Depuis quelques années, la Turquie offre le spectacle d'un pays déchiré entre, d'une part, les « islamo-conservateurs » du parti de la Justice et du Développement (AKP), adeptes d'un modèle islamique démocratique, et, de l'autre, les nationalistes laïques, partisans d'un modèle de société sécularisé et occidentalisé, mais autoritaire. Le gouvernement AKP affiche sa solidarité pan-islamique, défend le port du voile et la cause palestinienne, se rapproche du monde arabe et de l'Iran, et remet en cause de façon récurrente la légitimité d'Israël, dont l'alliance est imposée par l'armée et les États-Unis. Et s'il ne franchit pas la « ligne verte», c'est parce qu'il craint un coup d'État militaire. À cette guerre civile larvée s'ajoute, depuis l'intervention anglo-américaine en Irak (2003), une vague de haine anti-occidentale, anti-américaine et anti-européenne, dont les minorités sont les premières cibles. Islamo-conservateurs contre kémalistes
D'après ses opposants, l'objectif de la formation islamo-conservatrice AKP, héritière des partis islamistes antérieurs (Fazilet, Refah, MSP), consisterait à démanteler « par étapes » la laïcité et les institutions kémalistes, puis à islamiser la société turque en conquérant les postes clés de la République. Les parcours personnels du premier ministre Recep Tayyip Erdogan et du président Abdullah Gül, militants de longue date des anciens partis islamistes, favorables à la polygamie (1), à l'interdiction de l'alcool et au port du voile dans les lieux publics, sont généralement interprétés comme autant de preuves des « desseins cachés » de l'AKP. Jadis, lorsque le président était un laïc, comme Ahmet Sezer, un équilibre existait entre les différentes composantes de l'échiquier politique turc, qui empêchait l'islamisme d'avancer ses pions. Depuis que Sezer a été remplacé par Abdullah Gül à la faveur de la réforme constitutionnelle votée par le Parlement après la victoire électorale du 22 juillet 2007, l'AKP ne craint plus l'« État profond ». Abdullah Gül a désormais la haute main sur la nomination des juges, des recteurs et des hauts fonctionnaires. À terme, les dirigeants AKP, forts de leur majorité parlementaire et d'un puissant appui populaire, pourraient être tentés de modifier la Constitution ou de refonder le code de la famille.
Face à ce danger, le général Yasar Büyükanit, alors à la tête des forces armées, adressait, dès le 26 juin 2006, une claire mise en garde au président et au premier ministre : « Ceux qui voudraient utiliser la démocratie et les droits culturels pour remettre en cause les fondations de l'État turc laïque seraient stoppés net » (2). Dans un discours à l'Académie militaire, le 2 octobre 2006, Büyükanit s'interrogeait : « N'y a-t-il pas des gens en Turquie qui veulent que la notion de laïcité soit redéfinie ? Ces gens n'occupent-ils pas les postes les plus élevés de l'État ? N'attaquent-ils pas l'idéologie d'Atatürk ? » (3). Des propos réitérés par son successeur, Ilker Basbug, nommé en août 2008 - un « faucon », lui aussi, peu tendre envers les « réactionnaires » (4). Le 14 octobre 2007, au moment de la crise opposant laïques et militaires au gouvernement AKP au …
D'après ses opposants, l'objectif de la formation islamo-conservatrice AKP, héritière des partis islamistes antérieurs (Fazilet, Refah, MSP), consisterait à démanteler « par étapes » la laïcité et les institutions kémalistes, puis à islamiser la société turque en conquérant les postes clés de la République. Les parcours personnels du premier ministre Recep Tayyip Erdogan et du président Abdullah Gül, militants de longue date des anciens partis islamistes, favorables à la polygamie (1), à l'interdiction de l'alcool et au port du voile dans les lieux publics, sont généralement interprétés comme autant de preuves des « desseins cachés » de l'AKP. Jadis, lorsque le président était un laïc, comme Ahmet Sezer, un équilibre existait entre les différentes composantes de l'échiquier politique turc, qui empêchait l'islamisme d'avancer ses pions. Depuis que Sezer a été remplacé par Abdullah Gül à la faveur de la réforme constitutionnelle votée par le Parlement après la victoire électorale du 22 juillet 2007, l'AKP ne craint plus l'« État profond ». Abdullah Gül a désormais la haute main sur la nomination des juges, des recteurs et des hauts fonctionnaires. À terme, les dirigeants AKP, forts de leur majorité parlementaire et d'un puissant appui populaire, pourraient être tentés de modifier la Constitution ou de refonder le code de la famille.
Face à ce danger, le général Yasar Büyükanit, alors à la tête des forces armées, adressait, dès le 26 juin 2006, une claire mise en garde au président et au premier ministre : « Ceux qui voudraient utiliser la démocratie et les droits culturels pour remettre en cause les fondations de l'État turc laïque seraient stoppés net » (2). Dans un discours à l'Académie militaire, le 2 octobre 2006, Büyükanit s'interrogeait : « N'y a-t-il pas des gens en Turquie qui veulent que la notion de laïcité soit redéfinie ? Ces gens n'occupent-ils pas les postes les plus élevés de l'État ? N'attaquent-ils pas l'idéologie d'Atatürk ? » (3). Des propos réitérés par son successeur, Ilker Basbug, nommé en août 2008 - un « faucon », lui aussi, peu tendre envers les « réactionnaires » (4). Le 14 octobre 2007, au moment de la crise opposant laïques et militaires au gouvernement AKP au …
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