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COUP DE TABAC SUR LES RELATIONS ISRAELO-TURQUES

Que se passe-t-il entre ces partenaires stratégiques que sont la Turquie et Israël ? À quoi la récente réorientation turque est-elle due ? Il y a encore dix ans, alors qu'Ankara menaçait la Syrie d'une intervention militaire pour l'inciter à extrader le chef rebelle kurde Abdullah Öçalan, les armées turque et israélienne multipliaient les manoeuvres aéronavales communes. Voilà quatre années seulement, quand Israël (et, bientôt, le Conseil de sécurité de l'ONU) fustigeait l'Iran pour son processus de nucléarisation potentiellement militaire, la Turquie entretenait encore une relation cordiale avec son partenaire hébreu et recevait chaleureusement sa ministre des Affaires étrangères Tzipi Livni... Fondamentalement, ces dernières années, la diplomatie israélienne vis-à-vis d'Ankara n'a guère varié ; le changement provient donc essentiellement du camp turc dont la stratégie semble offrir un visage nouveau.De fait, jamais depuis la fin des années 1980 les discours à l'attention du gouvernement de Jérusalem ne s'étaient autant radicalisés, alors que le partenariat existe depuis 1996. Les Turcs ont beau prétexter des « massacres commis par Israël à Gaza » (1) (lors de la guerre Israël/Hamas de décembre 2008-janvier 2009) et évoquer une « politique erronée d'Israël au Liban et à Gaza face à laquelle on ne peut rester silencieux » (2), le net refroidissement a commencé au moins deux années auparavant. Ces derniers mois, le président Abdullah Gül, le premier ministre Recep Tayyip Erdogan, ainsi que des ministres et députés influents ont accumulé les reproches avec une virulence et, parfois, une outrance rares dans les cénacles internationaux. Ainsi, en janvier 2009, au sommet économique de Davos - d'ordinaire fort feutré -, M. Erdogan est allé jusqu'à accuser publiquement le prix Nobel de la paix et président israélien en exercice Shimon Pérès, 85 ans, de « savoir très bien tuer les gens » ! Cette diatribe, qui n'aurait guère choqué les actuels chefs d'État iranien, vénézuélien ou libyen, a consterné les Israéliens et stupéfié nombre d'Occidentaux. Et le même Erdogan d'enfoncer le clou, proclamant haut et fort préférer rencontrer Omar el-Bachir (le dictateur soudanais accusé par la Cour pénale internationale de crime de guerre et de crimes contre l'humanité) plutôt que le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou...
À ces saillies oratoires et postures diplomatiques sévères (dont un net soutien au rapport Goldstone stigmatisant Israël pour avoir perpétré des « crimes de guerre » à Gaza), il convient d'ajouter la remise du Prix 2009 des journalistes turcs à la contestataire israélienne Amira Haas (3) ; une grande complaisance à l'égard d'émissions de radio ou de télévision, de publications, de discours et de manifestations à caractère ouvertement anti-israélien et parfois antisémite ; et, plus significatif encore, l'annulation des traditionnelles manoeuvres aéronavales conjointes israélo-turques baptisées Anatolian Eagle. Dans un tel contexte, peut-on encore parler de partenariat stratégique ?
La question se pose d'autant plus que, parallèlement, Ankara souffle le chaud dans son environnement immédiat. Depuis 2006-2007, les gestes de bonne volonté et de coopération se poursuivent à un rythme soutenu, notamment en direction de Damas, de Bagdad, de Téhéran et - plus …