Entretien avec
Abdullah Ben Ahmad al-Attiyah, Premier ministre adjoint du Qatar. Ministre de l'Énergie et de l'Industrie.
par
la Rédaction de Politique Internationale
n° 125 - Automne 2009
Politique Internationale - Certains pays producteurs sont trop dépendants des revenus tirés du pétrole et/ou du gaz. Ce qui freine le développement des autres secteurs de l'économie, pousse l'inflation vers le haut et la compétitivité vers le bas. D'autres pays producteurs, à l'inverse, échappent à ce piège et mettent en oeuvre de vraies stratégies de développement à long terme - avec, comme résultat, une économie compétitive et diversifiée. Monsieur le Ministre, que peut être une bonne stratégie de développement pour un pays comme le vôtre ? Abdullah Bin Ahmad Al-Attiyah - Tout pays producteur de pétrole et de gaz aspirant à l'équilibre économique doit chercher à transformer la richesse financière tirée des hydrocarbures en biens publics durables. Pour cela, il est nécessaire de coordonner plusieurs éléments essentiels et, tout d'abord, de renforcer le capital humain du pays en formant une main-d'oeuvre hautement qualifiée et productive, capable de répondre aux exigences d'une économie diversifiée. Il est donc crucial d'ouvrir l'accès à des établissements d'enseignement de niveau international, à un environnement scientifique de haute qualité, à des programmes universitaires portant sur de multiples secteurs économiques et à la formation professionnelle. Deuxièmement, une économie équilibrée repose sur un secteur privé solide, capable de saisir les occasions d'investissement. De leur côté, les gouvernements doivent mettre en place des mesures incitatives susceptibles d'attirer les capitaux. Troisièmement, les gouvernements doivent favoriser un climat économique sain en créant une économie de marché fondée sur un cadre réglementaire approprié. Dans le contexte de mondialisation de l'économie qui est le nôtre, si nous voulons réussir à long terme, nous devons accroître notre compétitivité et encourager les investissements. Quatrièmement, le gouvernement doit élaborer un ensemble de politiques monétaires et fiscales afin d'assurer une croissance économique stable qui évite toute surchauffe et qui garantisse un faible taux d'inflation sur la durée. Enfin, il est indispensable de définir des politiques publiques fondées sur la transparence et la responsabilité. Grâce à la clairvoyance de ses dirigeants et aux orientations qu'ils se sont fixées, le Qatar a connu, en dix ans, une modernisation spectaculaire dans tous les domaines. P. I. - Quels sont les facteurs qui incitent un gouvernement à adopter une telle stratégie ? A. A. - Les pays exportateurs de pétrole et de gaz sont exposés à la volatilité des cours et aux effets néfastes de la fluctuation des revenus d'exportation sur leur économie. La nécessité de mettre en place une économie viable et mieux équilibrée est sans doute le facteur décisif qui incite un gouvernement à définir les stratégies qui lui permettront de ne plus être tributaire d'une seule matière première. Une telle stratégie doit viser à réduire la dépendance à l'égard des hydrocarbures et à créer une industrie compétitive dans d'autres secteurs. P. I. - Quelles peuvent être les difficultés rencontrées? A. A. - La stratégie de développement national du Qatar est un outil qui permet de transposer la vision du pays dans la réalité ; ce processus doit tenir compte du contexte local et international sans perdre de vue les objectifs à long terme. Les difficultés peuvent surgir dans tous les domaines, de l'élaboration des systèmes d'éducation et de protection sociale à la satisfaction de la demande en eau et en énergie. Un gouvernement avisé devra composer avec tous ces facteurs pour favoriser les intérêts de sa population et atteindre les objectifs généraux du développement. P. I. - Quel rôle les fonds souverains peuvent-ils jouer ? A. A. - Les fonds souverains se sont retrouvés au centre de toutes les attentions il y a quelques années, lorsque la hausse des prix du pétrole a permis à bon nombre de pays producteurs de tirer de leurs exportations des revenus considérables. Certains ont réalisé, via les fonds souverains, d'importants investissements à l'étranger, aussi bien dans des entreprises industrielles que dans des institutions financières, devenant ainsi des intervenants majeurs sur les marchés financiers internationaux. Selon les cas, les fonds souverains poursuivent des objectifs très variés. Ils peuvent contribuer fortement à la diversification des recettes de l'État, notamment dans le cas d'une économie exportatrice de matières premières. En outre, à condition d'être correctement gérés, les fonds souverains peuvent réduire la vulnérabilité des revenus d'un pays aux fluctuations des cours de l'énergie en générant d'autres flux de revenus. Depuis sa création en 2005, le fonds souverain du Qatar (Qatar Investment Authority, QIA) a joué un rôle actif en acquérant des biens commerciaux et immobiliers et en entrant au capital de sociétés financières et industrielles prestigieuses. P. I. - Dans quelle mesure la politique de réinvestissement peut-elle être « verte » ? A. A. - L'exploitation des hydrocarbures entraîne, hélas, des effets indésirables sur l'environnement. Il nous faut donc trouver un juste équilibre entre croissance économique et développement social, entre sauvegarde de l'environnement et protection des ressources naturelles. Pour cela, nous devons mettre en place un système de protection efficace fondé sur des cadres législatifs, des instruments juridiques, des mécanismes de mise en oeuvre, la surveillance et le contrôle spécifiques de l'environnement, ainsi que sur des programmes bien définis, concrets et susceptibles d'être évalués. Nos investissements à l'étranger doivent cibler des industries propres. Le Qatar investit massivement dans les sciences et les technologies liées à ces domaines. Bon nombre de projets réalisés sous les auspices du Qatar Science and Technology Park sont des projets essentiellement « verts ». Permettez-moi de citer cet extrait de la Vision nationale (1) : « Dès lors que le progrès économique a un coût environnemental, ce coût doit être compensé par des investissements dans les technologies qui contribuent à améliorer l'environnement. Le Qatar s'est d'ores et déjà engagé à appliquer les normes internationales relatives à la protection de l'environnement lors de la conception et de l'exécution de ses projets industriels. Les efforts du Qatar en faveur de l'environnement ne seront toutefois pas suffisants. La région du Golfe, dont fait partie le Qatar, constitue un système écologique qui subit les conséquences des pratiques et des activités de chacun des pays de la région. Il sera nécessaire, par conséquent, d'inviter et d'encourager …
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