Dieu, devant les autorités fédérales et devant la mémoire de ceux qui sont tombés pour la paix et la tranquillité de la terre tchétchène. Nous avons tous une dette envers ceux qui ont donné leur vie au nom de l'avenir radieux de leur patrie. Nous en avons également une envers nous-mêmes, pour toutes ces années perdues dans le chaos d'une guerre fratricide. À présent, le peuple reconstruit son pays dans un élan unanime. Travailler à cette reconstruction : telle est ma priorité. N. O. - À l'heure actuelle, la république est-elle complètement pacifiée ? R. K. - Je veux d'abord rappeler que nous avons payé le prix fort pour la paix dont nous jouissons actuellement. Je peux dire, sans exagérer, que notre peuple était à deux doigts de disparaître. Plusieurs centaines de milliers de personnes ont été tuées au cours des deux guerres. En quinze ans, le pays a perdu un quart de sa population. Rendez-vous compte : il n'y a pas un foyer dans notre république qui n'ait eu à déplorer la perte d'un frère, d'un père, d'une épouse ou d'un enfant tombés dans les combats ou sauvagement assassinés par les bandits. Les Tchétchènes ont décidé eux-mêmes de leur avenir, au cours d'un référendum national. Ce choix leur a coûté très cher et je peux vous assurer que je ne laisserai personne manipuler les masses ni jouer avec la destinée de la population. Les gens ont compris que la paix et le travail sont beaucoup plus productifs que la guerre. Désormais, nous allons montrer au monde que nous savons construire et nous développer. Croyez-moi, nous sommes en paix, et pour longtemps ! N. O. - Quelles sont les mesures que vous avez prises pour sauvegarder la paix et la stabilité dans la république ? R. K. - Je peux vous dire sans l'ombre d'une hésitation que la Tchétchénie est la région la plus sûre de tout le Caucase du Nord. Notre peuple veut mener une vie calme et paisible. Aujourd'hui, dans notre république, il n'y a pratiquement pas d'acte terroriste et le nombre de crimes de sang est infime. Comment y sommes-nous parvenus ? Eh bien, tout simplement en faisant en sorte que les différentes forces de maintien de l'ordre travaillent en étroite collaboration et qu'elles résolvent ensemble les questions de sécurité. Il est indéniable que cette collaboration a porté ses fruits. N. O. - Combien reste-t-il de rebelles ? Constituent-ils encore une menace pour la stabilité de la Tchétchénie? R. K. - Je ne peux pas vous dire exactement quel est leur nombre. En revanche, je peux vous certifier qu'ils ne représentent absolument rien. Ils n'ont ni potentiel militaire ni appui politique. C'est un ramassis de bandits et de preneurs d'otages au sein duquel on trouve des assassins dont les mains sont couvertes de sang jusqu'aux coudes et des mercenaires payés par des puissances étrangères. Croyez-moi, leur temps est compté ! N. O. - On appelle les membres de votre garde rapprochée les « kadyrovtsy ». Combien sont-ils ? Comment collaborent-ils avec les forces fédérales ? Quel est le rôle des bataillons « Vostok » et « Zapad » (1) ? R. K. - Les « kadyrovsty », comme vous dites, sont en général des jeunes ; ils se composent de membres de ma famille, d'habitants de mon village, des fils et des frères de mes compagnons morts au combat. Ce sont, malgré leur jeunesse, des professionnels de haut niveau. Ils collaborent étroitement avec les forces fédérales et locales de sécurité. Ce terme de « kadyrovtsy » est en fait appliqué à toutes les personnes qui font partie de l'« équipe de Kadyrov ». À ce propos, je voudrais ajouter que je ne comprends pas bien les arrière-pensées de certains médias qui donnent au mot « kadyrovtsy » une connotation négative. L'« équipe de Ramzan Kadyrov » a prouvé sa loyauté vis-à-vis tant de la Fédération de Russie que de la nation tchétchène. Quant aux bataillons « Vostok » et « Zapad », ils continuent d'accomplir leur tâche en tant que troupes relevant du ministère de l'Intérieur. N. O. - On dit que les « kadyrovtsy » sont d'anciens séparatistes qui ont été amnistiés. Quelle est leur attitude face à la Russie ? Selon de nombreux observateurs, ils ne seraient loyaux qu'envers vous seul... R. K. - Tout d'abord, il faut bien préciser que nous avons amnistié les séparatistes, mais pas les extrémistes religieux ni les terroristes. Les séparatistes sont des personnes dont les espoirs les plus chers ont été foulés aux pieds par une poignée de traîtres. Mais l'immense majorité d'entre eux ont toujours souhaité le bien de leur peuple. Maintenant, la situation est différente. La seconde guerre de Tchétchénie a été provoquée afin de détruire la Russie en tant qu'État souverain. Les séparatistes se sont alors retrouvés entre le marteau et l'enclume. D'un côté, la Russie ; de l'autre, les wahhabites... Que fallait-il faire, tuer tous les séparatistes jusqu'au dernier ? Pour ma part, j'estime que l'amnistie des membres des forces séparatistes n'ayant pas commis d'atrocités était la seule solution possible et sage. Dans ce cadre, des centaines d'hommes sincères - j'insiste sur ce point : sincères - et honnêtes ont eu la possibilité de retrouver une vie paisible. D'ailleurs, par la suite, nombre d'entre eux ont rejoint les « structures de force » de la république, au sein desquelles ils ont démontré leur fidélité à l'égard de leur peuple et de la Russie, qu'ils servent loyalement. Des centaines de ces patriotes ont été décorés et quelques dizaines sont, hélas, tombés dans les combats contre les wahhabites. N. O. - Vous-même et votre père …
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