Les Grands de ce monde s'expriment dans

POUR UNE « PAIX ECONOMIQUE »

par Benny Cohen

Benny Cohen - Le programme nucléaire iranien constitue une menace permanente pour la sécurité d'Israël. L'idée d'une frappe préventive contre les installations de Téhéran vous semble-t-elle envisageable ?
Avigdor Lieberman - Il n'est pas question qu'Israël bombarde l'Iran. Le nucléaire iranien ne concerne pas qu'Israël : c'est un problème pour le monde entier, et en tout cas pour l'ensemble du Proche-Orient. Il n'est pas question que nous le réglions seuls. Je sais que des rumeurs circulent sur la profonde inquiétude qu'inspirerait aux Israéliens la politique iranienne du président Obama. Je voudrais profiter de cet entretien pour les rassurer : nous sommes très optimistes quant aux orientations de la nouvelle administration américaine. J'ai confiance dans le leadership de Barack Obama et je suis persuadé qu'il réussira à rassembler une large coalition internationale pour isoler le régime des mollahs. Compte tenu de l'état de délabrement de l'économie iranienne, il n'est pas exclu que cette politique d'isolement finisse par porter ses fruits. Obama a offert à Téhéran sa toute dernière chance de renouer avec la communauté internationale, de revenir sur le droit chemin et de changer de voie.
B. C. - Comment caractériseriez-vous votre parti ? On le dit laïque, exclusivement tourné vers la communauté israélienne russophone. Êtes-vous d'accord avec cette définition ?
A. L. - Israël Beiténou est une formation démocratique et sioniste qui croit en la pérennité de l'État d'Israël en tant qu'État juif et démocratique. Contrairement aux idées reçues, je ne considère pas mon parti comme un parti laïque car, selon moi, Israël n'existe qu'en tant qu'État juif. Je suis profondément démocrate mais s'il existe une contradiction entre le caractère juif et le caractère démocratique de l'État, alors c'est l'identité juive qui l'emporte. De toute façon, je m'oppose à ce qu'on nous accole une étiquette : nous ne sommes pas un parti russe ; nous nous adressons à toutes les franges de la population, même si, à l'origine, nous nous sommes présentés comme un parti de nouveaux immigrants. Aujourd'hui, parmi nos quinze députés, nous avons plusieurs sabras, qui siègent aux côtés d'Israéliens de fraîche date. Nous sommes un parti qui prône le pluralisme, mais un pluralisme qui, je le répète, respecte le caractère juif de l'État d'Israël. Quant aux autres partis de droite, ils ont encore beaucoup à apprendre d'Israël Beiténou ! Les formations qui se réclament de la tendance nationale-religieuse ont perdu des voix aux dernières législatives parce qu'elles ne proposaient aucune alternative. Nous, en revanche, nous avons un programme pour régler le conflit israélo-palestinien. C'est ce qui explique notre progression constante au sein de l'électorat.
B. C. - Parlons de ce programme, justement. Vous préconisez un retour à la « feuille de route » de l'ex-président américain George W. Bush alors que tout le monde - y compris les Américains - semble l'avoir jetée aux oubliettes de l'Histoire. Pourquoi ?
A. L. - Parce que c'est le seul document qui sauvegarde les intérêts israéliens. Le processus d'Annapolis, lui, prévoit le retour aux frontières de 1967. Il n'apportera ni la paix, ni la sécurité, ni la fin du conflit mais plutôt l'importation du conflit à l'intérieur des frontières de 1967.
J'estime - et je suis, sur ce sujet, en complet accord avec Benyamin Netanyahou - que la première étape d'un processus de paix doit être la « paix économique ». Là encore, le président Barack Obama peut contribuer à changer le cours des choses. Le conflit doit trouver une solution dans le cadre d'un processus global, qui impliquerait non seulement les États-Unis mais aussi les États arabes. Il faut renforcer l'économie palestinienne et investir dans ses infrastructures afin que cette région se dote d'une industrie puissante. Israël est prêt à participer à cet effort. Mais attention : il n'est pas question de suivre le modèle européen. Depuis des années, l'UE verse des sommes colossales à l'Autorité palestinienne sans vérifier à quoi sont réellement utilisés ces centaines de millions d'euros. Jusqu'à présent, l'argent donné aux Palestiniens n'a servi qu'à financer le terrorisme. Si l'AP veut obtenir un soutien économique qui l'aidera à se développer et à créer une économie saine, elle devra non seulement accepter formellement et officiellement le caractère juif de l'État d'Israël mais, également, effacer de ses manuels scolaires toute incitation à la haine envers Israël et les Juifs, s'engager à désarmer les milices du Hamas, du Fatah et du Djihad islamique ; et cesser toute activité terroriste. Nous ne pouvons aider que ceux qui veulent bien être aidés...
B. C. - Êtes-vous prêt à des concessions ? Seriez-vous disposé à évacuer votre localité de Nokdim, dans le Goush Etsion (3), si c'était le prix à payer pour la paix ?
A. L. - Il est évident que nous devrons, à un moment ou à un autre, démanteler certaines implantations situées au-delà de la ligne verte. J'ai grandi dans une maison emplie des valeurs du Beitar (4) et j'ai retenu une leçon des écrits de Jabotinsky (5) et de ceux de Menahem Begin : si l'on doit choisir entre rassembler tout le peuple juif sur une même terre ou posséder toute la terre d'Israël mais y coexister avec des non-Juifs, c'est la première option qui doit prévaloir. De toute manière, il serait prématuré, à ce stade, d'envisager la moindre évacuation puisque les Palestiniens n'ont pas encore rempli leur part du contrat, notamment le démantèlement des cellules terroristes et la fin de l'incitation à la violence. Même l'évacuation des localités illégales - ou des « implantations sauvages », comme on les appelle - qu'Ariel Sharon s'était engagé à détruire en 2002, n'est pas d'actualité. Ce genre de politique doit s'inscrire dans un plan général et non participer d'une vision à court terme. On essaie de présenter l'installation des Juifs dans les localités de Judée et de Samarie comme le seul obstacle à la paix. C'est entièrement faux ! Il faut rappeler ce qui se passait dans notre région avant 1967 ! Les implantations n'existaient pas mais le terrorisme sévissait quand même ! Les raisons du conflit ne sont pas …