Adoption de nombreux protocoles et lois internationales par l'ONU ; protection de milliers d'opposants à la dictature sur toute la planète ; amélioration des conditions de travail des employés des multinationales ; fin de l'impunité pour plusieurs criminels contre l'humanité... Tels sont certains des acquis de la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH), la plus ancienne ONG de défense des droits de l'homme au monde, et l'une des plus influentes.Créée en 1922, la FIDH regroupe 155 « ligues » présentes dans 100 États, qui luttent au quotidien contre les violations des libertés et des droits fondamentaux. Ces ligues sont non partisanes, non confessionnelles et indépendantes de tout gouvernement - une indépendance qui est garantie par la multiplicité des sources de financement de la FIDH. L'organisation repose sur une multiplicité de contributeurs privés et publics, l'apport de chacun d'entre eux ne pouvant excéder un tiers de son budget total. En 2009, ses principales sources de financement étaient des institutions aussi diverses que la Commission européenne, les ministères des Affaires étrangères français, irlandais, finlandais et suédois, le Sigrid Rausing Trust, la Tides Foundation ou encore la MacArthur Foundation, sans oublier les dons privés.
La FIDH se réserve le droit de mener des activités de plaidoyer auprès de tous les gouvernements - y compris ceux qui financent ses activités - , et de les critiquer lorsque leurs politiques et leurs pratiques conduisent à des violations des droits de l'homme. Principe fédérateur de tous les membres de l'organisation : l'adhésion sans équivoque à la Déclaration universelle des droits de l'homme et la volonté de la défendre, souvent à leurs risques et périls. Le siège de la FIDH est établi en France, à Paris, où elle est reconnue d'utilité publique.
Depuis le 24 avril 2007, la FIDH est présidée par Souhayr Belhassen, 66 ans, journaliste et militante des droits de l'homme tunisienne. Elle est la première femme et la première personnalité issue du monde arabo-musulman à occuper ce poste. Correspondante à Tunis de l'hebdomadaire Jeune Afrique et de l'agence de presse Reuters pendant plus de vingt ans, Souhayr Belhassen a parallèlement milité au sein de la Ligue tunisienne des droits de l'homme (LTDH) dès sa création en 1977. Un activisme qui, on s'en doute, lui a valu de nombreux démêlés avec le régime de Ben Ali, dont elle est l'une des bêtes noires. Victime d'un harcèlement continu des autorités - mise sur écoute, suivie dans ses déplacements, victime de nombreuses perquisitions et même d'une agression physique -, elle est contrainte à un exil de cinq ans entre 1993 et 1998. Revenue dans son pays, elle devient vice-présidente de la LTDH en 2000 et intègre le Bureau international de la FIDH en 2004, avant d'en prendre la tête trois ans plus tard.
Tout au long de son existence, la vénérable institution s'était concentrée exclusivement sur la défense des droits de l'homme dans leur acception la plus stricte (liberté d'expression, liberté politique, liberté d'association). Mais Souhayr Belhassen a pour ambition d'approfondir les attributions de la FIDH. Elle a, en effet, placé parmi ses priorités, en plus des préoccupations traditionnelles de son organisation, des questions comme les droits des migrants ou les droits économiques, sociaux et culturels.
N. R. Natalia Rutkevich - Le monde a récemment célébré le vingtième anniversaire de la chute du Mur de Berlin. Cet événement avait soulevé un immense espoir : la chute du camp communiste devait entraîner de grands progrès en matière de droits de l'homme dans tous les pays membres de ce bloc. Ces attentes se sont-elles vérifiées ?
Souhayr Belhassen - Bien sûr, la chute du Mur avait été une grande joie. Mais le plus important pour nous autres défenseurs des droits de l'homme, ce sont les conséquences concrètes de cet événement symbolique. Trois textes fondamentaux ont rapidement été rédigés et ratifiés par la communauté internationale : le Document de Copenhague (1), la Charte de Paris pour une nouvelle Europe (2) et le Document de Moscou (3). Le changement démocratique avait été institutionnalisé en moins de deux ans ! Au niveau des principes, nous avons donc tout lieu d'être satisfaits.
En revanche, pour ce qui est des changements réels, le tableau est très contrasté. Dans les pays d'Europe de l'Est ainsi que dans les trois républiques soviétiques qui ont rejoint l'UE (les pays baltes), la rupture avec le passé est accomplie et irréversible. Mais en Asie centrale, en Biélorussie et en Russie même, de nombreuses pratiques du passé soviétique perdurent, à notre grande déception.
N. R. - Quels sont les principaux maux dont souffrent ces pays ?
S. B. - De mon point de vue, le problème le plus sérieux est l'administration de la justice. Le principe d'« égalité des armes » entre la défense et l'accusation n'est presque jamais respecté. Les procureurs ont, en effet, le droit d'ouvrir et de fermer des enquêtes comme bon leur semble. Les affaires fabriquées de toutes pièces à des fins politiques - ou simplement parce qu'on ne trouve pas le vrai coupable - s'accompagnent souvent de mauvais traitements, voire de tortures. Par ailleurs, dans la majorité de ces pays, la presse est contrôlée et les obstacles à la liberté de rassemblement et d'association sont monnaie courante. Enfin, la montée du racisme, particulièrement frappante en Russie, est un élément très inquiétant. Les meurtres et les agressions racistes se comptent par centaines et les défenseurs des droits des minorités sont eux-mêmes menacés. Le discours à tonalité nationaliste des autorités ne fait qu'envenimer les choses...
N. R. - Comment expliquez-vous cette réticence à la démocratisation et au respect des droits de l'homme dans les pays de l'ex-URSS ?
S. B. - L'empire soviétique n'était pas une formation organique ou naturelle. Il était donc prévisible que son éclatement provoquerait des processus très dangereux. Ne serait-ce que parce que les mesures prises par le Kremlin avaient créé plusieurs véritables bombes à retardement. Les frontières artificiellement dressées au temps de l'URSS ont donné lieu à de violents conflits armés. Je pense à ce qui s'est passé au Haut-Karabakh, en Abkhazie, en Transnistrie... Ces guerres ont laissé des traces profondes dans toutes les sociétés concernées. Or aucune d'entre elles n'a procédé à un vrai travail de mémoire ou de réconciliation. Quant au …
La FIDH se réserve le droit de mener des activités de plaidoyer auprès de tous les gouvernements - y compris ceux qui financent ses activités - , et de les critiquer lorsque leurs politiques et leurs pratiques conduisent à des violations des droits de l'homme. Principe fédérateur de tous les membres de l'organisation : l'adhésion sans équivoque à la Déclaration universelle des droits de l'homme et la volonté de la défendre, souvent à leurs risques et périls. Le siège de la FIDH est établi en France, à Paris, où elle est reconnue d'utilité publique.
Depuis le 24 avril 2007, la FIDH est présidée par Souhayr Belhassen, 66 ans, journaliste et militante des droits de l'homme tunisienne. Elle est la première femme et la première personnalité issue du monde arabo-musulman à occuper ce poste. Correspondante à Tunis de l'hebdomadaire Jeune Afrique et de l'agence de presse Reuters pendant plus de vingt ans, Souhayr Belhassen a parallèlement milité au sein de la Ligue tunisienne des droits de l'homme (LTDH) dès sa création en 1977. Un activisme qui, on s'en doute, lui a valu de nombreux démêlés avec le régime de Ben Ali, dont elle est l'une des bêtes noires. Victime d'un harcèlement continu des autorités - mise sur écoute, suivie dans ses déplacements, victime de nombreuses perquisitions et même d'une agression physique -, elle est contrainte à un exil de cinq ans entre 1993 et 1998. Revenue dans son pays, elle devient vice-présidente de la LTDH en 2000 et intègre le Bureau international de la FIDH en 2004, avant d'en prendre la tête trois ans plus tard.
Tout au long de son existence, la vénérable institution s'était concentrée exclusivement sur la défense des droits de l'homme dans leur acception la plus stricte (liberté d'expression, liberté politique, liberté d'association). Mais Souhayr Belhassen a pour ambition d'approfondir les attributions de la FIDH. Elle a, en effet, placé parmi ses priorités, en plus des préoccupations traditionnelles de son organisation, des questions comme les droits des migrants ou les droits économiques, sociaux et culturels.
N. R. Natalia Rutkevich - Le monde a récemment célébré le vingtième anniversaire de la chute du Mur de Berlin. Cet événement avait soulevé un immense espoir : la chute du camp communiste devait entraîner de grands progrès en matière de droits de l'homme dans tous les pays membres de ce bloc. Ces attentes se sont-elles vérifiées ?
Souhayr Belhassen - Bien sûr, la chute du Mur avait été une grande joie. Mais le plus important pour nous autres défenseurs des droits de l'homme, ce sont les conséquences concrètes de cet événement symbolique. Trois textes fondamentaux ont rapidement été rédigés et ratifiés par la communauté internationale : le Document de Copenhague (1), la Charte de Paris pour une nouvelle Europe (2) et le Document de Moscou (3). Le changement démocratique avait été institutionnalisé en moins de deux ans ! Au niveau des principes, nous avons donc tout lieu d'être satisfaits.
En revanche, pour ce qui est des changements réels, le tableau est très contrasté. Dans les pays d'Europe de l'Est ainsi que dans les trois républiques soviétiques qui ont rejoint l'UE (les pays baltes), la rupture avec le passé est accomplie et irréversible. Mais en Asie centrale, en Biélorussie et en Russie même, de nombreuses pratiques du passé soviétique perdurent, à notre grande déception.
N. R. - Quels sont les principaux maux dont souffrent ces pays ?
S. B. - De mon point de vue, le problème le plus sérieux est l'administration de la justice. Le principe d'« égalité des armes » entre la défense et l'accusation n'est presque jamais respecté. Les procureurs ont, en effet, le droit d'ouvrir et de fermer des enquêtes comme bon leur semble. Les affaires fabriquées de toutes pièces à des fins politiques - ou simplement parce qu'on ne trouve pas le vrai coupable - s'accompagnent souvent de mauvais traitements, voire de tortures. Par ailleurs, dans la majorité de ces pays, la presse est contrôlée et les obstacles à la liberté de rassemblement et d'association sont monnaie courante. Enfin, la montée du racisme, particulièrement frappante en Russie, est un élément très inquiétant. Les meurtres et les agressions racistes se comptent par centaines et les défenseurs des droits des minorités sont eux-mêmes menacés. Le discours à tonalité nationaliste des autorités ne fait qu'envenimer les choses...
N. R. - Comment expliquez-vous cette réticence à la démocratisation et au respect des droits de l'homme dans les pays de l'ex-URSS ?
S. B. - L'empire soviétique n'était pas une formation organique ou naturelle. Il était donc prévisible que son éclatement provoquerait des processus très dangereux. Ne serait-ce que parce que les mesures prises par le Kremlin avaient créé plusieurs véritables bombes à retardement. Les frontières artificiellement dressées au temps de l'URSS ont donné lieu à de violents conflits armés. Je pense à ce qui s'est passé au Haut-Karabakh, en Abkhazie, en Transnistrie... Ces guerres ont laissé des traces profondes dans toutes les sociétés concernées. Or aucune d'entre elles n'a procédé à un vrai travail de mémoire ou de réconciliation. Quant au …
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