Politique Internationale - Vingt ans après la chute du mur de Berlin, peut-on dire que l'Allemagne a réussi sa double réunification, politique et économique ?
Jean François-Poncet - Lors de la chute du Mur de Berlin, en novembre 1989, nul n'imaginait que le fossé qui avait divisé l'Allemagne pendant un demi-siècle laisserait des traces aussi profondes et que la réunification serait aussi laborieuse. Pourtant, cette réunification correspondait à une aspiration profondément ancrée tant à l'Ouest qu'à l'Est.
P. I. - D'où sont venus les obstacles ?
J. F.-P. - Les uns étaient d'ordre matériel. On avait grossièrement surestimé les réalisations économiques de l'ancienne République démocratique allemande. Or, sa productivité et son appareil industriel ainsi que l'état de ses infrastructures étaient tellement décalés par rapport à ceux de la République de Bonn qu'il a fallu deux décennies et d'énormes investissements pour la remettre à niveau.
À cela s'est ajoutée une barrière psychologique. Les Allemands de l'Est ont eu le sentiment d'être méprisés par leurs concitoyens de l'Ouest qui les appelaient les « Ossies ». Brutalement confrontées aux exigences d'un marché concurrentiel, d'une économie ouverte sur le monde, leurs entreprises ont été acculées à la faillite. À tel point qu'à l'Est les gens ont commencé à regretter le confort, certes médiocre mais rassurant, que procurait l'économie totalement étatisée de la RDA.
La décision prise par le chancelier Kohl, en 1989, d'aligner le Mark oriental sur le Deutschemark, seule monnaie forte de l'Europe, était politiquement compréhensible. Sur le plan économique, en revanche, ce fut un désastre. À l'Est, les salaires se sont rapprochés des rémunérations en vigueur à l'Ouest, alors que la productivité des entreprises d'Allemagne orientale ne permettait pas de supporter une telle charge.
P. I. - Quelle a été la contribution de l'Allemagne réunifiée à l'Europe ?
J. F.-P. - Elle est essentiellement économique. L'Allemagne demeure le premier pays exportateur du monde, devant les États-Unis et pour le moment la Chine. Elle doit cette remarquable performance à son industrie de la machine-outil - un secteur où son savoir-faire traditionnel n'a cessé de s'enrichir des apports de l'informatique.
Cette prééminence industrielle profite à toute l'Europe. C'est aux excédents commerciaux de l'Allemagne que l'Europe doit d'avoir l'une des monnaies les plus fortes du monde. Les autres pays de la zone euro, à commencer par la France, vivent à l'abri du « parapluie » protecteur de la puissance industrielle de l'Allemagne.
P. I. - Cette montée en puissance a-t-elle renforcé la « souveraineté » de l'Europe par rapport aux États-Unis, à la Chine ou au Japon ?
J. F.-P. - La chute du Mur a fait de l'Allemagne la première puissance démographique et politique du continent après la Russie. Débarrassée de la menace permanente que constituaient pour sa sécurité les milliers de chars soviétiques massés à l'Est, l'Allemagne réunifiée, et avec elle le reste de l'Europe, sont devenus moins dépendants qu'ils ne l'étaient auparavant de la protection des États-Unis.
Mais, pour autant, ni l'Allemagne ni la France n'envisagent d'assurer seules la sécurité du Vieux …
Jean François-Poncet - Lors de la chute du Mur de Berlin, en novembre 1989, nul n'imaginait que le fossé qui avait divisé l'Allemagne pendant un demi-siècle laisserait des traces aussi profondes et que la réunification serait aussi laborieuse. Pourtant, cette réunification correspondait à une aspiration profondément ancrée tant à l'Ouest qu'à l'Est.
P. I. - D'où sont venus les obstacles ?
J. F.-P. - Les uns étaient d'ordre matériel. On avait grossièrement surestimé les réalisations économiques de l'ancienne République démocratique allemande. Or, sa productivité et son appareil industriel ainsi que l'état de ses infrastructures étaient tellement décalés par rapport à ceux de la République de Bonn qu'il a fallu deux décennies et d'énormes investissements pour la remettre à niveau.
À cela s'est ajoutée une barrière psychologique. Les Allemands de l'Est ont eu le sentiment d'être méprisés par leurs concitoyens de l'Ouest qui les appelaient les « Ossies ». Brutalement confrontées aux exigences d'un marché concurrentiel, d'une économie ouverte sur le monde, leurs entreprises ont été acculées à la faillite. À tel point qu'à l'Est les gens ont commencé à regretter le confort, certes médiocre mais rassurant, que procurait l'économie totalement étatisée de la RDA.
La décision prise par le chancelier Kohl, en 1989, d'aligner le Mark oriental sur le Deutschemark, seule monnaie forte de l'Europe, était politiquement compréhensible. Sur le plan économique, en revanche, ce fut un désastre. À l'Est, les salaires se sont rapprochés des rémunérations en vigueur à l'Ouest, alors que la productivité des entreprises d'Allemagne orientale ne permettait pas de supporter une telle charge.
P. I. - Quelle a été la contribution de l'Allemagne réunifiée à l'Europe ?
J. F.-P. - Elle est essentiellement économique. L'Allemagne demeure le premier pays exportateur du monde, devant les États-Unis et pour le moment la Chine. Elle doit cette remarquable performance à son industrie de la machine-outil - un secteur où son savoir-faire traditionnel n'a cessé de s'enrichir des apports de l'informatique.
Cette prééminence industrielle profite à toute l'Europe. C'est aux excédents commerciaux de l'Allemagne que l'Europe doit d'avoir l'une des monnaies les plus fortes du monde. Les autres pays de la zone euro, à commencer par la France, vivent à l'abri du « parapluie » protecteur de la puissance industrielle de l'Allemagne.
P. I. - Cette montée en puissance a-t-elle renforcé la « souveraineté » de l'Europe par rapport aux États-Unis, à la Chine ou au Japon ?
J. F.-P. - La chute du Mur a fait de l'Allemagne la première puissance démographique et politique du continent après la Russie. Débarrassée de la menace permanente que constituaient pour sa sécurité les milliers de chars soviétiques massés à l'Est, l'Allemagne réunifiée, et avec elle le reste de l'Europe, sont devenus moins dépendants qu'ils ne l'étaient auparavant de la protection des États-Unis.
Mais, pour autant, ni l'Allemagne ni la France n'envisagent d'assurer seules la sécurité du Vieux …
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